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Présentation du rapport d’activité de l’ACPR - Paris, le 28 mai 2020.

Présentation du rapport d’activité

de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour 2019

  Conférence de presse du jeudi 28 mai 2020

 

Discours de François Villeroy de Galhau,

Gouverneur de la Banque de France,

Président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux de vous accueillir pour la présentation du rapport d’activité 2019 de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), avec Bernard Delas, vice-président de l’ACPR, Dominique Laboureix, nouveau secrétaire général de l’ACPR, et Alain Ménéménis, nouveau président de la commission des sanctions. Les circonstances sont particulières et inédites. En effet, nous parlerons d’une année écoulée alors que nous traversons depuis lors une crise sanitaire et économique sans précédent. Nous y reviendrons.

En 2019 comme depuis le début 2020, les femmes et les hommes de l’ACPR ont continué d’œuvrer sans relâche pour la stabilité financière. Je tiens à les en remercier. Ce matin, j’orienterai mes propos vers une actualité que nous ne pouvons ignorer et qui est au cœur de nos préoccupations, sans oublier les autres enjeux, ceux de la rentabilité et de la solvabilité des banques et des compagnies d’assurance en France et en Europe. 

 

I. Le secteur financier français a abordé la crise dans une position solide…

Les banques françaises ont continué à renforcer leur structure financière et sont aujourd’hui plus résistantes face à la dégradation de l’activité économique qu’elles ne l’étaient avant la crise financière de 2008.

Elles disposent fin 2019 d’une forte position de liquidité : le ratio de couverture des besoins de liquidité (LCR) agrégé des 6 grands groupes bancaires français atteint 131,8 %. Cette situation reflète un excédent confortable des actifs liquides moyens face aux sorties nettes de trésorerie potentielles en situation de stress.

Leur solvabilité a en outre été considérablement renforcée, grâce notamment à la règlementation de Bâle 3 : celle-ci a été souvent critiquée, mais tous en voient l’utilité aujourd’hui. Les ratios de fonds propres durs (CET1) ont augmenté de près de neuf points de pourcentage en douze ans, passant de 5,8 % en 2008 à 14,4 % en 2019, dont une progression d’un demi-point de pourcentage sur la seule année 2019.

Toutefois, la rentabilité du secteur s’est maintenue en 2019 à un niveau encore assez faible, le RoE moyen ressortant à 6,5 %. J’avais évoqué ce point de vigilance déjà l’an dernier, et il pèse sur la valorisation boursière des banques européennes. Les décisions de la banque centrale en tiennent compte, pour garantir la bonne transmission de la politique monétaire. L'image collective que nous avons encore des banques doit évoluer : le secteur bancaire européen n’a pas, comparé notamment aux banques américaines, une rentabilité excessive ni à toute épreuve. Pour assurer durablement leurs services essentiels à l’économie, les banques françaises doivent dégager suffisamment de revenus sans être soumises, de divers bords, à toujours davantage de contraintes.

S’agissant des assureurs, le secteur aborde la crise sanitaire actuelle dans une situation confortée. Dans une période marquée par de nouvelles baisses des taux d’intérêt, le taux de couverture du capital de solvabilité requis des organismes atteint 265 % fin 2019 après 239 % fin 2018.

Mais, je laisserai Bernard Delas entrer plus en détail sur ce sujet.

Parallèlement, les institutions financières ont dû adapter leurs modèles d’affaires à deux défis durables :

Les taux bas, qui s’inscrivent désormais dans la durée, soumettent les banques et les assureurs à des pressions sur leur rentabilité. Dans ce contexte, les banques sont aidées par le mécanisme de tiering mis en place en septembre 2019 par la BCE et les assureurs par l’intégration d’une partie de la provision pour participation aux bénéfices (PPB) qui représente une amélioration d’une trentaine de points de pourcentage du ratio de solvabilité du marché fin 2019.

La digitalisation favorise la prise en charge de certaines activités traditionnellement bancaires par d’autres acteurs économiques dont les BigTechs.  La concurrence est bienvenue, mais elle doit être équitable. L’ACPR continue de s’assurer que les cadres réglementaires et opérationnels favorisent l’innovation tout en maîtrisant les risques associés, notamment les cyber-risques, en nette progression, et les enjeux de souveraineté pour l’Europe.

 

II. A la crise sanitaire exceptionnelle, les institutions financières comme les superviseurs répondent rapidement et fortement

2.1     Des réponses rapides, fortes et inédites pour soutenir l’économie réelle en période de pandémie

À la différence de 2008, les banques sont cette fois au cœur des solutions et non au centre de la crise. Avec leurs salariés que je veux saluer, elles se sont mobilisées pour mettre en œuvre des mesures fortes en faveur de l’économie réelle. Cela comprend la mise en place rapide des PGE (prêts garantis par l’État) : à ce jour près de 559 000 demandes pour 105 milliards, dont 85 milliards déjà accordés. En France, les crédits sont ainsi arrivés rapidement vers les TPE et PME, à la différence des difficultés rencontrées en Italie, au Royaume-Uni ou aux États-Unis. B. Delas reviendra sur les mesures prises par les assureurs, mais permettez-moi de signaler les travaux engagés par l’ACPR sur les conditions d’indemnisation des pertes d’exploitation afin de mieux identifier les enjeux de cette activité.

2.2     Une politique monétaire réactive

Nous sommes depuis ce matin en « silent period », donc je me limiterai à des remarques rétrospectives sur la politique monétaire. J’ai souvent rappelé que la politique monétaire n’était pas faite pour les banques mais pour l’ensemble de l’économie. Et les banques ont souvent excessivement attaqué la politique monétaire comme responsable de leurs maux. Il me paraît d’autant plus important de relever que les décisions récentes de la BCE, face à la crise, ont veillé à préserver la bonne transmission de la politique monétaire via le canal bancaire :

  • Les conditions des TLTRO III, ces opérations ciblées de refinancement de long terme, ont été fortement assouplies (jusqu’à 0,50 % de moins que le taux sur la facilité de dépôt en cas d’atteinte de la cible de prêts sur la « période COVID », soit actuellement -1 %). Cette innovation radicale représente un allègement de coûts annuel de plusieurs milliards d’euros pour le système bancaire européen. 
  • De nouvelles opérations ont également été annoncées (LTRO bridge, PELTRO i.e. « Pandemic Emergency Longer-Term Refinancing Operations »). Suite à la mise en place de ces mesures, l’encours de refinancement des banques de la zone euro auprès de l’Eurosystème a nettement augmenté, pour atteindre plus de 1 000 milliards d’euros, avant même la TLTRO de juin.
  • L’assouplissement du cadre de collatéral a de son côté permis d’augmenter significativement les montants d’actifs éligibles aux opérations et de soutenir l’octroi de crédit au secteur privé. D’abord par l’extension des créances privées (crédits bancaires) acceptées comme collatéral. Mais aussi par un abaissement temporaire de 20 points de pourcentage des taux de décote pour tous les actifs (et 20 points de pourcentage supplémentaires pour les créances privées), ou encore par la hausse de la limite de concentration sur les titres bancaires non sécurisés de 2,5 % à 10 % du collatéral déposé par les banques. L’entrée en vigueur imminente du régime permettant d’accepter les prêts garantis par l’État renforcera encore la capacité des banques à accéder aux financements de l’Eurosystème.

2.3 Une adaptation de la politique prudentielle

La BCE, l’ACPR et les agences de supervision bancaires (Autorité bancaire européenne, Comité de Bâle, etc.) ont aussi décidé de tenir compte de l’impact de la crise en exploitant de façon intelligente les marges de flexibilité dont elles disposent comme superviseurs pour veiller à la mise en œuvre la réglementation : nous avons ainsi allégé certaines exigences en capital, et invité à alléger les réserves de précaution. Nous entendons parfois que c’est un relâchement indu : c’est précisément le contraire. C’est pour ces circonstances exceptionnelles que ces réserves de capital et de liquidité avaient été constituées. C’est l’esprit même de la règlementation que de les utiliser maintenant, à des fins contracycliques. Ceci représente un abaissement temporaire du ratio minimum de capital requis d’environ 3 points de pourcentage pour les banques françaises. Nous avons par ailleurs réduit temporairement certaines charges de travail en reportant les stress-tests et en assouplissant certaines modalités de remise des états de reporting.

La Commission européenne a par ailleurs récemment proposé des révisions ciblées du Règlement CRR, afin d’apporter une réponse règlementaire à la crise, au-delà des flexibilités à la main du superviseur. Tout en préservant la solidité des banques, il est en effet nécessaire d’introduire quelques ajustements au cadre prudentiel afin de limiter certains effets procycliques de la crise actuelle sur le niveau des exigences de fonds propres. Les mesures proposées vont donc dans le bon sens, même si nous souhaiterions, par parallélisme avec les récentes décisions américaines, sortir aussi les prêts garantis par l’État du ratio de levier. L’ensemble doit permettre aux banques de continuer à jouer pleinement leur rôle de financement de l’économie, condition nécessaire à une reprise rapide de l’économie.

Les résultats de la toute première étude EBA publiée cette semaine doivent être bien sûr interprétés avec précaution. Mais ils prévoient cependant que leurs marges de manœuvre en termes de capital placent la plupart des banques européennes en mesure d’absorber le choc sévère de la crise COVID-19. L’EBA estime cet impact entre 230 et 380 points de base de ratio de capital CET1. Compte tenu en outre des assouplissements prudentiels précités, les banques ont des marges de manœuvre supplémentaires.

Cependant, les résultats du premier trimestre 2020 portent déjà la trace des difficultés économiques et du choc sur les marchés financiers. En effet, les résultats trimestriels des quatre premiers groupes bancaires français (BNP Paribas, Société Générale, Groupe Crédit Agricole et Groupe BPCE) voient notamment la baisse de leur produit net bancaire (PNB) de 4,8 % ainsi qu’une augmentation de 130 % de la charge du risque et en conséquence une diminution de leur résultat net de près de 50 % par rapport au premier trimestre de l’année précédente. Par conséquent, une surveillance active des organismes et établissements financiers est nécessaire pour s’assurer que leur solidité financière reste suffisante. L’ACPR, avec le Mécanisme de supervision unique, maintient une vigilance forte, dans tous ses domaines d’intervention, y compris la protection de la clientèle et les risques climatiques. Plus que jamais, un superviseur compétent et un système financier résilient sont deux impératifs face à la crise.

 

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DiscoursFrançois VILLEROY DE GALHAU, Gouverneur de la Banque de France
Présentation du rapport d’activité de l’ACPR - Paris, le 28 mai 2020.
  • Publié le 28/05/2020
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