Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de vous accueillir à cette conférence de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, et vous remercie de votre présence. Cette journée est pour moi l’occasion de dire, pour la première fois devant vous, toute l’importance que j’attache à ce type d’événements, où l’Autorité que je préside fait connaître son action et les principes qui la guident. C’est également pour nous l’occasion d’écouter les parties intéressées, sur le thème qui nous réunit aujourd’hui – celui du contrôle des pratiques commerciales – sur lequel je voudrais avancer trois idées :
(I) D’abord, notre mission de contrôle des pratiques commerciales importe pour la mobilisation actuelle de la Nation.
(II) Ensuite, notre mission de contrôle des pratiques commerciales importe pour la stabilité financière.
(III) Enfin, notre mission de contrôle des pratiques commerciales doit de plus en plus intégrer les évolutions européennes et technologiques.
Beaucoup de leçons peuvent être tirées des dramatiques attentats survenus vendredi dernier à Paris et en région parisienne, qui doivent nous conduire à une mobilisation totale. Face à ces actes barbares, je veux rappeler la détermination de la Banque de France – et du secteur financier – à participer à la lutte contre le terrorisme, en s’attaquant à son financement.
Nombre d’entre vous serez d’ailleurs présents cet après-midi aux présentations, introduites par M. DELAS, vice-président de l’ACPR, sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur de l’assurance. Comme vous le savez, le Collège de l’ACPR vient précisément d’adopter la semaine dernière de nouvelles lignes directrices dans ce domaine, valables pour la banque et l’assurance, conjointement avec Tracfin. Je n’ai pas de doute que l’implication du secteur financier dans leur mise en oeuvre sera totale ; nous y veillerons avec les professionnels.
Je veux aussi rappeler aujourd’hui notre détermination à participer pleinement à la mobilisation de la Nation, en oeuvrant plus largement pour la cohésion économique et sociale, par une plus forte inclusion bancaire et financière. La protection des consommateurs – et notamment des plus fragiles – en est l’une des composantes. L’éducation financière, la lutte contre le surendettement sont aussi des priorités auxquelles la Banque de France contribue activement. Le terrorisme, hélas, se nourrit aussi de l’exclusion sous ses différentes formes.
La loi donne désormais à l’ACPR, depuis sa création en 2010, la mission de veiller à la stabilité financière et à la protection des clients. C’est une grande innovation un acte fort, après la crise de 2008 et la perte de confiance des clients dans leur secteur financier, constatée dans beaucoup de pays occidentaux, parfois du fait de pratiques commerciales trompeuses. Rétablir la confiance, c’est évidemment l’intérêt de tous présents dans cette salle. C’est pour notre part veiller au respect des lois et des règlements existants, mais aussi des bonnes pratiques constatées ou recommandées par l’Autorité.
Naturellement, cette mission de protection de la clientèle n’est pas conçue comme la seule vérification de règles disparates. Elle doit au contraire être exercée dans la compréhension des principes qui sous-tendent ces réglementations et dans la compréhension de la réalité des pratiques commerciales.
Les principes, si je voulais les résumer en une phrase, visent tous à équilibrer d’une façon ou d’une autre la relation entre le client et le professionnel. Ce rééquilibrage passe notamment par la prise en compte de l’asymétrie d’informations qui peut exister entre eux. Il peut s’agir de règles propres à une clientèle vulnérable, à une catégorie de produits complexes, à l’obligation de prendre en compte les intérêts du client dès la conception du produit ou dans l’organisation de la distribution.
La réalité des pratiques, en revanche, est difficile à résumer en quelques mots. C’est dans ce domaine que porte l’effort des services de l’ACPR, par le contrôle mais également par l’analyse d’une information diversifiée et par les contacts avec les parties prenantes, professionnels comme consommateurs. La collecte d’informations sur les pratiques est un préalable indispensable, qui permet à l’ACPR d’orienter son action de contrôle. C’est bien dans cette optique que l’ACPR a refondu son questionnaire sur les pratiques commerciales et la protection de la clientèle. Désormais, elle peut savoir qui fait quoi sur le marché, connaître les tendances en matière de produits, de services et de pratiques.
J’en viens aux contrôles proprement dits. Ils sont destinés en premier lieu à vérifier le respect des règles applicables et à faire corriger les erreurs avant qu’elles n’aient de conséquences pour les clients. Dans les cas les plus graves, ils débouchent sur des sanctions. Cette approche est nécessaire pour condamner les manquements et utile pour éclairer la profession.
Les contrôles de l’ACPR ne se limitent toutefois pas à un traitement au cas par cas des mauvaises pratiques constatées. Ils permettent d’identifier des problèmes plus généraux qui appellent une évolution des pratiques du marché, voire des réglementations. Quelques exemples seront développés ce matin pour illustrer les enseignements que nous retirons de leurs contrôles. Ainsi les services de l’ACPR ont-ils examiné ces chaînes de distribution où de nombreux intermédiaires s’intercalent entre le client et le producteur (banquier ou, plus souvent, assureur). Les questions que nous posons aujourd’hui sont simples. Mais elles sont importantes pour l’ensemble du secteur. Tous les intermédiaires apportent-ils une valeur ajoutée au client ? Comment garantir, pour le client, la fiabilité et l’efficacité de la chaîne, quelle que soit son organisation ?
Pour faire évoluer les pratiques, l’ACPR dispose également d’un outil de droit souple, la recommandation. Elle me paraît un instrument préventif utile. La recommandation a pour objet de modifier ou d’orienter les comportements des professionnels. Elle les aide à identifier et à prendre en compte de manière concrète ce qui est attendu en matière de protection de la clientèle.
De façon plus générale, le domaine des pratiques commerciales est un domaine où il est tout à fait envisageable qu’une partie des bonnes pratiques soient définies par les acteurs eux-mêmes. Cela doit se faire dans la concertation et sous la forme d’engagements suffisamment contraignants pour être contrôlés. Pour citer un bon exemple, la convention AERAS [s'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé] en est un bon exemple et je tiens à remercier M. Emmanuel Constans, président de la Commission de médiation AERAS et membre du collège de l’ACPR, d’avoir accepté l’invitation à présenter aujourd’hui les évolutions de cette convention.
Il me paraît important, non seulement pour l’Autorité mais aussi pour le marché, d’anticiper le plus possible ces évolutions.
Les textes européens récents ou en cours d’adoption poussent en premier lieu à une standardisation de l’information donnée au client. C’est le cas du règlement relatif aux Produits d’investissement de détail packagés (PRIIPS), et des directives « crédit immobilier » en banque (MCD), ou « distribution » en assurance (IDD). C’est aussi, dans le champ de l’AMF –avec qui nous avons un pôle commun efficace de contrôle des pratiques commerciales–, la directive MIFID sur les instruments financiers.
Les textes européens opèrent ensuite une refonte des obligations du distributeur de produits en intégrant notamment la notion de service de conseil dans les directives sectorielles. Ils refondent en parallèle les obligations du producteur en imposant un processus d’élaboration des produits qui tienne compte des intérêts et caractéristiques de la clientèle visée. Enfin, d’importants travaux sur les sujets, difficiles, de rémunération des commerciaux et des salariés devraient aboutir dans les mois à venir.
S’agissant des dernières évolutions européennes, et non des moindres, en matière de pratiques commerciales, l’effort d’homogénéisation des règles dans le cadre d’une approche trans-sectorielle poursuit un objectif de simplification. Il mérite d’être partagé. Je pense évidemment au document clé d’information du règlement PRIIPS. Il permettra au client de comparer aisément deux produits d’épargne, quelle que soit leur classification (produit bancaire, d’assurance ou instrument financier). Mais je pourrais également citer les travaux en matière de « gouvernance produits », de conflits d’intérêt ou de rémunération, qui rapprochent les réglementations des trois secteurs.
Je termine par les évolutions liées aux nouvelles technologies, nous en sommes tous conscients, elles modifient les pratiques commerciales en affectant les modes de consommation et la relation avec le client. L’activité des services bancaires et d’assurance se caractérise par la richesse, et souvent la durée, des échanges issus des relations contractuelles. Ces échanges reposent sur les concepts de consentement des deux parties au contrat et d’exécution en confiance. Aujourd’hui, au-delà de l’accord sur la chose et le prix qui forme le contrat de vente, entrent de plus en plus en ligne de compte l’utilisation possible et la sécurité des données des clients.
Le développement des nouvelles technologies et l’apparition de nouveaux outils, destinés à rendre plus fluides ou attractifs les « parcours clients », doivent également être appréhendés à l’aune du principe cardinal de protection de la clientèle. C’est la condition de l’émergence de nouveaux modèles économiques maîtrisés et durables.
Ces sujets constituent aujourd’hui les principaux axes de réflexion des autorités nationales et européennes et l’ACPR est prête à y prendre toute sa part, sur la base de son expérience et des échanges qu’elle mène avec les parties intéressées.
Je laisse maintenant la parole à Patrick Montagner et aux équipes de l’ACPR pour revenir sur certains de ces aspects et vous souhaite une excellente conférence. Merci de votre attention.