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Interview de François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, The Wall Street Journal

Le gouverneur de la Banque de France fait l’éloge du pragmatisme de la BCE

« Nous devons être prévisibles pour les marchés, mais pas pré-engagés par les attentes des marchés », déclare François Villeroy de Galhau.

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, affirme que « la politique monétaire européenne est un repère de prévisibilité et de stabilité, et [que] cela est très important également pour soutenir l'activité économique ».

La semaine dernière, la Banque centrale européenne a décidé de prolonger son programme d'achats d'actifs jusqu'à fin 2017, mais en ramenant le montant de ses achats mensuels de 80 milliards d'euros à 60 milliards à compter d'avril 2017. Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a rencontré The Wall Street Journal afin de revenir sur les motivations de cette décision.

Sur le fait d'être pragmatique

« Quand j’insiste sur le pragmatisme, je veux dire que nous ne devrions nous définir, a priori, ni comme des colombes (dovish) ni comme des faucons (hawkish). Notre devoir est de prendre des décisions en toute indépendance et en fonction d’une analyse économique. Nous devons être prévisibles pour les marchés, mais pas pré-engagés par les attentes des marchés. La semaine dernière, par exemple, nombreux sont ceux qui ont décrit une BCE sans autre alternative que le renforcement de son programme d'achats d'actifs, d'une part, ou le retrait progressif de ce programme (tapering), d'autre part. Notre décision a été toute autre. »

L'assouplissement quantitatif (QE) peut-il être réduit davantage ?

« Ce n’est ni tout blanc ni tout noir, nous n'avons jamais dit zéro ou 80 milliards. Clairement, nous maintiendrons des achats à hauteur d’au moins 60 milliards. »

À propos des taux négatifs

« Ce que je ne cesse de répéter au sujet des taux d'intérêt négatifs, c'est qu'ils sont utiles mais ne sont pas le seul instrument parmi la gamme d'outils dont nous disposons, et ils ont évidemment des limites. »

Reprise et inflation

« Nous sommes confiants dans la reprise en zone euro ; elle est modérée mais de plus en plus solide. Nous sommes confiants dans notre progression vers la cible d'inflation. La menace de déflation est écartée et si l'on regarde le chiffre de l'inflation, il est de 0,6 % en novembre, sera probablement au-delà de 1 % au début de l'année prochaine et notre prévision est de 1,5 % pour 2018 et de 1,7 % pour 2019. Par conséquent, la réduction du montant de nos achats mensuels est le signe que nous progressons vers notre cible d'inflation. Le maintien de notre présence sur le marché correspond à la nécessité de demeurer actifs, vers notre cible d'inflation. »

Incertitude politique

« Il est clair que, dans un monde très incertain, la politique monétaire européenne constitue un repère de prévisibilité et de stabilité, et c’est également très important pour soutenir l'activité économique. L'année prochaine sera une année d’élections dans toute l'Europe, aussi nous disons clairement que dans cet environnement incertain, les acteurs économiques savent où se situera la politique monétaire, ce qui est un grand atout pour eux et pour la reprise en Europe. »

Crédibilité

Nous progressons vers la cible de 2 %. Et nous avons répété dans notre annonce de la semaine dernière que nous poursuivrions nos achats jusqu'à la fin de l'année prochaine ou au-delà si nécessaire et, en tout cas, jusqu'à ce que nous observions un ajustement durable de l'évolution de l'inflation conforme à notre objectif. Nous avons décidé de maintenir une présence active sur le marché, mais nous calibrons le volume de cette présence en fonction de la situation économique et de notre progression vers la cible d'inflation. Par conséquent, nous estimons que 60 milliards d'euros est le volume qui convient.

Comité de Bâle

Je suis plus confiant qu'il y a quelques semaines. Nous avons réalisé des progrès satisfaisants vers un accord mondial lors de la dernière réunion du Comité de Bâle à Santiago [Chili]. Si nous pouvons parvenir à un accord dans les prochaines semaines, ce sera une bonne nouvelle pour tout le monde ; pour les banques elles-mêmes car cet accord stabilisera les règles du jeu huit ans après la faillite de Lehman, et cela est nécessaire. Un accord équilibré aurait un effet économique positif.

Le gouverneur de la banque centrale française alerte sur l’augmentation du déficit

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, formule un avertissement à destination des candidats à l’élection présidentielle en France qui promettent une relance budgétaire pour stimuler l’économie : approfondissez les réformes économiques et cessez de recourir à la dette pour payer les factures.

« Plus que la dépense budgétaire, les réformes sont la priorité pour accélérer notre croissance et l’emploi. Si j’avais un message, ce serait celui-là », a déclaré M. Villeroy de Galhau dans une interview au Wall Street Journal.

Son appel à la discipline budgétaire intervient au moment où les candidats de toutes tendances politiques – de la gauche à Marine Le Pen, présidente du Front National – déclarent qu’ils chercheront à libérer la France des contraintes imposées par les règles budgétaires de l’Union européenne.

François Fillon, le candidat de centre-droit des Républicains, que les sondages donnent comme probable vainqueur de l’élection du mois de mai, s’est engagé à réformer en profondeur les retraites et le droit du travail, comme les représentants de l’Union européenne ont incité la France à le faire à de nombreuses reprises. Mais une partie de son programme repose également sur d’importantes réductions d’impôts et prévoit que le déficit atteindra 4,7 % du PIB l’année prochaine, soit bien au-delà de la limite européenne de 3 % que la France s’est engagée à respecter.

M. Villeroy de Galhau a déclaré que ce type de compromis entre réformes et déficit budgétaire nuirait à la crédibilité de la France et ferait peser un lourd fardeau sur les générations futures, la dette atteignant déjà presque 100 % du PIB.

« Le respect de l’objectif de 3 % est important pour notre crédibilité en Europe », a déclaré M. Villeroy de Galhau. « Il est possible de mettre en œuvre des réformes sans accroître les déficits et nous en avons de nombreux exemples à travers l’Europe ».

Les préoccupations de M. Villeroy de Galhau au sujet de la France font partie d’un problème plus vaste auquel sont confrontés les décideurs de la Banque centrale européenne. La BCE a intensifié la relance au cours des deux dernières années avec un programme d’achat d’actifs de grande ampleur et des taux d’intérêt débiteurs historiquement bas, mais les gouvernements n’ont pas respecté leur part du contrat implicite pour remettre en ordre l’économie de la zone euro.

Alors que l’argent bon marché circule dans l’économie de la zone euro, M. Villeroy de Galhau a déclaré que celle-ci manque toujours d’une « stratégie économique collective », où certains pays maîtriseraient leurs budgets et modifieraient en profondeur les règlementations rigides qui nuisent à la croissance, tandis que d’autres, notamment l’Allemagne et les PaysBas, poursuivraient une relance budgétaire.

« La politique monétaire ne doit pas être la seule partie à jouer. Tout le monde s’accorde sur ce principe, mais nous devons à présent le mettre en application », a déclaré M. Villeroy de Galhau.

De plus en plus d’éléments montrent que la France accuse un retard par rapport à la reprise en zone euro. La semaine dernière, la BCE a maintenu à 1,7 % sa prévision de croissance pour la zone euro en 2017, mais la Banque de France a ramené sa prévision pour la France de 1,5 % à 1,3 %.

« La croissance française est légèrement inférieure à la moyenne de la zone euro et cela plaide en faveur des réformes » a déclaré M. Villeroy de Galhau.

En dépit de son discours ferme, M. Villeroy de Galhau a indiqué que la BCE s’est pleinement engagée à maintenir ses mesures de relance pour l’année à venir, qui sera riche en risques politiques importants, notamment les élections en Allemagne ainsi que les scrutins présidentiels et législatifs en France. Lors de sa réunion de la semaine dernière, la BCE a déclaré qu’elle allait réduire le volume des achats mensuels d’actifs dans le cadre de son programme d’assouplissement quantitatif de 80 milliards d’euros à 60 milliards, mais prolonger le programme, qui devait s’achever en mars, jusqu’à la fin 2017.

« L’année prochaine sera une année d’élections dans toute l’Europe, et nous disons clairement que dans cet environnement incertain, les acteurs économiques savent où se situera la politique monétaire », a déclaré M. Villeroy de Galhau.

La BCE a déclaré qu’elle pourrait même accroître le volume et allonger la durée du programme si les perspectives devenaient moins favorables. Pour M. Villeroy de Galhau, cette annonce signifie que la BCE peut se montrer flexible et il a suggéré que 60 milliards d’euros était la borne basse d’une fourchette possible.

« Ce n’est ni tout blanc ni tout noir, nous n’avons jamais dit zéro ou 80 milliards. Clairement, nous maintiendrons des achats à hauteur d’au moins 60 milliards », a déclaré M. Villeroy de Galhau.

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InterviewFrançois VILLEROY DE GALHAU, Gouverneur de la Banque de France
Interview de François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, The Wall Street Journal
  • Publié le 14/12/2016
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