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Revue de la stabilité financière de la Banque de France « Financement de l’économie : de nouveaux canaux pour la croissance »

Introduction de Christian Noyer, Gouverneur de la Banque de France

Mesdames, Messieurs,

L’objectif de cette troisième table ronde est de lancer le dernier numéro de la Revue de la stabilité financière de la Banque de France intitulé « Financement de l’économie : de nouveaux canaux pour la croissance » et qui traite essentiellement du besoin accru de financement de marché. Je suis très heureux de débattre de ce sujet tout à fait d’actualité dans un pays qui a adopté depuis longtemps le financement de marché et qui a beaucoup à nous apprendre à ce sujet. Aux États–Unis, 80 % du financement par endettement est effectué sur les marchés de capitaux tandis que cette proportion n’est que de 20 % dans la zone euro. Cette nouvelle publication de notre RSF, tout comme les précédentes, rassemble les contributions d’éminents universitaires, professionnels et décideurs venus du monde entier. Je remercie chaleureusement l’ensemble des auteurs. Je ne peux pas les citer tous, mais Sheila Bair et Barbara Novick, entre autres, sont parmi nous aujourd’hui. Ces contributions sont très diverses, voire divergentes, en termes d’analyses et de propositions. C’est précisément ce que nous voulons. Il est clair que nous ne partageons pas nécessairement les opinions exprimées dans les articles, mais nous croyons au débat d’idées.

Globalement, cette nouvelle RSF met l’accent sur trois grands aspects du financement de l’économie :

- Les exigences réglementaires ont et continueront d’exercer une influence importante sur le comportement et les stratégies des intervenants de marché.

- La transition vers un profil de financement plus équilibré doit être soutenue par une intervention des pouvoirs publics.
- Beaucoup reste à faire pour drainer plus efficacement les ressources et assurer un flux de financement à long terme suffisant, ce qui est un préalable à la reprise et à la croissance.

Avant que nous n’entamions la discussion, je souhaiterais partager avec vous quelques réflexions personnelles sur ce sujet.
À mon avis, les problèmes de financement de l’économie sont essentiellement de deux ordres :

- D’une part, certains compartiments de l’économie, à savoir les PME et les infrastructures, dépendent fortement du financement bancaire, en raison de l’existence de coûts fixes élevés et d’asymétries d’information importantes. En effet, les banques sont mieux armées pour évaluer la solvabilité de ces contreparties ou de ces projets. Face à cette situation, il est nécessaire de débloquer le crédit bancaire.

- D’autre part, et cela concerne l’ensemble de l’économie, il est essentiel de favoriser le développement d’un financement de marché en complément du financement bancaire. Bien que cette évolution soit déjà commencée, sa vitesse et son ampleur sont variables selon les pays et les secteurs.

L’élaboration d’une structure de financement plus équilibrée est un processus nécessairement long, qui exige un engagement fort et une intervention des pouvoirs publics. En Europe, une série d’initiatives, conduites par les autorités, sont en cours pour relancer le marché moribond de la titrisation, mais également pour développer les marchés de placement privé. À propos de la titrisation, permettez-moi de souligner qu’elle a indûment souffert en Europe de l’expérience des États–Unis, bien qu’elle ait été beaucoup moins susceptible de faire défaut. Plus généralement, le projet d’Union des marchés de capitaux de la Commission européenne soutiendra l’augmentation des flux de financement, la diversification des risques et une meilleure allocation des ressources.

Cette évolution vers davantage de financement de marché comporte deux conséquences principales, du point de vue de la stabilité financière :

- Premièrement, la prolifération de la réglementation crée de l’incertitude pour les intervenants de marché. L’analyse de l’incidence cumulée des réglementations et de leurs interactions n’a commencé que depuis peu mais elle doit être poursuivie. La vigilance est effectivement indispensable pour s’assurer que la mise en oeuvre des réformes n’entraîne pas une réduction des activités essentielles pour le financement des investissements et des entreprises. Je pense notamment à l’activité de tenue de marché qui montre des signes de recul, en partie en raison des coûts liés à la réglementation. Cette baisse doit être surveillée dans un système financier où nous encourageons le financement de marché et où la tenue de marché est cruciale pour les émetteurs et les investisseurs.

- Deuxièmement, le développement de sources de financement alternatives, extérieures au système bancaire, apporte une nécessaire diversification. Cependant, les risques associés à la désintermédiation sont clairs, notamment une évaluation limitée des risques ou une moindre capacité à gérer les situations difficiles par les investisseurs et certaines lacunes dans la supervision. En parallèle, la réintermédiation non bancaire soulève des questions d’égalité de traitement liées à l’irrégularité de la réglementation et de la surveillance d’un secteur ou d’un pays à l’autre.

Pour discuter de ces importantes questions, nous avons le grand privilège de réunir aujourd’hui un panel exceptionnel composé de :

  • Mme Sheila Bair, présidente du Conseil du risque systémique, ancienne présidente du Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), qui est sans conteste un régulateur éminent. Chère Sheila, votre contribution à la construction d’un système financier plus robuste, au service de l’économie, est particulièrement impressionnante et vos idées sur la façon de le rendre encore plus résistant sont très pertinentes ;
  • Nous accueillons également Mme Barbara Novick, vice-présidente de Blackrock et auteur d’articles marquants traitant de gestion d’actifs et de politiques publiques ; ainsi que M. Alain Papiasse, Directeur général adjoint de BNP Paribas, représentant le groupe en Amérique du Nord. Barbara et Alain sont deux professionnels des marchés de haut niveau ayant une expérience approfondie de la gestion d’actifs et des activités de banque d’investissement. Donc, chère Barbara, cher Alain, j’espère que vous allez nous apporter vos avis « d’initiés » et des visions complémentaires de ce que signifie réellement le financement de l’économie.
  • Et enfin, permettez-moi de vous présenter M. Thomas Philippon, un universitaire distingué de NYU, spécialisé notamment dans l’évolution du secteur financier. Cher Thomas, votre recherche sur la financiarisation de l’économie offrira un point de vue original en mettant en perspective les relations qui existent entre le secteur financier et l'économie.

Je vous remercie tous d'être parmi nous aujourd'hui.

Je donne à présent la parole à nos panélistes. Je propose que chaque intervenant fasse une présentation de 10 minutes avant d’entamer le véritable débat entre les membres du panel, à l’issue duquel nous nous tournerons vers le public. Mme Bair interviendra en premier, suivie de Mme Novick, puis du Professeur Philippon et pour finir M. Papiasse. Sheila, je vous laisse la parole.

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DiscoursChristian Noyer, Gouverneur de la Banque de France
Revue de la stabilité financière de la Banque de France « Financement de l’économie : de nouveaux canaux pour la croissance »
  • Publié le 20/04/2015
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