Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, était à Poitiers ce mardi. L’occasion d’un point de situation sur l’économie française, les finances des ménages et l’implantation de la BDF en Poitou-Charentes.
La Nouvelle République : Pouvez-vous nous dire si l’économie française va mieux ?
François Villeroy de Galhau : La croissance française résiste assez bien aux chocs de ces derniers mois : les mouvements sur les marchés financiers en début d'année, le Brexit en juin, et le dernier choc d’incertitude, l’élection de M. Trump. Mais en même temps, elle plafonne parce que nous avons du mal à accélérer la croissance au-delà d'un rythme de 1,3 ou 1,4%. C’est pourtant une condition pour réduire significativement le chômage et la dette publique. Quand on regarde l'Europe, nous avons autour de nous un certain nombre de pays qui ont fait davantage de réformes que la France et qui obtiennent davantage de croissance et d’emplois. Cela nous montre le chemin, un chemin qui est compatible avec le modèle social commun auquel la plupart des citoyens européens sont attachés. J’ajouterai que notre politique monétaire contribue activement à la croissance de la zone euro. Mais il faut qu’elle soit accompagnée de plus de réformes - par exemple en France ou en Italie - et d’un soutien budgétaire - notamment en Allemagne, si on veut que l’Europe retrouve le chemin d’une croissance plus forte.
Comment La Nouvelle-Aquitaine se situe-t-elle dans ce contexte ?
La dynamique de la Nouvelle-Aquitaine est assez proche de la moyenne nationale, un peu meilleure même dans les services. L’aéronautique est un atout pour cette région, même si celle-ci doit composer avec des disparités entre les territoires.
En ce moment, se réunit le comité de Bâle qui régule l’activité des banques. En quoi est-ce important ?
Depuis la crise financière de 2008, les règles ont permis de rendre les banques françaises plus solides, et c’est une bonne chose. Mais dans le cadre des négociations en cours au sein du Comité de Bâle, sont proposées de nouvelles règles, d’inspiration plutôt américaine, qui pénaliseraient l’investissement et la croissance en Europe en freinant le crédit. Il faut donc modifier la copie si l'on veut arriver à un accord. Aujourd’hui, nous avons un crédit bancaire dynamique en France, dont les volumes augmentent de près de 5% par an. Il ne faut pas que demain nous ayons plus de mal à financer nos entreprises à cause d'une réglementation excessive.
La Banque de France a pour mission de contribuer à l’information économique de chaque Français. Comment comptez-vous vous y prendre ?
Nous sommes depuis cette année opérateur national de l’éducation économique et financière des publics. Pour les familles en situation de fragilité financière, il s’agit notamment de conseils pour la gestion du budget; pour le grand public, c'est une information sur les grandes questions économiques, notamment celles qui font débat dans l'actualité; pour tous les clients des banques et assurances, ce sont des éclairages sur les produits financiers proposés. Nous allons notamment lancer un portail internet début 2017 qui sera très commode pour obtenir des réponses à toutes ces interrogations, et nous allons ouvrir un musée national Citéco, à Paris en 2018. Les Français s’intéressent beaucoup à ces sujets; nous allons viser de leur parler d'économie de façon vivante, et pas austère.
Combien de dossiers de surendettement la Banque de France doit-elle traiter en France et en Nouvelle-Aquitaine ?
L’an dernier, nous avons aidé 237.000 familles à sortir du surendettement en France. C’est pour nous une mission extrêmement importante. L’éducation budgétaire dont nous venons de parler est aussi une réponse en amont. Si nous aidons les familles, via les travailleurs sociaux, à mieux gérer leur budget, on leur évitera probablement d’aller jusqu’au surendettement. Il y a une grande cohérence entre ces deux missions.
Est-ce un chiffre en augmentation ?
Non, il est en baisse et c’est une bonne nouvelle. Sur les dix premiers mois de 2016, cette baisse est de 10%. En Poitou-Charentes, on observe une baisse de 9% avec 5.000 dossiers traités. Pour la Nouvelle-Aquitaine dans son ensemble, nous en sommes à fin octobre à 16.000 dossiers déposés. C’est notamment la conséquence de plusieurs mesures dont la loi Lagarde sur le crédit renouvelable qui a limité les taux des crédits. Et nous allons encore simplifier la procédure de surendettement, avec deux lois qui viennent d’être votées : suppression de la phase amiable qui retardait de quatre mois la solution pour les familles, et abandon de l'homologation systématique par le juge en cas d’annulation de dette. Cela va nous permettre de traiter de façon plus simple et plus rapide les situations de surendettement tout en continuant à rechercher les solutions les plus justes, dans le respect des intérêts des débiteurs et des créanciers.
Pour les familles toujours, le taux du livret A est actuellement à 0,75%. Peut-il encore baisser ?
Il ne baissera pas au 1er février. Je l’ai proposé et le ministre des finances l’a confirmé. Il sera maintenu à 0,75% et pour l’avenir, il évoluera en fonction de l’inflation. C’est une mesure d’équilibre tenant compte du niveau très bas des taux d’intérêt et garantissant la protection du pouvoir d’achat des épargnants du Livret A.
Avec la grande région, quel est l’avenir de la Banque de France à Poitiers ? Pouvez-vous rassurer les personnels qui s’inquiètent ?
J'ai fait le tour des nouvelles régions françaises et je tenais à venir à Poitiers pendant ma première année comme Gouverneur. Poitiers, c’est extrêmement important pour la Banque de France. Il s'agit de la plus grosse implantation de services que nous ayons en dehors de la région parisienne. Aujourd’hui, lundi 29 novembre, nous fêtons d'ailleurs le 160e anniversaire de la succursale de Poitiers. Et nous avons aussi un centre administratif qui accomplit des tâches nationales, qui compte plus de 320 agents de la Banque de France. Nous sommes attachés à la pérennité très durable de cette implantation à Poitiers, de la succursale et du centre administratif. Je viens de visiter le nouveau site sur lequel nous comptons nous installer aux Montgorges à Poitiers. Nous y faisons un investissement de plus de 20 millions d’euros. Il n’est pas et il ne sera jamais question de fermeture du centre administratif de Poitiers, je ne peux pas être plus clair. C’est un atout pour la Banque de France, nous y croyons et nous y investissons. Je suis venu le dire avec beaucoup de force.
Quand le déménagement aura-t-il lieu et qu’allez vous faire des locaux du centre-ville?
Le déménagement est programmé fin 2017 car il faut faire des travaux sur le nouveau site. Cela permettra aux agents de la Banque de France d’avoir des conditions de travail plus modernes et plus agréables. Les anciens locaux seront probablement vendus, nous verrons avec les autorités locales dans quelles conditions cela pourra se faire. Mais nous les quitterons totalement.
Tous les services et tous les emplois vont-ils rester ?
Nous menons à l’échelle de la Banque de France dans son ensemble une adaptation de nos activités, et au fur et à mesure des départs à la retraite, il peut y avoir une diminution des effectifs. Mais nous gardons dans la succursale de Poitiers les deux activités essentielles du réseau, le traitement du surendettement et le traitement des entreprises. En Poitou-Charentes, nous gardons nos implantations dans les trois autres préfectures, à La Rochelle, Niort et Angoulême. Et à Niort, nous réalisons des travaux pour une caisse de tri des billets, parmi les plus modernes de France.
Pas de grands changements avec la nouvelle région alors ?
Patrick Berger est le directeur régional de Nouvelle Aquitaine et François Bavay est directeur régional délégué à Poitiers. Nous nous sommes calés sur la nouvelle carte des régions, tout en restant présents partout où nous l’étions déjà, en proximité, pour rendre des services aux ménages et aux entreprises.