Liste actualité
InterventionDiscours

Conférence ACPR : Quels risques, quelles réglementations, quelle supervision pour les banques ?

 

Conférence de l’ACPR – Paris, vendredi 16 juin 2017

« Quels risques, quelles réglementations, quelle supervision

pour les banques ? »

 

Discours introductif de François Villeroy de Galhau,

gouverneur de la Banque de France et

président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

 

Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux de vous accueillir pour cette nouvelle conférence de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR). Les trois questions qui seront abordées ce matin – quels risques, quelles règlementations, quelle supervision pour les banques ? – sont toutes essentielles et bien évidemment très dépendantes les unes des autres. En ouverture de cette conférence, je veux insister plus particulièrement sur la question des réglementations et de leur impact sur le financement de l’économie et de la croissance.

Comme vous le savez, il s’agit du thème que nous avons choisi cette année de traiter dans la Revue de la Stabilité Financière de la Banque de France, et qui d’ailleurs servira, en partie, de cadre à vos échanges ce matin. Dix ans après le début de la crise financière et huit ans après les sommets du G20 de Londres et de Pittsburgh qui ont forgé un plan d’action mondial, l’heure est au bilan. Nous avons rassemblé dans la RSF quatorze points de vue remarquables et complémentaires, d’autorités publiques, de chercheurs, de représentants de l’industrie. Il en ressort selon moi un acquis et un défi.

**

I. D’abord, un acquis :

le système bancaire et financier est beaucoup plus solide aujourd’hui qu’il y a dix ans, grâce à une coopération internationale sans précédent sur les réformes financières, conduite sous l’égide du Conseil de Stabilité Financière (Financial Stability Board – FSB) et la coordination du Comité de Bâle dans le domaine bancaire, et grâce à l’effort de renforcement remarquable de l’industrie. La finance de 2017 n’est plus celle de 2007, et heureusement.

Cela est particulièrement vrai pour les banques en Europe et en France. Il est important de souligner cet acquis car le secteur bancaire européen est souvent jugé, notamment outre-Atlantique, uniquement à l’aune de ses dossiers difficiles ou des établissements qui font partie du «  wagon de queue », alors que, globalement, il est aujourd’hui nettement plus solide qu’avant la crise. En France par exemple, les banques ont ainsi doublé le montant de leurs fonds propres depuis la crise et elles dégagent un rendement sur capitaux propres (RoE) en moyenne de 7 %, voire 9 ou 10 % si l’on corrige d’éléments exceptionnels. Un commentaire sur ce rendement : il est évidemment plus faible qu’avant la crise mais il est à certains égards attendu et raisonnable ; on ne peut pas exiger des banques un rendement sur capitaux propres à deux chiffres alors que les taux d’intérêt et le taux sans risque sont aussi bas et que les banques sont par ailleurs plus résilientes qu’avant. Mais l’amélioration ne concerne pas que les banques : elle est également visible dans le secteur non-bancaire et sur les marchés financiers, avec en particulier les travaux importants menés sur les produits dérivés de gré-à-gré et sur la finance parallèle (shadow banking).

Sur les conséquences économiques des réformes, il faut d’abord se rappeler le coût des crises financières : d’après les données du FMI, la perte cumulée de la production mondiale de 2007 à 2014 est de 25 %. En regard de cette perte considérable, le coût éventuel de la règlementation financière est très faible. Mais surtout, personne ne peut sérieusement dire en France, et plus généralement dans la plupart des économies avancées, que l’offre de crédit bancaire est aujourd’hui contrainte par la règlementation bancaire. Au contraire, les crédits accordés à l’économie sont restés dynamiques, avec une croissance en France à + 5,6 % en rythme annuel en avril 2017 pour les crédits à l’habitat aux particuliers et + 5,4 % pour les crédits aux sociétés non financières. Cette forte croissance d’ensemble peut d’ailleurs mériter dans les mois qui viennent une vigilance globale et un examen par le Haut Conseil de stabilité financière auquel je participe.

**

II. Il reste malgré tout un défi pour demain,

et ce sera mon second point : même si l’acquis est solide, il n’y a clairement pas de place aujourd’hui pour la complaisance ou le relâchement. Personne ne doit penser que les risques de crises à venir, bien qu’ils aient diminué, ont totalement disparu.

Quelle action cela implique-t-il ? Pour les banques, la priorité est la stabilisation du cadre règlementaire. Nous devons donc finaliser Bâle III. Il est à cet égard utile de rappeler que, pour l’essentiel, disons à 80 %, Bâle III a d’ores et déjà été fait en 2011. Il existe en outre désormais un large consensus sur les approches de mesure des risques. Le principal point qui reste à trancher, et qui continue d'occuper les membres du Comité, est celui de la fixation d’une exigence plancher pour les banques utilisant les approches internes, ce qu’on appelle l’ « output floor ». Soyons clairs : je lis ou j’entends là-dessus des conseils de négociation de l’industrie bancaire, et des banques françaises en particulier. Un peu de mesure ne ferait pas de mal, et notre sujet n’est pas de défendre des intérêts corporatistes. Si un plancher d’output floor à 75 % n’est pas acceptable, c’est parce qu’il reviendrait à ce que ce plancher, et donc la méthode standard, devienne la contrainte pour la moitié des banques internationales. J’insiste sur le fait que notre objectif est bien de finaliser Bâle III, fondé sur des modèles améliorés mais restant sensibles au risque, non de passer à Bâle IV, qui s’appuierait sur le standard. Un accord doit donc se faire sur un niveau inférieur qui s’accompagne d’un renforcement du contrôle des modèles internes, à l’image de ce qui est engagé par le Mécanisme de Supervision Unique, l’exercice dit TRIM de revue des modèles dont nous sommes tout à fait disposés à ouvrir les résultats à des revues par les pairs. Cette position est partagée au moins par d’autres pays européens dont l’Allemagne et les Pays-Bas, comme par la Commission européenne.

La coopération internationale sur les réformes financières est notre bien commun, très précieux depuis ces huit dernières années et vital pour notre avenir. La tentation d’un retour en arrière est très dangereuse : elle augmenterait la probabilité qu’une nouvelle crise financière éclate. En la matière, la situation aux États-Unis est aujourd’hui préoccupante. Les mesures qui seront effectivement adoptées et mises en œuvre par la nouvelle administration et les agences compétentes en matière de régulation financière et bancaire restent encore à ce jour largement à préciser. Il est question d’une possible remise en cause de règles déjà finalisées à Bâle, comme la réforme des risques de marché (le FRTB) ou le ratio structurel de liquidité (le NSFR). Une déréglementation unilatérale ne serait qu’un jeu perdant-perdant, qui aurait de graves conséquences tant sur la stabilité du système financier mondial que sur les conditions de concurrence entre banques américaines et européennes. De ce point de vue, l’intégration d’un éventuel accord sur Bâle III dans l’ordre normatif européen devra s’effectuer en demeurant particulièrement attentifs à ce que feront les autres grands pays, à commencer, vous l’avez compris, par les États-Unis.

Nous devons aussi éviter des arbitrages réglementaires. Pour les acteurs non-bancaires, de nombreux progrès sont à réaliser sur la gestion de liquidité des fonds et des gestionnaires d’actifs, sur les FinTechs et plus largement sur les grandes plateformes numériques. Ces dernières, si elles exercent des activités financières, devront obéir à des règles similaires, tôt ou tard. Concernant les marchés financiers, la baisse de la liquidité doit être expliquée, y compris en s’interrogeant sur le rôle du trading à haute fréquence et son utilité sociale très incertaine.

Un dernier mot sur les chambres de compensation (CCP) : je veux saluer les propositions très récentes de la Commission européenne qui vont dans le bon sens, en exigeant une localisation dans l’Union européenne des CCP dont les activités sont « super systémiques » pour le marché de l’Union européenne. Ceci constitue le seul dispositif viable pour assurer aux autorités européennes, et notamment aux Banques centrales, le contrôle et la maîtrise des risques que ces CCP sont susceptibles de faire peser sur la stabilité financière de l’Union européenne. Une fois complété des dispositions sur la résolution des CCP, le cadre applicable à la compensation au sein de l’Union aura progressé considérablement. 

**

Je veux conclure par une remarque générale d’ordre économique : nous avons besoin d’un cadre d’évaluation ex-post des effets économiques des réformes. La France soutient totalement le travail du FSB visant à développer un cadre d’analyse structuré, et qui fait partie, à juste titre, des priorités de la présidence allemande du G20.

L’Europe, dont en particulier l’Allemagne et la France, a aujourd’hui une responsabilité particulière de gardien de la régulation financière : une régulation sensible aux risques, équitable entre banques et non-banques, engageant toute la communauté internationale. C’est ce que nous avons globalement bien fait depuis 2009 ; c’est ce cap qui continue à nous inspirer. Je vous remercie de votre attention et vous souhaite une excellente conférence.

Télécharger la version PDF du document

DiscoursFrançois VILLEROY DE GALHAU, Gouverneur de la Banque de France
Conférence ACPR : Quels risques, quelles réglementations, quelle supervision pour les banques ?
  • Publié le 16/06/2017
  • 6 page(s)
  • FR
  • PDF (2.15 Mo)
Télécharger (FR)