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Présentation du rapport d’activité de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour 2020

Conférence de presse du vendredi 28 mai 2021

 

Discours de François Villeroy de Galhau,

Gouverneur de la Banque de France

Président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

 

Mesdames, Messieurs,

J’ai le plaisir de vous retrouver pour la présentation du millésime 2020 du rapport d’activité de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), avec son nouveau Vice-Président, Jean-Paul Faugère, Dominique Laboureix, secrétaire général de l’ACPR, et Alain Ménéménis, Président de la Commission des sanctions. Je veux d’abord rendre hommage aux équipes de l’ACPR – plus de 1050 hommes et femmes d’un professionnalisme exemplaire et reconnu – qui ont été particulièrement mobilisées, physiquement ou à distance, pour veiller avec beaucoup d’attention aux conséquences de la crise économique sur la stabilité financière. Il y a exactement un an, alors que nous étions aux débuts de la crise Covid, je vous avais dit dans ce cadre même notre vigilance et ma confiance, tant en un superviseur compétent qu’en un système financier résilient. Avec le recul, nous n’avons pas à rougir : les risques financiers sont, à ce stade, globalement maitrisés grâce à des institutions financières résilientes aux fondamentaux solides (I). Ce panorama rassurant dans l’ensemble ne doit toutefois pas occulter les défis de court terme de la sortie de crise, et ceux, plus structurels que devront relever les institutions financières sur la prochaine décennie (II).

I. Les institutions financières ont fait preuve d’une meilleure résistance qu’attendu dans la crise Covid

Un mot bref pour commencer sur la situation des assurances qui sera plus largement développée par Jean-Paul Faugère. Malgré des résultats en baisse, le secteur français de l’assurance fait preuve d’une bonne résistance et reste le premier marché en Europe par la taille de son bilan :

 

Les organismes ont réussi à maintenir des ratios de solvabilité globalement solides autour de 243 %, parmi les plus élevés d’Europe. Mais nous devons nous garder de toute complaisance : la solvabilité des organismes reste un point d’attention important. Ainsi, l’ACPR mènera, au titre des priorités du contrôle, en 2021, une surveillance renforcée, qui se matérialisera notamment par des entretiens ciblés à fréquence régulière, parallèlement aux exercices de résistance réalisés conjointement avec l’EIOPA.  

Les banques françaises, quant à elles, continuent d’afficher des fondamentaux solides grâce à un niveau de fonds propres élevé qui se stabilise autour de 15 % : 

De ce point de vue, les principales banques de la zone euro auront apporté un démenti heureux à certaines prédictions – relativement sombres – qui prévoyaient, à fin 2020, une dégradation sensible des ratios CET1. Cette meilleure résistance des institutions financières, notamment en France, a joué un rôle décisif dans la capacité de notre économie à faire face à la crise. Les banques financent les ¾ de l'économie européenne, et plus de 60 % de l’économie française. Elles ont heureusement encore accru leurs volumes de financements depuis le début de la crise sanitaire, notamment en France :

Le crédit aux entreprises qui augmentait déjà de près de 6 % par an de 2016 à 2019 a nettement accéléré en 2020 (+ 13,3 %) en particulier pour les PME (+ 20,3 %), aidé par le succès sans équivalent de la distribution des prêts garantis par l’État (PGE) qui totalisent près de 140 milliards d’euros à fin avril 2021. Et soyons clairs là aussi contre certains doutes, totalement infondés : il n’y a pas de sous-provisionnement de la part des banques françaises. Le coût du risque est traditionnellement plus faible dans notre pays que la moyenne européenne, et a fortiori aux États-Unis :

Et la réduction récente de la charge du risque traduit l’amélioration des perspectives économiques, et l’efficacité des mesures publiques de soutien en direction des ménages et des entreprises.

Toutefois, et comme je le présageais il y a un an, le vrai enjeu pour le système bancaire français reste celui d'une rentabilité insuffisante :

Ce sujet relève pour une large part des établissements eux-mêmes, j’y reviendrai, mais également d’un besoin de modération des contraintes réglementaires imposées à leurs revenus. Au premier trimestre 2021, le RoE des banques françaises, qui atteint 5,5 %, a marqué une amélioration nettement plus lente que celle des banques américaines (15,5 %) ou britanniques (9,8 %). La crise économique a encore accentué la faiblesse structurelle de leurs revenus – c’est vrai en particulier pour la marge nette d’intérêt et les commissions –, et ce, en dépit d’une maîtrise accrue des frais de gestion et d’un coût du risque réduit.

Dans ce contexte, il faut rappeler ce que doivent nos institutions financières à la robustesse des règles prudentielles. Douze ans après la grande crise financière de 2009, si la crise actuelle – sanitaire, économique –, ne s’est pas cette fois doublée d’une crise financière, ce n’est pas un hasard. C’est notamment parce que notre cadre prudentiel a considérablement renforcé la résilience des grandes banques françaises, comme de leurs homologues européennes et internationales. Et donc oui, notre intérêt national est que la France reste engagée à une mise en œuvre complète de l’accord de Bâle III de décembre 2017 qui soit équitable, définitive et raisonnable : équitable en particulier quant au parallélisme effectif avec les États-Unis, qui apparait pleinement assuré ; définitive car il n’y aura pas de Bâle IV ; et raisonnable quant à l’application notamment de l’output floor – le plancher de capital –.  Je soutiens sur l’output floor son application au niveau consolidé des groupes bancaires, et pour le seul calcul des exigences en fonds propres définies dans l’accord de Bâle, ainsi que le propose la position conjointe franco-allemande.

Du côté des assurances, Solvabilité II a permis aux organismes d’affronter la crise avec une grande solidité. Mais en plus du soutien indispensable aux investissements en actions, la revue doit nous permettre de renforcer le cadre de supervision et de coopération en cas d’activité transfrontière. Il n’est pas acceptable que nos fonds de garantie prennent en charge les indemnisations résultant des faillites des assureurs transfrontaliers. Superviseurs et fonds de garantie des pays d’origine devront être davantage responsabilisés. Notre marché unique a ses règles : circuler librement ce n’est pas se comporter en passager clandestin !

II. Cinq défis essentiels restent à relever

À court terme, deux défis liés à la sortie de crise

Passons désormais aux défis. La sortie de crise reste entourée d’incertitudes, et est très largement conditionnée par la situation financière des entreprises. L’ACPR suit d’ailleurs avec attention l’impact de la montée du risque de défaillance sur la solidité des banques, et ne constate pas, à ce stade, de hausse significative ; j’ai eu l’occasion de relativiser certaines lectures trop alarmistes d’un récent rapport de l’ESRB.

Avec la reprise, la sortie des dispositifs d’aide publique devra suivre la levée des restrictions sanitaires. Et le soutien aux entreprises doit passer d’une action générale en liquidité à une phase sélective de soutien en quasi-fonds propres, ciblant les entreprises économiquement viables mais financièrement fragilisées par la crise. Dans un contexte de normalisation progressive de la situation sanitaire et économique, il n’y aurait donc pas lieu de maintenir, au-delà de l’année prochaine, les mesures exceptionnelles d’accompagnement de la crise : ceci vaut pour les « buffers » et assouplissements décidés début 2020. Par ailleurs, les restrictions sur les dividendes pourraient être levées dès septembre prochain. Il en va de l’attractivité de nos institutions financières dans un contexte de concurrence internationale exacerbée, où les mesures exceptionnelles sont souvent plus souples, c’est le cas notamment au Royaume-Uni, ou même en voie d’être levées dès le 30 juin prochain pour la plupart des banques aux États-Unis.

Trois défis à plus long terme

J’en viens, maintenant, aux trois défis structurels que les institutions financières devront relever sur la prochaine décennie : la rentabilité, l’innovation et la mobilisation climatique.

Pour les banques, la rentabilité n’est plus, maintenant, un sujet lié à la politique monétaire. Il est important de le souligner : le tiering et la tarification particulièrement attractive – désormais jusqu’à - 1 % – de nos TLTRO font en 2021 plus que contrebalancer la charge annuelle liée à l’application de taux négatifs. Le chemin vers la rentabilité passe aujourd’hui par la poursuite de la modernisation des institutions financières elles-mêmes, mais aussi par l’émergence d’un véritable « marché unique bancaire ». Il faut jouer de l’effet taille et encourager la formation de groupes bancaires pan-européens : ne renonçons jamais à l’objectif d’une vraie Union bancaire quelles que soient les résistances protectionnistes des pays « hosts ». Cette intégration passe également par des modalités efficaces de gestion de crise. L’Europe doit renforcer son cadre de résolution, pour permettre la sortie effective des banques non viables en Europe, sans pénaliser les systèmes bancaires solides par des financements additionnels, ce qui passerait par un ajustement du financement du FRU (Fonds de Résolution Unique).

L’impact des taux bas diffère toutefois pour les organismes d’assurance. L’intégration de la PPB aux fonds propres leur permet déjà d’offrir un taux de revalorisation suffisamment attractif en période de taux bas. Cela doit également donner un temps précieux aux assureurs pour repenser leur offre vers des produits de plus long terme, davantage tournés vers les fonds propres, et mobilisant ainsi mieux l’épargne au service du renforcement de notre économie.

L’innovation sera justement au cœur de la transformation que les institutions financières devront réaliser au cours de la prochaine décennie. Et l’Europe est clairement en perte de vitesse au moment où cette crise enclenche une accélération des technologies numériques, avec des Bigtechs qui peuvent redéfinir l’intermédiation financière. Pour les acteurs en place, il s’agit d’un défi existentiel, où l’innovation est la seule riposte efficace. Cette révolution numérique nous impose également de renforcer nos modalités de régulation face aux Bigtechs qui sont des acteurs incontournables mais qui restent à la marge de la régulation. Il faut une coopération transfrontière mais aussi transmatière, avec les autorités de la concurrence, de protection des données et de cybersécurité. Le FSB, la BRI et l’OCDE devraient ici se mobiliser ensemble. En particulier, le risque cyber est plus que jamais d’actualité dans le contexte d’une digitalisation accélérée des services et d’un recours accru au télétravail. Parallèlement, les banques européennes doivent résolument s’unir dans le secteur des paiements pour arriver vite à une offre commune : il n’y a pas d’alternative à l’EPI, l’European Payment Initiative.

Cette révolution numérique exerce également une pression créatrice sur nos pratiques de supervision. Je veux redire ici que les Fintechs sont bienvenues dans le paysage financier français, et ont droit de la part de l’ACPR à un dialogue ouvert, attentif y compris dans le Pôle Fintech-Innovation créé en 2016. L’intelligence artificielle fournit un terreau d’expérimentation très fertile à nos interactions. L’ACPR organise d’ailleurs son premier techsprint les 30 juin et 1er juillet prochains. Cette compétition amicale proposera aux participants d’inventer les outils d’explication des algorithmes de demain, à partir de modèles de risque de crédit. L’appel à candidature est publié aujourd’hui sur le site de l’ACPR et j’invite tous les acteurs dans le domaine de l’IA à y participer.

Je conclurai par une troisième ambition : la transition écologique. Pour y parvenir, nos institutions financières devront prendre toute leur part à la lutte contre le réchauffement climatique. Et je veux saluer ici le leadership climatique de la France qui est en pointe en Europe, et dans le monde. Ainsi, et malgré la crise Covid, nos principales institutions financières ont été volontaires pour réaliser leurs premiers tests de résistance climatique. Cet exercice révèle une exposition globalement « modérée » au risque de transition, d’autant mieux maîtrisé cependant que la transition sera ordonnée et non retardée. La finance verte est, symétriquement, une grande opportunité de développement. Bref, plus le secteur financier s'y prendra tôt, mieux la transition se passera, avec des institutions financières qui en seront acteurs plutôt que suiveurs. Je vous remercie de votre attention.

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DiscoursFrançois VILLEROY DE GALHAU, Gouverneur de la Banque de France
Présentation du rapport d’activité de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour 2020
  • Publié le 28/05/2021
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