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Biodiversité, macroéconomie et finance : ce que nous savons, ce que nous ne savons pas encore et ce que nous devons faire

Conférence DNB-OMFIF sur la biodiversité, Amsterdam, 29 septembre 2022
Biodiversité, macroéconomie et finance : ce que nous savons, ce que nous ne savons pas encore et ce que nous devons faire
Discours de François Villeroy de Galhau,
Gouverneur de la Banque de France

 

 

Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux d’être de nouveau parmi vous aujourd’hui à cette conférence DNB-OMFIF sur la biodiversité. Permettez-moi de commencer par un souvenir: il y a plus de quatre ans, j’étais ici à Amsterdam pour la première conférence du NGFS alors naissant, et je me dois de rendre hommage à son premier président, Frank Elderson, à qui nous devons beaucoup pour son leadership passionné sur les thématiques relatives au climat mais aussi à la nature. À ce moment-là, j’avais plaidé pour que la Green Finance soit “une nouvelle frontière pour le 21ème siècle”. Quand je vois tous les progrès que nous avons fait depuis sur le risque climatique – sur la disclosure, les stress tests, le verdissement de la politique monétaire – j’y trouve matière à un certain optimisme, bien sûr, mais aussi à deux inquiétudes : (i) malgré ces progrès, la bataille sur le climat est loin d’être gagnée (ii) par rapport à nos connaissances et nos outils sur le climat, nous avons des années de retard sur la biodiversité qui nous occupe aujourd’hui. Et donc je veux lucidement, mais avec détermination, partager avec vous l’état de ce que nous savons déjà, et de ce que nous ne savons pas encore (B), avant d’en venir à ce que nous devons faire (C).

A. Ce que nous savons déjà

1. Nous faisons face à des pertes de biodiversité alarmantes

Nous ne pouvons plus ignorer les signaux d’alarme d’un "Printemps silencieux". Nous sommes actuellement confrontés à un changement global de la faune et de la flore : certaines espèces se raréfient ou disparaissent, tandis que d’autres évoluent désormais dans des habitats auxquels elles n’étaient pas adaptées jusqu’à récemment. Les chiffres sont assez éloquents : 25 % des espèces étudiées sont menacées d’extinction ; les scientifiques parlent d’une sixième extinction de masse en cours, la première causée par l’homme.

Pourtant, la biodiversité est essentielle à la résilience des écosystèmes, qui fournissent eux-mêmes des services indispensables, bien que non comptabilisés, permettant la vie sur notre planète ; ce que nous appelons les « services écosystémiques ». Pour le dire en termes économiques, ils comprennent la fourniture de biens essentiels comme la nourriture, le bois, l’eau, etc., mais aussi des fonctions régulatrices comme la régulation du climat, la purification de l’eau ou la pollinisation. De manière évidente, la détérioration de la nature par la déforestation, la pollution plastique et chimique et par la surconsommation affecte la production de ces services. Depuis 1970, 14 des 18 catégories de services écosystémiques ont décliné selon la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Certaines de ces catégories sont pourtant essentielles à la vie et à l’activité humaines : la lutte contre les parasites et les maladies en est un exemple frappant, les scientifiques mettant en garde contre une « ère de pandémies » si nous n’agissons pas face la crise de la biodiversité.

2. Ces pertes représentent à terme un risque significatif pour la croissance économique et pour le système financier

Pendant des siècles, les sociétés humaines, les activités économiques et la finance ont été fortement imbriquées dans la nature : les échéanciers de prêts, par exemple, étaient indirectement déterminés par le rythme des saisons. Aujourd’hui, la grande majorité des agents économiques agissent comme si nos économies étaient complètement « désimbriquées » de la nature (Dasgupta, 2021): nous appelons même « externalités » les impacts que nous exerçons sur la nature.

Toutefois, les faits ne cessent pas d’exister parce qu’on les ignore : nos économies sont profondément dépendantes des écosystèmes. Selon des estimations, plus de la moitié du PIB mondial, soit 44 000 milliards de dollars de valeur économique créée, dépend des services écosystémiques de manière modérée ou élevée (WEF/Herweijer et al., 2020). En outre, la valeur totale des services écosystémiques que nous consommons presque gratuitement pourrait atteindre un montant supérieur au PIB mondial annuel (Costanza et al., 2014).

Parce que les institutions financières soutiennent le développement de l’activité économique, notre système financier est aussi fortement vulnérable aux pertes de biodiversité (slide 2). Le groupe d’étude conjoint NGFS-INSPIRE a publié en mars un rapport soulignant les implications en matière de stabilité financière des risques relatifs à la nature, en particulier ceux liés aux pertes de biodiversité. Les risques relatifs à la biodiversité peuvent être considérés comme des risques physiques et des risques de transition, ce qui rappelle le schéma d’analyse des risques climatiques. Les risques physiques sont dus à la dépendance des activités économiques aux services écosystémiques et à leur vulnérabilité en cas de perturbation ; les risques de transition résultent de l’impact de ces activités sur la biodiversité, ce qui les rend vulnérables aux politiques de transition. À titre d’exemple, une étude récente a montré que l’exposition à des terres dégradées pouvait avoir un impact sur la valeur des entreprises cotées en bourse intervenant dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire au Brésil : la valeur de marché des exploitations agricoles opérant sur des terres dégradées a diminué de 13 % suite à des conditions climatiques extrêmes, alors que celle des exploitations opérant sur des sols sains a augmenté de 6 %.

 

3. Il y a des interactions fortes entre changement climatique, perte de biodiversité et les autres risques liés à la nature

Tout d’abord, les risques liés à la biodiversité et ceux liés au climat sont profondément interconnectés, et sont sujets à des phénomènes de rétroaction, ce que l’on appelle le « nexus climat-biodiversité ». En effet, le changement climatique est déjà le troisième facteur de perte de biodiversité après le changement d’utilisation des sols et la surexploitation des organismes vivants ; en retour, la perte de biodiversité réduit notre résilience face au changement climatique et notre capacité à l’atténuer. L’exemple canonique de la déforestation en Amazonie constitue une autre preuve des synergies entre ces facteurs : la forêt amazonienne est à la fois une réserve de carbone et un écosystème unique qui abrite de nombreuses espèces menacées. De fait, selon le GIEC, les solutions fondées sur la nature figurent parmi les options les plus intéressantes pour atteindre la neutralité carbone.

 

Ces interdépendances s’appliquent également à d’autres risques liés à la nature (slide 3) : par exemple, tant le changement climatique que le changement d’utilisation des sols entraînent des déséquilibres en matière de disponibilité de l’eau douce, notamment en raison des sécheresses – ce dont nous avons pris pleinement conscience récemment. Nous devons reconnaître que, jusqu’à présent, les contours des risques liés à la nature sont plutôt vagues, car ils concernent les risques que pose tout phénomène lié à la nature. Nous avons encore un enjeu de définition. La variété d’interactions et de chevauchements entre risques liés au climat, risques liés à la biodiversité et autres risques liés à la nature fait justement l’objet d’études au sein du groupe de travail du NGFS, que j’évoquerai tout à l’heure.

Une approche intéressante sur laquelle les experts s’appuient actuellement afin de résumer les différentes facettes des risques liés à la nature est celle des « limites planétaires » (slide 4). Selon la dernière évaluation en date, six des neuf limites planétaires ont été franchies, ce qui augmente le risque d’atteindre un point de bascule, au-delà duquel notre impact sur la planète pourrait être irréversible. Ces limites comprennent le changement climatique et la perte de biodiversité, mais également l’utilisation de l’eau douce, la déforestation et l’utilisation des sols, la pollution, la diminution de la couche d’ozone, par exemple ; chacune de ces limites interagit largement avec les autres.

Ne nous y trompons pas : ces interconnexions engendrent un débat politique compliqué. Beaucoup plaident la priorité aux risques climatiques, parce qu’on les connait mieux et qu’on a les leviers d’action. Parmi ceux qui, à l’inverse, plaident l’approche large des risques environnementaux, certains – comme la précédente administration américaine – veulent en réalité « diluer » la priorité climatique. Je voudrais plaider aujourd’hui en faveur de l’élargissement de notre champ d’action, de manière progressive, mais avec ambition. D’abord, le changement climatique, où nous devons avancer aussi vite que possible ; ensuite la biodiversité, où nous sommes en situation intermédiaire ; enfin les autres risques liés à la nature qui ont un impact économique, comme la pollution de l’air et de l’eau, l’utilisation des sols, etc., dans la mesure où ils ne sont pas encore couverts car nous travaillons sur le climat et la biodiversité. Visons d’avoir un jour une approche holistique ; mais surtout, n’attendons pas de tout savoir sur l’ensemble des risques liés à la nature pour agir sur le climat.

B. Ce que nous ne savons pas encore

Si je fais le parallèle avec les progrès réalisés sur le climat, nous avons encore deux défis significatifs sur la biodiversité : la métrique et les scénarios (comme ceux du GIEC pour le climat) et la macroéconomie et la finance (comme les travaux du NGFS sur le climat).

1. La métrique et les scénarios de la biodiversité

La biodiversité – et a fortiori la nature – est complexe et multidimensionnelle : par exemple, les mesures de la biodiversité ne peuvent pas se limiter à une métrique unique, comme c’est le cas par exemple pour le changement climatique avec la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère et la hausse associée de la température. Nous manquons toujours de connaissances et d’une prise de conscience quant à ce phénomène. Fort heureusement, l’IPBES, que l’on pourrait décrire comme l’équivalent du GIEC pour la biodiversité, développe les connaissances et sensibilise dans ce domaine. Il fournit des évaluations majeures sur la perte de biodiversité et les services écosystémiques, notamment des travaux sur des scénarios que l’on pourrait approfondir afin d’améliorer l’évaluation des risques par le secteur financier, tout comme nous l’avons fait avec les scénarios du GIEC.

Nous sommes en effet confrontés à de nombreux défis conceptuels lorsqu’il s’agit d’évaluer les risques associés à la biodiversité, qui requièrent des outils adaptés. Ces défis recouvrent : la diversité des facteurs et des impacts, l’incertitude sur l’horizon temporel (qui peut être relativement court pour les risques liés à la biodiversité), l’importance des risques extrêmes et des non‑linéarités associés aux points de bascule, la substituabilité limitée des services écosystémiques (par exemple, les forêts fournissent des services de protection contre les inondations qui ne peuvent être que partiellement 

remplacés par des infrastructures coûteuses, tout en négligeant de nombreux autres services fournis par les forêts), les interdépendances entre les phénomènes (changement climatique, biodiversité, pollution des sols et utilisation de l’eau douce, comme je l’ai dit précédemment), etc.

Un défi spécifique a trait à la nécessité de disposer de données et de métriques, ce qui fait l’objet de plusieurs initiatives. Celles-ci comprennent le Global Biodiversity Score (GBS), développé par CDC Biodiversité en utilisant le modèle GLOBIO de la Netherlands Environmental Assessment Agency (PBL) – c’est donc là un bel exemple de coopération fructueuse entre la France et les Pays-Bas. Cet outil évalue les impacts des activités économiques sur la biodiversité et les synthétise dans une métrique, l’abondance moyenne des espèces (Mean Species Abundance, MSA.km²). Il peut être utilisé au niveau de chaque entreprise, mais également pour une mesure globale de nos impacts (slide 5) : en 2010, les pertes ont été équivalentes à 32 % de la biodiversité à l’échelle mondiale ; d’ici 2050, il a été estimé que ces pertes pourraient atteindre 41,5 %. Cette métrique agrégée n’est pas une solution miracle, mais elle nous aide à mieux saisir l’importance de ces sujets.

 

 

Les progrès réalisés sur ces métriques permettront de poursuivre les efforts pour parvenir à la publication d’informations sur la biodiversité. À l’échelle mondiale, le Groupe de travail sur la publication d’informations financières relatives à la nature (Taskforce on Nature-related Financial Disclosures, TNFD), une initiative portée par le secteur privé, créée par deux programmes de l’ONU et par le WWF, en coopération avec des banques de développement majeures vise à étendre le succès de la TCFD son équivalent pour le changement climatique : permettre d’améliorer la publication d’informations et la gestion des risques et des opportunités liés à la nature. Je souhaiterais saluer l’engagement des secteurs financiers néerlandais et français à cet égard ; et une connexion plus étroite entre la TNFD et le NGFS sera certainement bénéfique. Parallèlement, la réglementation de l’UE relative à la publication d’informations par les entreprises vise à inclure un large éventail d’objectifs environnementaux, dont la biodiversité.

 

2. La macroéconomie et la macrofinance de la biodiversité

Malgré des lacunes en matière de données et de méthodologies communément acceptées pour transposer la métrique de la biodiversité dans le monde financier, la communauté des banques centrales a entrepris d’évaluer les implications financières de la perte de biodiversité et d’autres risques liés à la nature.

En s’appuyant sur des travaux méthodologiques novateurs réalisés par la DNB (van Toor et al., 2020) – le premier rapport sur la biodiversité publié par une banque centrale – et complétés par des études similaires réalisées au Brésil, en Malaisie et au Mexique, des travaux de recherche fructueux conduits à la Banque de France (« Un “printemps silencieux” pour le système financier ? », 2021)fournissent ainsi une étude des risques liés à la biodiversité pour le système financier français (slide 6). Pour approximer les risques physiques, les auteurs quantifient la dépendance des émetteurs de titres financés par des institutions financières françaises vis-à-vis des services écosystémiques, en utilisant un score de dépendance calculé à l’aide de la base de données ENCORE. Les auteurs ont constaté que 42 % de la valeur des titres détenus dans les portefeuilles des institutions financières françaises sont émis par des entreprises qui affichent un score de dépendance « élevé » (> 60 %) vis-à-vis d’au moins un service écosystémique ; ce chiffre s’établit à 9 % lorsque l’on considère les entreprises ayant des scores de dépendance « très élevés » (> 80 %). Les principaux services écosystémiques concernés sont la distribution d’eau (eau de surface et souterraine) et les services de régulation tels que le contrôle de l’érosion, la protection contre les inondations et les tempêtes et la régulation du climat.

Pour estimer les risques de transition, les auteurs mesurent l’impact des entreprises dont les titres sont détenus par les institutions financières françaises sur la biodiversité (ou empreinte), par le biais de leurs activités directes ou de leurs chaînes de valeur en amont. Ils utilisent pour cela la métrique MSA.km². Les auteurs estiment que l’empreinte biodiversité terrestre des portefeuilles 

d’actions et d’obligations des institutions financières françaises à fin 2019, cumulée dans le temps, est comparable à la perte d’au moins 130 000 km² de terres avec des écosystèmes intacts. Cela correspond à l’artificialisation totale de 24 % de la surface de la France métropolitaine. L’impact annuel supplémentaire sur la biodiversité terrestre équivaut à la perte de 4 800 km² de nature « vierge », ce qui correspond à 14 % de la surface terrestre des Pays-Bas. Par conséquent, l’impact indirect du système financier français sur la biodiversité est également important, ce qui le rend vulnérable en cas de modification des réglementations relatives à la biodiversité.

De plus en plus de travaux de recherche sont également consacrés aux autres aspects des risques liés à la nature au travers d’études de cas, comme les travaux conduits par la DNB sur le stress hydrique, ou les études menées à la Banque de France sur les risques de transition liés à la déforestation importée ou à l’utilisation des terres au niveau national. Mais il est évident que nous devons encore progresser sur la macroéconomie et la macrofinance de la biodiversité. 

C. Ce que nous devons faire comme banques centrales et superviseurs

Tout d’abord, nous devons rester humbles face à l’ampleur de la tâche. En dépit de notre engagement déterminé, rien ne remplacera l’action des gouvernements, que ce soit au niveau national, européen ou, je l’espère, international. L’Europe a déjà fixé des cibles ambitieuses dans le contexte de son Pacte vert (30 % des terres et des océans transformés en zones protégées, réduction de 50 % de l’usage des pesticides, etc.), et la France a fait de même. Je ne peux que souhaiter un résultat constructif pour la prochaine COP15 sur la biodiversité qui se tiendra à Montréal.

Toutefois, soyez assurés que nous ferons tout ce qui dépend de nous – et dans le cadre de notre mandat – pour gérer la biodiversité et les risques liés à la nature. Notre champ d’action peut être résumé en trois « C » : 

  • Coopérer au travers du NGFS. Notre enfant commun – la Banque de France et la DNB faisant partie des pères fondateurs – aura cinq ans en décembre. Il a remporté de beaux succès pour sensibiliser, développer les connaissances et diffuser des idées d’actions parmi les différentes banques centrales et superviseurs, et j’accorde toute ma confiance au leadership de Ravi Menon. Au-delà du changement climatique, le NGFS agit comme un catalyseur important s’agissant des risques liés à la nature. À la lumière de son rapport de mars, le NGFS a lancé en avril un Groupe de travail sur les risques liés à la nature (Nature-Related Risks Taskforce), co-présidé par Sylvie Goulard, sous-gouverneure de la Banque de France et Saskia de Vries de la DNB, avec comme objectifs d’intégrer les risques liés à la nature dans les axes de travaux durables du NGFS au cours des deux prochaines années. Autant que possible, essayons d’obtenir des résultats intermédiaires plus tôt.
  • Cadre conceptuel et travaux de recherche : car on sait qu’un problème bien défini est à moitié résolu. Remédier aux lacunes en termes de méthodologie et de données est une condition préalable essentielle pour agir, avant d’en tirer des conclusions hâtives sur le front prudentiel ou monétaire – celles-ci doivent venir en temps voulu. Notre priorité en tant que banquiers centraux et superviseurs est par conséquent de se doter des capacités permettant d’approfondir l’analyse et d’étudier des données empiriques sur les implications financières de la biodiversité et des risques liés à la nature. À la Banque de France, nous sommes totalement engagés dans cet effort, grâce à une équipe dédiée d’experts au sein du Centre pour le changement climatique (CCC), qui contribuent aux progrès de la recherche aussi bien au niveau du NGFS que de la Banque de France. Nous nous efforcerons de travailler sur les métriques, les évaluations financières et, dans un avenir proche je l’espère, une analyse de scénarios qui soient à la pointe de l’art. Le plan de travail du Groupe de travail du NGFS inclut le développement d’un cadre conceptuel unique adapté à nos activités, qui sera essentiel pour favoriser une compréhension commune et remédier aux lacunes auxquelles nous sommes confrontés en matière de connaissances, de capacités et de méthodologie.
  • Contribuer par le biais d’initiatives pilotes individuelles ou nationales, que ce soit en matière de reporting, de suivi ou d’investissement responsable. Et permettez-moi de souligner ici que la France montre la voie, en particulier sur les questions relatives à la biodiversité. L’article 29 de la loi française énergie‑climat étend les exigences de déclaration des risques climatiques pour les investisseurs financiers aux risques liés à la biodiversité. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution française (SGACPR, qui fait partie de la Banque de France) évalue le respect de l’article 29 par les entités et les sociétés d’assurance qu’elle supervise. Nous venons de recevoir les premières déclarations en septembre dernier, et – sans surprise – les premiers contrôles indiquent que les entités déclarantes sont confrontées à des difficultés pour accéder aux données pertinentes concernant la biodiversité et s’appuient pour la plupart sur des prestataires externes. Comme exigé par la loi, les entités qui ne sont pas en mesure de publier toutes les informations demandées devront publier leurs plans visant à poursuivre les améliorations à l’avenir.

Depuis 2020, nous avons également suivi, à la Banque de France, deux indicateurs se rapportant à la biodiversité pour les poches actions de nos portefeuilles dédiés aux fonds propres et aux engagements de retraite : (i) un score d’impact sur la biodiversité, reflétant les engagements pris, les mesures mises en place et les résultats effectifs pour les entreprises du portefeuille et (ii) un indicateur de notre exposition aux entreprises produisant des produits chimiques nocifs pour la biodiversité (par exemple les pesticides). Les performances des poches actions des portefeuilles se sont améliorées en 2021 et sont qualifiées de « robustes » par le fournisseur de données Moody’s ESG (même si le portefeuille au titre des engagements de retraite peut encore être amélioré), tandis que l’exposition aux entreprises produisant des produits nocifs est en diminution, demeurant bien inférieure à l’indice de référence (slide 7). 

 

Pour conclure, permettez-moi de citer l’un des plus célèbres peintres néerlandais, Vincent Van Gogh, écrivant à son frère Theo depuis le Sud de la France, en 1879 : « L’art c’est l’homme ajouté à la nature – la nature, la réalité, la vérité, mais avec une signification, avec une conception, avec un caractère que l’artiste fait ressortir ». Tout comme dans l’art de Van Gogh, il devient urgent de trouver un mode de vie – en France nous parlons d’« art de vivre » – qui permette aux hommes de vivre harmonieusement au sein de la nature. Nous devons « réimbriquer » nos économies dans la nature et ce, également au nom de notre intérêt économique à long terme. Cela prendra du temps et nécessitera des efforts importants, et j’insiste : c’est une raison de plus pour commencer rapidement. Je vous remercie de votre attention.

 

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DiscoursFrançois VILLEROY DE GALHAU, Gouverneur de la Banque de France
Biodiversité, macroéconomie et finance : ce que nous savons, ce que nous ne savons pas encore et ce que nous devons faire
  • Publié le 29/09/2022
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