La liberté du monde, et de l’Europe en particulier, c’est d’abord une capacité de croissance retrouvée. Nous publierons nos nouvelles prévisions mi-septembre, mais je peux déjà dire qu’il est possible que, au vu d’un premier semestre un peu meilleur, que nous croyons toujours solidement à une croissance cumulée de 10 % sur 2021-2022, et ce pour la France comme pour la zone euro. Ceci nous paraît devoir résister aux évolutions du virus : vous entrepreneurs, la France collectivement, sommes mieux « vaccinés » y compris économiquement, en ayant adapté nos modes de travail et de production. L’effet du variant Delta ne serait qu’indirect, à travers la moindre croissance asiatique voire américaine.
So far, so good… Et ceci justifie la fin du « quoi qu’il en coûte », comme l’ont dit hier Bruno Le Maire et Geoffroy ROUX de BEZIEUX. Vous pouvez par ailleurs compter sur la BCE et sur notre politique monétaire pour rester en soutien. Mais pour autant je veux souligner trois défis pour l’économie du monde libre, et pour la nôtre en particulier :
1– les difficultés d’approvisionnement bien sûr. Elles vont pousser l’inflation à court terme un peu au-dessus de ce que nous pensions, mais elles seront temporaires, comme dans les reprises précédentes.
2– Plus durablement, les difficultés de recrutement. Vous êtes déjà 48 % à en faire état dans notre dernière enquête de conjoncture début août. Il y a deux faces de cette histoire : l’une positive, ce sont les exceptionnelles créations d’emplois depuis un an (+630 000 pour l’emploi salarié privé). Mais la face négative, c’est que nous retrouvons LE limitateur de vitesse de l’économie française, trop vite après la crise Covid. Il n’y a donc pas de réformes plus nécessaires que celles visant à augmenter l’offre de travail : par la formation, par la réduction du sous-emploi des jeunes et des seniors, et par un travail rendu plus incitatif. C’est également le problème de presque toutes les économies occidentales : je reviens d’Allemagne, où les restaurants ferment cette année aussi un jour de plus par manque de main d’œuvre… Mais il est rendu encore plus insupportable en France par notre niveau élevé de chômage : nous ne pouvons pas évidemment pas nous satisfaire du 8 %, ni de revenir après Covid à une croissance qui resterait proche de 1% alors que nous devrions viser 2%
3– dernier défi, et celui-là est pour l’Europe : la crise Covid aura une fois de plus creusé un fossé transatlantique, le fossé de la croissance. L’économie américaine accélère grâce au digital, l’économie européenne et française souffre de son excessive concentration sur l’aéronautique et le tourisme. Il est vital que nous réussissions les deux révolutions des années (20)20 : la révolution numérique (retard européen), et la révolution écologique (là, l’Europe a une chance d’être en avance). Ce sera un des sujets clés de discussion avec le nouveau gouvernement allemand… quel qu’il soit!