Bienvenue Christian NOYER, bonjour.
Bonjour Jean-Pierre ELKABBACH.
Il suffit d’un seul TSIPRAS pour paralyser 18 chefs d’État et de gouvernement et toute l’Europe. Vous n’en avez pas assez ?
C'est vrai qu’on s’est senti souvent un peu seul depuis six mois. J’ai envie de dire : il y a une seule chose importante aujourd'hui, l’économie grecque est au bord de la catastrophe ! Il faut absolument un accord dimanche prochain, c'est le dernier délai ! Après, ce sera trop tard et les conséquences seront graves.
Mais on nous dit chaque fois : c'est la semaine prochaine, c'est mardi, c'est mercredi, c'est dimanche, et vous dites, un accord ou une décision ?
Eh bien il faut une décision ! Parce qu’il appartient aux responsables politiques de savoir si oui ou non la Grèce peut continuer et peut redresser son économie, avec le soutien des autres États. Ça c'est au gouvernement de le décider, au Parlement de le décider ! Et donc c'est pour cela que je dis : comme les chefs d’État et de gouvernement ont eux-mêmes fixé la date de dimanche, c'est vraiment le dernier délai. Et c'est le dernier délai aussi parce que l’économie grecque est au bord de la rupture, de l’effondrement.
On voit bien que messieurs JUNCKER, HOLLANDE, RENZI font de leur mieux, avec madame MERKEL ; monsieur TSIPRAS les balade. Leur patience est peut-être illimitée, mais cela aura, aurait une fin dimanche. Mais s’il n’y a pas d’accord dimanche, monsieur le gouverneur, qu’est-ce qui se passe lundi matin ?
Je crains que s’il n’y avait pas d’accord dimanche, ce soit l’effondrement de l’économie grecque, et le chaos. Les banques sont aujourd'hui au bord de la rupture.On les maintient avec une ligne de vie depuis des mois, mais il y a un moment où ça ne tiendra plus.
Ça veut dire qu’il y a des risques de tensions sociales et peut-être de violences en Grèce ?
Ça veut dire qu’il y a…
Ou c'est une manière de faire pression sur monsieur TSIPRAS, en disant : attention, il peut y avoir des émeutes ?
Non, c'est la réalité objective. Aujourd'hui il peut y avoir des émeutes, bien sûr il peut y avoir un chaos dans le pays, mais l’économie est au bord de la rupture, l’argent ne circule plus et donc on a une situation qui est complètement anormale, qui ne peut pas durer.
La commission JUNCKER a le scénario d’un Grexit. Est-ce qu’à la BCE vous avez un tel scénario ? Vous avez pensé à tout ?
Nous sommes toujours prêts à faire face à toutes les situations qui peuvent se présenter, mais nous nous sommes résolument inscrits depuis six mois, dans l’hypothèse que la Grèce resterait dans la zone euro, qu’un accord politique serait trouvé. Et c'est la raison pour laquelle nous avons maintenu les lignes de liquidités qui ont permis à l’économie de survivre tant bien que mal depuis six mois.
C'est-à-dire les lignes de liquidités, vous continuez à verser des liquidés, et le président de la République a dit d’une manière surprenante « des liquidités minimales », il est intervenu. Vous les maintenez jusqu’à dimanche. Qu’est-ce que ça veut dire « minimales » ?
Minimales, je ne sais pas ce qui est minimal, parce que nous prêtons aujourd'hui, en comptant toutes les opérations, aides d’urgence et refinancement normal, presque 130 milliards d’euros aux banques grecques. Et 130 milliards d’euros aux banques grecques, ça fait presque les ¾ du PIB ! Donc c'est un montant qui n’a aucun équivalent dans le reste de la zone euro.
Et le plafond autorisé pour la BCE, c'est 90 milliards. On vous demande pour sauver un peuple et un pays, de crever cet artificiel plafond. Qui ou qu’est-ce qui vous en empêche, monsieur NOYER ?
Nous avons des règles et nous les avons interprétées au maximum pour pouvoir maintenir la ligne de survie des banques grecques. Mais nous ne pouvons pas, indéfiniment, continuer à augmenter les risques que nous prenons. Parce que si la catastrophe se produit, à la fin des fins c'est le contribuable des autres pays qui va payer et donc nous avons la responsabilité de ne pas aller au-delà de ce qui est décidé par les responsables politiques.
Oui, mais vous changez vos règles, la situation est tellement grave.
Ce n'est pas à nous de changer nos règles, c'est aux hommes politiques de prendre leurs responsabilités, et de prendre la décision de faire ce qu’il faut.
Oui. Monsieur NOYER, pardon de vous dire que les politiques renvoient vers vous, et vous, vous renvoyez aux politiques. C'est sans fin, ça.
La décision de faire rentrer la Grèce dans la zone euro, a été une décision politique ; la décision de l’y maintenir est une décision politique. La seule façon pour la Grèce de se redresser et de faire redémarrer son économie, c'est d’avoir à la fois un programme de réformes économiques qui la remette sur la voie de la croissance…
C'est dur à l’arrivée, et on va entendre tout à l'heure monsieur TSIPRAS devant le Parlement européen…
… et de l’aide financière pour passer la période qui vient.
Mais vous dites… vous montrez bien que l’aide, elle est accordée. Mais on a le sentiment que tous, là, experts, politiques, vous espérez que la technique et les règles mettent la Grèce dehors ou qu’elle prenne la décision. Qui aura le courage de trancher, une fois pour toutes ?
C'est aux chefs d’État et de gouvernement de trancher. La seule solution possible c'est qu’il y ait un accord politique, qui prévoie à la fois un programme de réformes économiques crédible - il faut que la Grèce s’engage résolument dans les réformes économiques, sinon elle ne redressera jamais son économie - et qu’il y ait l’aide qui accompagne cela, une nouvelle aide, puisqu’il y en a déjà eu beaucoup.
Il faut l’accorder, on peut l’accorder ?
Il faut l’accorder.
C'est ce que demande monsieur TSIPRAS, encore, un nouveau programme d’aides, le troisième.
C'est aux politiques, évidemment, de décider. Moi, je pense qu’il faut l’accorder si on a un programme économique crédible.
C'est ce que demande monsieur TSIPRAS, encore, un nouveau programme d’aides, le troisième.
C'est aux politiques, évidemment, de décider. Moi, je pense qu’il faut l’accorder si on a un programme économique crédible.
En Grèce, les banques sont fermées jusqu’à ce soir. Est-ce que monsieur TSIPRAS peut rouvrir les banques dès demain ? Est-ce que c'est techniquement possible ?
Dans la situation actuelle, je ne vois absolument pas comment il pourrait le faire, il y aurait immédiatement une course aux guichets. Il faut voir aujourd'hui que les liquidités que nous injectons ces derniers mois ont essentiellement deux destinations : il y en a une partie qui est partie à l’étranger et une partie qui a été retirée pour être mise sous les matelas, et donc…
C'est pour ça que ça ne circule pas.
Et c'est pour ça que ça ne circule pas. En fait il y a une défiance généralisée, donc il faut ramener la confiance. Et d’ici là c'est impossible de faire tourner les banques d’une façon normale.
À partir de quand la BCE aura l’obligation, selon ses règles, de fermer ses robinets ? Même pour donner du goutte-à-goutte, passer la perfusion au goutte-à-goutte, là.
À partir du moment où il n’y aura plus de perspectives d’accords politiques sur un programme. À ce moment-là nos règles nous obligent à arrêter complètement. Où à partir du moment où le système bancaire grec s’effondrera, ce qui viendra si la Grèce fait défaut généralisé sur toutes ses dettes.
En plus il faut que la Grèce vous rembourse, à la BCE, 3,5 milliards avant le 20 juillet. On voit bien qu’elle ne peut pas. Qu’est-ce qui va se passer ?
Eh bien la seule façon de régler ce problème, c'est qu’il y ait un accord avant, qui prévoit un déboursement. Ensuite on verra en fonction des dates comment on gère la situation. Mais cela ne peut être fait que par une aide des États membres qui permette de rembourser cette échéance.
C'est-à-dire : c'est l’accord politique, la décision politique. Vous, à la BCE, vous ne pouvez rien. On nous a dit que vous étiez indépendants, vous aviez de l’argent, vous êtes puissant.
Écoutez, depuis six mois, encore une fois, on a maintenu la ligne de survie aux banques grecques, on a mis énormément d’argent, puisque comme vous le rappeliez on a laissé monter l’assistance de liquidités d’urgence jusqu’à près de 90 milliards…
Vous n’en pouvez plus.
Mais on a tiré, on a interprété nos règles au maximum et on a…
Mais dans quelle atmosphère vous êtes ? Vous travaillez tous les jours, tous les gouverneurs, avec Mario DRAGHI.
Oui, on se parle tous les jours, tous les jours on prend une décision, on analyse la situation, c'est évidemment une situation qui est une situation…
Vous avez peur ? Vous êtes tendus, vous avez peur ?
On commence à être très inquiets en effet ! Parce qu’on voit arriver la catastrophe si aucune décision n'est prise. Et accessoirement, tous les montants que nous avons prêtés, s’ils devaient ne jamais être remboursés, ça retomberait sur les contribuables de nos pays. Donc nous avons vraiment été au maximum des responsabilités que nous pouvions prendre.
Christian NOYER, est-ce que la Grèce, est-ce que sans la Grèce, l’euro est condamné ?
Non, pas du tout, pas du tout. Ce serait très malheureux pour la Grèce ; ce serait un accident qui est dommageable pour la crédibilité à long terme de l’euro. Donc cela devrait être compensé par des décisions concrètes manifestant un renforcement de la solidarité et de la convergence dans la zone euro, mais ça ne serait pas du tout la fin de l’euro.
Deux remarques, comment va Christian NOYER, le taliban costume-cravate ?
Oh, écoutez, moi je ne connais pas monsieur JOFFRIN, parce que je crois que c'est lui qui m’a traité de taliban.
Dans Libération, oui, il dit : « Les têtes dures de la finance, Christian NOYER par exemple, grand prêtre d’une politique d’austérité, qui conduit l’Europe dans le mur, il s’accroche à ses dogmes, tel un taliban en costume-cravate ».
Je considère bien sûr que c'est une injure pour moi, mais surtout que c'est une offense grave à tous ceux qui sont morts sous le joug des taliban et tous ceux qui vivent sous le joug des talibans. Et je crois en plus que c'est bien mal me connaître, parce que, moi, j’agis aujourd'hui comme hier pour le maintien de la Grèce dans la zone euro, ce qui suppose le redressement de son économie. On a fait tout…
Très bien, très bien, mais vous voulez nous dire que vous n’avez tué personne.
Non seulement je n’ai tué personne, mais je crois avoir tendu la main pour aider à sauver des vies.
Pour le 1er août vous réclamez une baisse du Livret A sous le 1 % actuel. C’est le gouvernement qui décide, il vous reproche de négliger le pouvoir d’achat des Français. Il faut pousser encore les Français à investir. Mais pourquoi vous vous lancez dans une cause qui est perdue d’avance ?
Je vais vous le dire très simplement. Je considère que c'est ma responsabilité. J’ai toujours eu à coeur de défendre le pouvoir d’achat du Livret A. Je ne ferai jamais de propositions, je ne prendrai jamais de décisions, qui ne maintiennent pas le pouvoir ou qui ne défendent pas complètement le pouvoir d’achat du Livret A. Mais on peut, en même temps, défendre le pouvoir d’achat du Livret A et aider à redémarrer l’économie, aider à relancer le logement social, aider à réduire le chômage. C’est la politique de la BCE, avec une baisse des taux qui a été très forte.
Et ce matin vous dites : moins de 1 %. Vous le répétez.
Et ce matin je dis : si on veut relancer l’économie et réduire le chômage, il ne faut pas tergiverser, il faut prendre des décisions qui soient en ligne avec les décisions de la BCE.