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France Info : « Ramener l'inflation à 2% d'ici 2024 n’est pas seulement notre prévision, c’est notre engagement »

FRANCE INFO

LE 17H00-20H00 – Le 23/05/2022 – 19:15:00

Invité : François VILLEROY de GALHAU, gouverneur de la Banque de France

 

Nicolas TEILLARD

… A vos côtés, Isabelle, depuis Davos, François VILLEROY de GALHAU, le gouverneur de la Banque de France. Bonsoir.

François VILLEROY de GALHAU

Bonsoir Nicolas TEILLARD.

Nicolas TEILLARD

Et merci d'avoir accepté l'invitation de France Info. Réaction d'abord à cette apparition du président ukrainien devant vous aujourd'hui ; est-ce que le monde économique a aussi son rôle à jouer dans ce conflit ?

François VILLEROY de GALHAU

Je crois. Vous savez, depuis le premier jour de l'invasion de l'Ukraine, les Européens et les démocraties en général, ont fait un choix économique courageux. Nous savions que ça signifierait moins de croissance, plus d'inflation mais d'une certaine façon, c'est le prix à payer pour défendre nos valeurs, pour défendre l'Ukraine et sa liberté.

Nicolas TEILLARD

L'économie française est prête à faire ces sacrifices ?

François VILLEROY de GALHAU

Je crois que notre économie s'adapte à ce nouvel environnement. Le président ZELENSKY a souhaité des sanctions supplémentaires mais je crois que ce qui est surtout frappant, c'est de voir que les Européens ont décidé de façon extrêmement rapide, extrêmement unie, extrêmement forte. Et puis il y a eu aussi un appel à l'aide, à très court terme sur la situation financière de l'Ukraine ; et il se trouve que j'ai participé la semaine dernière à une réunion du G7 en Allemagne puisqu’ils en ont la présidence actuellement, et la somme de 19 milliards pour aider l'Ukraine maintenant, sans parler de la reconstruction future, a déjà été réunie. C'est plus que ce qui était espéré. Donc je crois que la mobilisation est déjà très forte et c'est un cas où en faveur de la démocratie, de la solidarité, de la paix, nous acceptons de payer un prix économique.

Nicolas TEILLARD

Et Monsieur le Gouverneur, la cheffe du service économie de France Info, Isabelle RAYMOND, a des questions pour vous.

Isabelle RAYMOND

Alors vous êtes le seul représentant officiel français, ici à Davos, cette année; ni Emmanuel MACRON ni son ministre de l'Economie, Bruno LE MAIRE, ne vont venir. C'est moins important qu'avant, Davos, il s’y passe moins de choses qu'avant ?

François VILLEROY de GALHAU

Je ne veux pas survaloriser ma présence ; je crois qu'il y a une petite part de hasard, c'est la composition du nouveau gouvernement en fin de semaine dernière et chacun des ministres dont Bruno LE MAIRE est au travail dans son bureau. Je crois que l'occasion pour moi ici, c'est d'abord d'écouter y compris ce qui se dit autour de l'Ukraine qui est évidemment une crise majeure ; c'est aussi un peu d'expliquer ce qui se passe dans notre pays et en Europe. Je crois que c'est important dans ce monde international, de faire entendre, en tout cas dans l'ordre économique, la voix de la France et la voix de l'Europe.

Isabelle RAYMOND

Alors la présidente de la Banque centrale européenne sera ici à Davos demain soir ; Christine LAGARDE précise aujourd'hui que la BCE sortira d'ici la fin du 3e trimestre, des taux négatifs ; cela signifie que la Banque centrale européenne va augmenter son principal taux directeur avant la fin septembre. C'est une première depuis 14 ans. Est-ce que c'est nécessaire ? Est-ce que c'est le bon timing François VILLEROY de GALHAU ?

François VILLEROY de GALHAU

Je crois Isabelle RAYMOND, avant de venir sur les taux, il faut venir sur ce qui est la cause de nos actions, c'est-à-dire l'inflation.  Et ça, c'est le souci numéro un de ceux et celles qui nous écoutent. Je le disais tout à l'heure, la guerre en Ukraine, c'est un peu moins de croissance même si l'activité est plutôt résiliente en France, mais c'est surtout plus d'inflation et nos concitoyens le sentent quand ils vont à la pompe mais pas seulement à la pompe, aussi quand ils achètent de la nourriture ou même aujourd'hui des biens, des services. L'inflation en France est nettement inférieure à la moyenne de la zone euro – nous sommes autour de 5% alors que la moyenne de la zone euro est à plus de 7 – mais 5%, c'est déjà trop pour nos concitoyens et en plus, ce n'est pas seulement un choc énergétique, je crois qu'on pourrait dire que l'inflation n'est pas seulement plus haute qu'avant, elle est plus large, c'est-à-dire qu'elle se répand à un ensemble de biens et services. Ça, c'est le signe que la banque centrale doit agir dans le sens de ce qu'on peut appeler la normalisation.

Isabelle RAYMOND

Mais ça veut dire quand même concrètement que l'argent va coûter plus cher et pour la France et pour les Français.

François VILLEROY de GALHAU

Je voudrais expliquer ce mot de « normalisation », c'est une forme de retour à la normale. Qu'est-ce qu’il y avait jusqu'à présent ? Il n’y avait pas assez d'inflation et donc on avait un argent qui était à taux exceptionnellement bas, même des taux négatifs pour les États, ce qui est difficile à comprendre et puis qui était extrêmement abondant, des liquidités. Donc là, nous allons commencer par lever le pied de l'accélérateur, c'était un accélérateur à inflation, il n'y en a plus besoin aujourd'hui. Et on va revenir vers des conditions de taux qui vont rester favorables mais qui vont être plus proches des normales historiques ; un relèvement progressif des taux d'emprunt pour l'État ou pour les entreprises ou pour le crédit immobilier. Mais j'insiste sur le fait que c'est un retour vers la normale, ce n’est pas le passage à des conditions de taux défavorables. Et ceci a un objectif alors qui est essentiel, c'est de ramener l'inflation à 2% d'ici 2024. Je voudrais souligner ce point parce qu’il ne s’agit pas seulement de notre prévision, c’est notre engagement.

Isabelle RAYMOND

Merci François VILLEROY de GALHAU, gouverneur de la Banque de France, en direct de Davos.

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France Info : « Ramener l'inflation à 2% d'ici 2024 n’est pas seulement notre prévision, c’est notre engagement »
  • Publié le 23/05/2022
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