Un gage de stabilité
La coopération entre la France et ses 15 partenaires africains contribue à la stabilité financière de ces derniers. Grâce à la garantie de convertibilité apportée par la France, cette coopération permet une protection contre les risques de crise de balance des paiements de ces pays. Elle constitue également un arrangement financier régional qui concourt au filet de sécurité mondial ou Global Financial Safety Net (GFSN)1 dont le Fonds monétaire international (FMI) est le maillon central. Fondée sur une relation historique et culturelle forte, elle s’inscrit, enfin, dans la recherche de réponses communes aux défis du développement et à ceux posés par l’environnement économique international.
Deux principes fondamentaux régissent cette coopération :
- la fixité du change avec l’euro, avec une parité maintenue à 1 euro = 655,957 francs CFA (XAF/XOF) et 1 euro = 491,968 francs comoriens (KMF). Cet ancrage a permis aux pays concernés de connaître depuis plusieurs décennies une inflation très sensiblement inférieure à celles des autres pays d’Afrique subsaharienne ;
- la garantie de convertibilité inconditionnelle et illimitée offerte par le Trésor français, sous forme d’avance aux banques centrales de ces pays, en cas d’épuisement de leurs réserves de change. Ce filet de sécurité financière assure la crédibilité de l’ancrage des monnaies sur l’euro et constitue une protection efficace contre les chocs sur la balance des paiements.
Enfin, cette coopération s’accompagne d’un effort de coordination en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Il se matérialise notamment au sein du Comité de liaison anti-blanchiment (CLAB), instance de concertation et d’appui technique dont le secrétariat permanent est assuré par les services de la Banque de France.
Un peu d’histoire
Les origines
Le 9 septembre 1939, alors que la Seconde guerre mondiale vient de débuter, un décret institue une même zone monétaire entre la France et ses territoires d’outre-mer, afin de préserver ces derniers de brutales fluctuations de change. Il met ainsi en place une réglementation des changes commune et une gestion centralisée des réserves de change : les flux de capitaux sont libres et les monnaies librement convertibles entre elles, selon des parités fixes. En décembre 1945, en marge des négociations de Bretton Woods, une monnaie unique est créée dans les territoires africains sous souveraineté française : le franc des Colonies françaises d’Afrique (franc CFA), qui deviendra en 1958 le franc de la Communauté française d’Afrique.
Après leur indépendance, obtenue entre 1958 et 1960, la plupart des États d’Afrique subsaharienne issus de l’empire colonial français choisissent de conserver des liens étroits de coopération avec la France. Les instituts d’émission coloniaux sont transformés, donnant naissance à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), avec le franc de la Communauté financière africaine (XOF) pour monnaie, et à la Banque centrale des États de l’Afrique équatoriale et du Cameroun (BCEAEC, future BEAC), qui émet le franc de la Coopération financière en Afrique centrale (XAF).
Les accords conclus entre la France et les membres de chacune des unions monétaires fixent les principes de la coopération : maintien des parités fixes, liberté des transferts, centralisation des réserves de change et garantie illimitée de convertibilité au travers des comptes d’opérations. L’administration française et la Banque de France apportent en outre un appui matériel et technique substantiel au fonctionnement des instituts d’émission.
À partir de mars 1965, les ministres des Finances de la Zone franc se réunissent semestriellement, en amont des assemblées annuelles et des réunions de printemps du Fonds monétaire international (FMI).
Le rôle accru des banques centrales des États africains
De nouveaux accords de coopération monétaire sont signés, en novembre 1972 pour l’Afrique centrale et en décembre 1973 pour l’Afrique de l’Ouest. Ils marquent un tournant dans le partenariat qui évolue vers une plus grande responsabilité des partenaires africains dans la gouvernance de leurs banques centrales. La réduction du poids des représentants français dans les conseils d’administration de la BEAC et de la BCEAO va ainsi de pair avec l’africanisation progressive des cadres et le transfert du siège des deux institutions de Paris à Yaoundé (Cameroun) pour la BEAC en 1977 et à Dakar (Sénégal) pour la BCEAO en 1978. En contrepartie de sa garantie, la France continue toutefois de participer à la gestion et au contrôle de ces banques centrales.
L’adhésion à ces accords constitue toujours un choix libre et souverain des États parties prenantes. Certains y mettent ainsi fin, à l’instar de la Mauritanie (1972) et de Madagascar (1973). À l’inverse, le Mali conclut une convention bilatérale avec la France en 1967, avant d’adhérer à l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) en 1984. Indépendantes depuis 1975, les Comores signent également une convention de coopération monétaire avec la France en novembre 1979. L’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC) s’élargit, en 1985, à la Guinée équatoriale et l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA), en 1997, à la Guinée-Bissau.
Du franc à l’euro
Les années 1990 voient le renforcement de l’intégration régionale et la substitution de l’euro au franc. Face à la détérioration de la compétitivité économique des partenaires africains, les francs CFA et le franc comorien sont respectivement dévalués de 50 % et 33 % le 11 janvier 1994. Cette unique dévaluation s’accompagne d’un approfondissement des unions monétaires, avec l’adoption des traités constitutifs de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC), respectivement le 10 janvier et le 16 mars 1994.
Lors de son introduction, au 1er janvier 1999, la monnaie unique européenne remplace le franc français comme ancre monétaire des francs CFA et du franc comorien, sans modification de la parité.
Les accords de coopération monétaire restent en vigueur après l’adoption de l’euro par la France, les partenaires français et africains demeurant les seuls responsables de leur mise en œuvre.
Une décision du Conseil de l’Union européenne est néanmoins nécessaire dans deux cas de figure :
- lors d’un changement de portée des accords, tel que l’admission d’un nouvel État ;
- en cas de modification de leur nature même, que serait, par exemple, une remise en cause de la garantie française ou de la fixité des taux de change.
L’accord signé en 2019 avec les États de l’UEMOA fait évoluer, pour ces pays, le cadre de la coopération monétaire. Selon les dispositions du nouvel accord, la France ne désigne plus de représentant dans les instances de gouvernance de la Banque centrale, sauf quand sa garantie est susceptible d’être mise en jeu. Le compte d’opérations de la BCEAO auprès du Trésor français est clôturé et le rôle de la France devient celui d’un garant financier.
Des institutions solides
Les coopérations monétaires entre l’Afrique et la France sont structurées autour des banques centrales, partenaires privilégiés de la Banque de France, et des organes institutionnels des deux unions monétaires.
Les banques centrales définissent et conduisent la politique monétaire des États africains
La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), dont le siège est établi à Dakar, est l’institut d’émission de l’UEMOA. Elle est dirigée par un gouverneur, nommé pour un mandat de six ans renouvelable par la conférence des Chefs d’État et de Gouvernement. Le gouverneur préside le conseil d’administration, en charge des questions relatives à la gestion de la BCEAO, le Comité de politique monétaire, qui définit la politique monétaire de l’UEMOA et ses instruments, et la Commission bancaire de l’UMOA, autorité de supervision des établissements de crédit et des institutions de microfinance. Son Collège est composé du gouverneur de la Banque centrale, un représentant désigné par chaque État membre, et des membres nommés par le Conseil des ministres de l’UMOA, sur proposition du gouverneur en raison de leur compétence dans le domaine bancaire. La Banque centrale assure le secrétariat et prend en charge les frais de la Commission bancaire.
En application des accords du 21 décembre 2019, la France ne désigne plus de représentant, ni au conseil d’administration de la BCEAO, ni au Comité de politique monétaire. Ce dernier compte toutefois une personnalité indépendante et qualifiée, désignée intuitu personae par le Conseil des ministres de l’UMOA en concertation avec le gouvernement français.
La Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), dont le siège est établi à Yaoundé, est l’institut d’émission de la CEMAC. Elle est dirigée par un gouverneur, nommé pour un mandat de sept ans non renouvelable par la conférence des Chefs d’État et de Gouvernement. Le gouverneur préside le Comité de politique monétaire, qui définit la politique monétaire de la CEMAC et ses instruments, ainsi que la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC), chargée de la supervision des établissements de crédit et des institutions de microfinance. Le Conseil d’administration de la BEAC, qui administre la Banque centrale et veille à son bon fonctionnement, est présidé par le président en exercice du Comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC).
En vertu du traité de l’UMAC et des statuts de la BEAC, la France désigne, à l’instar des six États de la CEMAC, deux administrateurs et deux membres du Comité de politique monétaire.
La Banque centrale des Comores (BCC), dont le siège est établi à Moroni, est l’institut d’émission et l’autorité de supervision du secteur bancaire comorien. Elle est dirigée par un gouverneur, nommé pour un mandat de cinq ans renouvelable par le président de l’Union des Comores. Le conseil d’administration définit et met en œuvre la politique monétaire, assure l’administration de la Banque centrale et adopte les décisions de supervision bancaire.
En vertu des statuts de la BCC, quatre des huit membres du conseil d’administration sont désignés par le gouvernement français, et les quatre autres par le gouvernement comorien. Le président du conseil d’administration est élu par le conseil, parmi ses membres comoriens.
L’UEMOA et la CEMAC : deux unions monétaires complétées par des unions économiques
Instituée à Dakar (Sénégal) le 10 janvier 1994, dans le contexte de la dévaluation du XOF, l’UEMOA est venue compléter l’Union monétaire, avec quatre objectifs : l’harmonisation du cadre légal et réglementaire, la création d’un marché commun se substituant à l’union douanière déjà existante, la surveillance multilatérale des politiques macroéconomiques et la coordination des politiques sectorielles nationales.
Les grandes orientations politiques de l’UEMOA sont fixées par la conférence des Chefs d’État et de Gouvernement et mises en œuvre par le Conseil des ministres. La Commission de l’UEMOA, dont le siège est fixé à Ouagadougou (Burkina Faso), est son organe exécutif.
Créée à N’Djamena (Tchad) le 16 mars 1994, la CEMAC est constituée de deux ensembles : l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC), cadre d’harmonisation juridique, d’intégration commerciale et de convergence économique, et l’UMAC.
Autorité suprême de la CEMAC, la conférence des Chefs d’État et de Gouvernement en détermine la politique. Elle oriente l’action, d’une part, du Conseil des ministres de l’UEAC, qui dirige l’Union économique, et, d’autre part, du Comité ministériel de l’UMAC, qui a d’importantes prérogatives dans la gestion de la BEAC et assure la cohérence des politiques économiques nationales avec la politique monétaire commune. La Commission de la CEMAC, siégeant à Bangui (Centrafrique), est l’organe exécutif de la Communauté.
L’UEMOA et la CEMAC mettent chacune en œuvre un processus de convergence et d’intégration économique régionales, qui contribue à la stabilité de leur monnaie unique. Elles disposent, à cet effet, de dispositifs de surveillance multilatérale : dans les deux unions, le suivi du respect des critères de convergence est assuré par la Commission, qui soumet le cas échéant des mesures rectificatives au Conseil des ministres.
1 Le filet de sécurité mondial est un ensemble de mécanismes et d’instruments visant à procurer une assurance pour prévenir ou traiter les crises de balance des paiements en fournissant de la liquidité internationale. Il se compose des réserves de change, des accords de swap entre banques centrales, des ressources du FMI, et des arrangements financiers régionaux.