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Présentation du rapport d’activité de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour 2021

Présentation du rapport d’activité

De l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour 2021

Conférence de presse du 31 mai 2022

 

Discours de François Villeroy de Galhau,

Gouverneur de la Banque de France

Président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

 

Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux de vous accueillir pour notre rendez-vous annuel de présentation du rapport d’activité de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), accompagné de Jean-Paul Faugère, Vice-Président de l’ACPR, de Dominique Laboureix, Secrétaire général de l’ACPR, et de Alain Ménéménis, Président de la Commission des sanctions de l’Autorité. L’année passée a été marquée par une reprise vigoureuse de notre économie, dans laquelle le secteur financier s’est révélé particulièrement robuste (I). 2022 devrait maintenant voir des avancées réglementaires substantielles (II). La guerre en Ukraine fait cependant peser de nouveaux risques sur le secteur financier, requérant une vigilance renforcée (III). Dans toutes ces situations, les femmes et les hommes de l’ACPR ont continué d’œuvrer sans relâche pour assurer, en toutes circonstances, la résilience du système financier français, au service du financement de l’économie. Je les en remercie chaleureusement.

I. La force du secteur financier français est plus que jamais un atout pour notre économie

Un mot bref pour commencer sur la situation des assurances qui sera développée plus en détail par Jean-Paul Faugère. Dans le contexte de reprise économique en 2021, le secteur de l’assurance a renoué avec la croissance sur l’ensemble de ses activités : la collecte des primes nettes a augmenté de 18% par rapport à l’an dernier. Elle a permis aux assurances de consolider leur solvabilité avec un taux de couverture s’élevant à 253%, après une légère décrue pendant la crise Covid.

Les banques françaises ont quant à elles bénéficié, durant l’année 2021, d’un « retour à la normale » pleinement justifié sur la distribution de leurs dividendes. Leur niveau de solvabilité, déjà solide, s’est encore accru sur l’année, s’élevant à près de 16% pour le top 6 France.

Leur rentabilité a également évolué de manière favorable (le RoE atteint 7,1% fin 2021 contre 4,6% l’année précédente et 6,4% en 2019) : elle est proche de la moyenne européenne mais, comme celle-ci, reste structurellement trop faible.

Les banques ont continué à assumer pleinement leur rôle de financement de l’économie avec un marché du crédit dynamique : +4 % de croissance pour les crédits mobilisés aux PME, et même +6 % pour les crédits à l’habitat des ménages, ce qui reste un chiffre particulièrement élevé. Le crédit en France continue de croître plus vite que l’économie, et donc la dette privée – celles des entreprises et des ménages – s’accroît toujours.

Concernant le crédit aux entreprises, j’avais dit ici même l’année dernière que la sortie progressive des dispositifs de soutien d’aide publique constituait un risque maîtrisable pour le secteur financier. De fait, la vague de faillites redoutée par certains n’a pas lieu. À fin avril 2022, le nombre de défaillances cumulé sur un an reste inférieur de près de 43% à celui observé en avril 2019. Plus encore, selon nos estimations, plus de 95% des prêts garantis par l’État (PGE) devraient être remboursé en temps et en heure. La moitié des PGE octroyés en 2020 a commencé à être remboursée en 2021 ; les remboursements de l’autre moitié ont commencé depuis avril dernier. Certes, le choc de la guerre en Ukraine ralentit notre croissance, j’y reviendrai. Mais la solidité même de nos banques et de nos entreprises fin 2021, en sortie de crise Covid, peut fonder notre confiance. Rien ne justifie aujourd’hui, face à certaines alarmes ou revendications excessives, le retour à des dispositifs d’exception comme en 2020 : ni sur les règles prudentielles des banques, ni sur un soutien aux entreprises général et non ciblé. La Médiation du crédit, adossée à la Banque de France, n’est d’ailleurs que très peu sollicitée pour des demandes de restructurations relatives aux PGE (moins de 200 dossiers sur 700 000 PGE en tout).

La France a le secteur bancaire et assurantiel le plus fort de la zone euro : c’est un atout pour notre économie, à l’égard duquel notre pays n’est parfois pas assez conscient ni assez positif. Et ceci justifie notre attention à un cadre règlementaire sain.

 

II. Un cadre réglementaire à finaliser

En matière de réglementation bancaire, la Commission a présenté fin octobre 2021 sa proposition de transposition de l’accord international de décembre 2017, une étape déterminante vers la finalisation de Bâle 3. L’ACPR soutient cette proposition qui prend pleinement en compte les spécificités européennes et prévoit un délai suffisant, d’ici 2032, pour l’adaptation aux nouvelles caractéristiques de supervision. Mais je veux ici être très clair : les dérogations concernant le crédit immobilier ou les entreprises non notées doivent impérativement rester transitoires. Toute tentation de les pérenniser remettrait en cause notre engagement, la crédibilité internationale de la France et de l’Europe. Face à certaines affirmations surprenantes mais récurrentes de l’industrie bancaire, il faut rappeler une évidence : le cadre prudentiel n’a en rien depuis dix ans empêché le bon et même le très large financement de l’économie française ; il a au contraire permis de renforcer la résilience du système financier qui s’est particulièrement révélée pendant la crise Covid. Ne dévions pas, ne tardons pas : la France et l’Europe ont tout à gagner à un Bâle 3 stabilisé et équilibré ; nous veillerons à cette équité internationale des règles, y compris sur la banque d’investissement qui compte au regard de la souveraineté européenne.

En accord cette fois avec Bercy et avec les banques françaises, je soutiens pleinement l’objectif de la Commission et de la BCE d’une application du plancher en capital (« output floor ») sur base consolidée :  nous ne devons pas introduire de nouveaux freins à l’Union bancaire, et la résistance des pays « hôtes » n’a ici guère de fondement autre qu’un protectionnisme nuisible.

Du côté des assurances, la Commission a aussi publié en septembre ses propositions d’amendements aux règles de Solvabilité 2, qui sous la Présidence française de l’Union européenne sont en bonne voie pour aboutir prochainement à un texte définitif de compromis au niveau du Conseil. Elles ont notre plein soutien, pour faciliter l’investissement durable de long terme (soutien de l’investissement en actions, intégration d’objectifs climatiques), sans accroître les exigences globales de fonds propres des assureurs.

De nouvelles avancées ont également été réalisées dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), avec la création d’une direction dédiée au sein de l’ACPR, qui permettra de suivre en particulier les risques associés aux crypto-actifs. L’ACPR a toute sa part dans l’excellent résultat de la France lors de son évaluation par le Groupe d’Action Financière (GAFI), qui vient de recevoir la meilleure évaluation possible pour la qualité du dispositif français.

En matière de protection de la clientèle, la conclusion d’un accord de place en février 2022 sous l’égide du ministère de l’Économie permettra une plus grande transparence des frais de gestion des contrats d’assurance-vie et d’épargne-retraite, grâce à la publication pour chaque contrat d’un tableau récapitulatif des principaux frais à partir du 1er juillet 2022. Mais il est souhaitable d’éclairer encore davantage les épargnants. L’ACPR s’est récemment attachée à croiser les différents paramètres de l’offre disponible : frais, rendement, et nature des supports proposés à la vente dans les unités de compte. Les résultats, qui appellent davantage de simplicité dans l’offre et une réflexion à conduire sur le partage des rémunérations, seront discutés cet été avec les assureurs ; nous les publierons d’ici l’automne prochain, en parallèle des mesures retenues en dialogue avec la Place. La distribution et la gestion de l’assurance-vie méritent une juste rémunération d’un travail technique : mais qui dit juste dit ouvert, et qui dit technique ne doit pas dire opaque.

Parmi les défis structurels du secteur financier le réchauffement climatique, bien sûr, demeure. Après un exercice pilote pionnier conclu à l’ACPR en 2021, nous devons à présent rendre ces stress test climatiques obligatoires – comme c’est déjà le cas pour les banques supervisées par le Mécanisme de Supervision Unique – et les conduire très régulièrement tant pour les banques que pour les assurances. Une fois la méthodologie affinée – et seulement alors –, nous pourrons en tirer les conséquences en matière d’exigence en capital, en commençant logiquement par le pilier 2.

 

III. Le système financier et l’ACPR devront être mobilisés sur plusieurs fronts face aux conséquences de la guerre en Ukraine

Tout d’abord, nous restons très attentifs aux retombées du conflit russo-ukrainien en matière de stabilité financière : elles restent pour l’heure limitées. Les expositions directes du secteur financier français aux actifs russes sont contenues : les engagements bancaires russes représentent moins de 1% du total des engagements internationaux, tandis que les placements des assureurs français en titre russes s’élèvent à un peu moins de 500 millions d’euros. La sortie des investissements sur place s’est faite de façon certes délicate mais ordonnée. Le conflit pourrait avoir un impact plus important par le biais de canaux indirects, dont notamment les fortes tensions sur les marchés internationaux des matières premières. Les conséquences de ces mouvements de marché ont eu pour l’instant un impact bien maîtrisé sur le secteur bancaire français. L’ACPR reste cependant pleinement mobilisée dans la surveillance de potentiels risques financiers émergents.

Plus largement, l’environnement macroéconomique et financier a considérablement évolué depuis l’année passée, le conflit en Ukraine ayant aggravé la résurgence de tensions inflationnistes déjà perceptibles fin 2021: nous y sommes naturellement très attentifs, comme nos concitoyens le sont.
Les derniers chiffres d’inflation de mai, en France et dans les autres pays, confirment une hausse que nous prévoyions, et la nécessité d’une normalisation monétaire progressive mais résolue. Nous devrions la décider lors de notre Conseil des gouverneurs la semaine prochaine, dans l’esprit des interventions récentes de la Présidente de la BCE. Après avoir entendu dire pendant des années que les taux bas pesaient sur les banques et les assurances, il pouvait paraître exclu d’entendre ensuite des inquiétudes sur la remontée des taux. Étrangement, certaines semblent cependant émerger. Il faut donc être clair : la remontée des taux, dès lors qu’elle est ordonnée et bien gérée, va être favorable au secteur financier. Elle devrait soutenir la rentabilité des banques françaises, en augmentant leurs marges nettes d’activité. Du côté des assureurs, elle leur permettrait de faire évoluer la composition de leurs portefeuilles avec des actifs plus rémunérateurs ce qui, combiné aux réserves de participation aux bénéfices pouvant être distribuées, permettra de maintenir une rémunération des contrats en euros relativement proches des rendements du marché et limitera les risques de rachats de contrats. Les institutions financières devront toutefois prévenir de potentiels effets adverses en matière de moins-values financières, et de solvabilité de certains emprunteurs trop « leveragés ». Mais globalement, les taux d’intérêt – exceptionnellement accommodants pour les emprunteurs depuis 2015 – resteront favorables et très supportables pour l’ensemble de l’économie au regard des normales historiques.

Je dois enfin mentionner parmi les défis du système financier le renforcement tendanciel du risque cyber. L’exposition à ce risque s’est significativement accrue dans le cadre de la numérisation de nos méthodes de travail, et en particulier le recours croissant au télétravail ; elle est exacerbée par l’instrumentalisation possible des attaques cyber par les autorités russes dans le cadre du conflit russo-ukrainien. À ce stade, nous n’avons pas constaté d’augmentation des incidents cyber à l’encontre des institutions financières depuis février dernier, mais celles-ci doivent rester extrêmement vigilantes. Le projet de règlement Digital Operational Resilience Act (DORA) – pour lequel un accord provisoire a été conclu sous présidence française le 10 mai en vue d’une adoption prochaine par les co-législateurs – permettra de renforcer la résilience opérationnelle du secteur financier. De plus, des évaluations spécifiques ont été réalisées avec les établissements bancaires et la BCE pour se préparer activement si des processus de gestion de crise cyber devaient être activés. Au niveau national, le Groupe de Place Robustesse présidé par la Banque de France suit de près l’évolution de la situation des principaux acteurs financiers et infrastructures de marché depuis le début du conflit.

Je vous remercie de votre attention, et je laisse la parole à Jean-Paul Faugère, vice-président de l’ACPR, qui nous éclairera sur le secteur des assurances, et ensuite à Alain Ménéménis, qui nous présentera l’activité de la commission des sanctions qu’il préside.

 

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DiscoursFrançois VILLEROY DE GALHAU, Gouverneur de la Banque de France
Présentation du rapport d’activité de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour 2021
  • Publié le 31/05/2022
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