Anne-Laure CHOUIN
On commence avec le décryptage éco sur ce thème d'actualité, quel lien y a-t-il entre la hausse des taux d'intérêt et la baisse des prix ? la question se pose d'autant plus en ces temps d'inflation. Après quatre mois de baisse régulière en France et dans la zone euro les prix sont certes repartis à la hausse en août, mais on est plus au pic des 10 % de l'automne dernier, à en croire les autorités monétaires, les banques centrales en d'autres termes, c'est grâce à leur politique de remontée des taux directeurs, alors par quelle mécanique, c'est votre décryptage Marie VIENNOT.
Marie VIENNOT
Quand l'inflation a refait surface il y a deux ans c'était lié à un excès de demande, après le Covid l'épargne était abondante, et en face les chaînes de fabrication et de transports perturbées, le choc inflationniste, il est arrivé au printemps 2022 avec la guerre en Ukraine, les prix de l'énergie sont montés en flèche, or sur ce type de choc, que l'on dit exogène, la politique monétaire n'a aucune prise. En temps normal cela fonctionne ainsi, la banque centrale augmente les taux directeurs, les banques font de même, les agents économiques freinent leur consommation, leurs investissements, la demande reflux, l'offre devient excédentaire et les prix donc s'ajustent à la baisse. Mais que peut un taux directeur face à la guerre, la crainte de pénurie d'énergie et la spéculation qui en découle ? pas grand-chose. Et pourtant toutes les banques centrales des économies développées on réagit à ce choc d'inflation en augmentant les taux. Les USA ont ouvert le bal en mars, la BCE l’a fait un peu plus tard en juillet, c'était la bonne chose à faire justifie François VILLEROY de GALHAU, Gouverneur de la Banque de France.
François VILLEROY de GALHAU
Depuis le printemps 2022 l'inflation s'est généralisée, il y a aussi une inflation des services, il y a une inflation des produits manufacturés qu'on achète, alors là quand l'inflation devient générale, se diffuse un peu dans l'ensemble du corps de l'économie, l'arme des taux d'intérêt, toujours et partout, est efficace. Plus on réagit tard, plus il faut monter les taux d'intérêt.
Marie VIENNOT
Après neuf hausses d'affilée les taux de la BCE sont donc maintenant à 3,75 %, cela paraît énorme car depuis 2008 ils étaient en dessous de 1 %, voire négatifs, mais 3,75 c'est toujours inférieur à ce qu'ils étaient dans les années 2000.
Anne-Laure CHOUIN
Et désormais les paris sont ouverts, Marie, pour savoir si la BCE augmentera à nouveau ses taux le 14 septembre.
Marie VIENNOT
Le ralentissement de l'inflation plaide pour une pause, mais la BCE s'inquiète de l'inflation des prix alimentaires proche des 10 % dans la zone euro, deux fois plus que l'inflation générale, il n'empêche les banquiers centraux du monde entier sont plus optimistes qu'il y a un an, nous ramènerons l'inflation à 2 % d'ici 2005 s'engage même François VILLEROY de GALHAU, s'il le dit avec autant d'assurance c'est parce que la parole du banquier central est aussi un levier d'action.
François VILLEROY de GALHAU
Si vous êtes chef d'entreprise et vous devez fixer vos prix, vous les faites en fonction de l’évolution future de vos coûts, si vous pensez que l’évolution de vos coûts va ralentir, vous montez moins vos prix, si vous êtes salarié, ou organisation syndicale, là aussi si vous pensez que l’inflation va ralentir, vous demandez moins de hausse de salaires pour préserver le pouvoir d'achat, c'est ce qu'on appelle les anticipations d'inflation, on rétablit la confiance des salariés, des entreprises, dans le fait qu’on va revenir vers les 2 % d’inflation.
Marie VIENNOT
Voilà pourquoi il est si crucial qu'après la hausse des taux l'inflation reflue, sinon les banques centrales perdraient toute crédibilité, or la confiance qu'elles inspirent est aussi importante que les taux qu'elles dirigent.
Depuis son pic de 10% en octobre 2022, l’inflation diminue dans la zone euro. Les autorités monétaires estiment que ces chiffres prouvent que leur politique de remontée des taux porte ses fruits. Par quel biais ? Réponses de François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France.
L’inflation est repartie à la hausse au mois d’aout en France, alors qu’elle était en baisse régulière depuis 4 mois. Une hausse liée à l’augmentation des prix de l’électricité au mois d’aout. Dans la zone euro, le ralentissement de l’inflation est continu depuis quasi un an, mais il marque aussi une pause, l’inflation fut de 5,3% (sur un an) en aout, comme en juillet.
Pour les banques centrales, ce retour de l’inflation est un retournement de situation. Depuis plus de 10 ans, l’inflation ne dépassait pas les 2%, et leur préoccupation majeure, c’était d’éviter la déflation (la baisse des prix).
Quand l’inflation a refait surface, il y a deux ans, elles n’ont pas tout de suite réagi, car on estimait que c’était temporaire. On était dans l’après covid, l’épargne abondante poussait à consommer, et en face les chaines de fabrication et de transport étaient perturbées (notamment en Chine où le covid sévissait toujours).
Le choc inflationniste, il est arrivé au printemps 2022, avec la guerre en Ukraine. Les prix de l’énergie sont montés en flèche.
Or sur ce type de choc, que l’on dit exogène, la politique monétaire n’a aucune prise.
En temps normal cela fonctionne ainsi. Quand l’inflation dépasse de façon récurrente les 2% (qui est la cible de l’inflation dans la plupart des économies) la banque centrale augmente les taux directeurs, ce qui oblige les banques à faire de même. Le crédit devient plus cher. Les particuliers freinent leur consommation, les entreprises leurs investissements, la demande reflue, l’offre devient excédentaire, et les prix s’ajustent à la baisse.
Mais que peut un taux directeur face à la guerre, la crainte de pénurie d’énergie, et la spéculation qui en découle ? Pas grand-chose.
Et pourtant, toutes les banques centrales des économies développées ont réagi en augmentant les taux. Les USA ont ouvert le bal en mars, la BCE l’a fait un peu plus tard, en juillet.
C’était la bonne chose à faire justifie François Villeroy De Galhau, gouverneur de la Banque de France, et membre du conseil des gouverneurs de la BCE.
"Depuis le printemps 2022, l’inflation s’est généralisée. Il y a aussi une inflation des services, y’a une inflation des produits manufacturés. Alors là quand l’inflation devient générale, se diffuse dans l’économie, l’arme des taux d’intérêt toujours et partout est efficace. Plus on réagit tard, plus il faut monter les taux d’intérêt". François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, interrogé le 1er septembre à l’AJEF, l’Association des Journalistes Economiques et Financiers
L’indice que suivent les banquiers centraux pour affirmer que la hausse des prix s’est généralisée à l’ensemble de l’économie, se nomme inflation sous jacente. C’est l’inflation une fois que l’on a extrait les prix énergétiques et alimentaires. (c’est la colonne en jaune sur la photo ci-dessous).
Or en aout, l'inflation sous-jacente a ralenti à 6,2% en août après 6,6% en juillet.
Le ralentissement de l’inflation plaide pour une pause, mais la BCE s’inquiète de l’inflation des prix alimentaires, proche des 10%, deux fois plus que l’inflation générale.
Après 9 hausses d’affilée, les taux de la BCE sont passé à 3,75%. Cela parait énorme, car depuis 2008, ils étaient en dessous de 1%, voire négatif, mais 3,75 c’est inférieur à ce qu’ils étaient dans les années 2000.
Aux Etats-Unis aussi la fermeté restera de rigueur, a prévenu Jerome Powell, le Président de la Fed, lors du rendez-vous des banquiers centraux à Jacskon Hole aux Etats-Unis fin aout (vidéo ici).
« Nous sommes prêts à relever encore les taux si nécessaire, et nous avons l'intention de maintenir notre politique à un niveau restrictif jusqu'à ce que nous soyons convaincus que l'inflation se rapproche durablement de notre objectif » Jay Powel, président de la Fed.
Lors de ce même rendez vous, Christine Lagarde, la présidente de la BCE s’est également montré prudente. Il n’est clairement pas question pour le moment de faire une pause dans la montée des taux.
Il n’empêche, les banquiers centraux du monde entier sont plus optimistes qu'il y a un an, car l’inflation décélère. Aux Etats-Unis, elle est revenue autour de 3%, la cible d’inflation de 2% est donc de nouveau en vue.
« Nous ramènerons l’inflation à 2% d’ici 2025", s’engage même François Villeroy de Galhau.
S’il le dit avec autant d’assurance, c’est parce que la parole du banquier central est aussi un levier d'action.
"Si vous êtes chef d’entreprise et que vous devez fixer vos prix, vous le faites en fonction de l’évolution future de vos couts. Si vous pensez que l’évolution de vos couts va ralentir vous augmentez moins vos prix, c’est ce qu’on appelle les anticipations d’inflation. On rétablit la confiance des salariés, des entreprises vers le fait qu’on va revenir vers les 2% d’inflation". François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, interrogé le 1er septembre à l’AJEF, l’Association des Journalistes Economiques et Financiers
Voilà pourquoi il est si crucial qu'après la hausse des taux, l'inflation reflue. Sinon les banques centrales perdraient toute crédibilité, or la confiance qu'elles inspirent est aussi importante que les taux qu'elles dirigent.