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10èmes États généraux de la recherche comptable : intérêt public et enjeux comptables d’une crise

10èmes États généraux de la recherche comptable

14 décembre 2020

Table ronde finale : intérêt public et enjeux comptables d’une crise

 

Intervention de Denis Beau, Premier sous-gouverneur

 

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Propos liminaire : La maîtrise des risques pour la stabilité financière du changement climatique passe par le développement et la standardisation de l’information extra-financière.

Je remercie Patrick de Cambourg pour cette invitation.

Je voudrais mettre l’accent sur l’enjeu fort que représente la normalisation de l’information extra-financière, climatique en particulier, de mon point de vue de banquier central et de superviseur chargé de s’assurer de la stabilité financière. Pourquoi ? Deux raisons majeures :

  1. La matérialité des risques financiers liés au changement climatique, comme leur portée, qui sont susceptibles de provoquer de l’instabilité financière aux conséquences systémiques. Ceux-ci sont aujourd’hui clairement établis et étayés comme le montre le rapport que vient de publier le Conseil de Stabilité Financière, intitulé « The implications of climate change for Financial Stability ». Je tire deux enseignements de ce travail mené au sein du FSB par un groupe d’experts et que j’ai l’honneur d’animer :

 

  1. La grande variabilité et la sévérité potentielle des impacts financiers attendus, en fonction de la trajectoire de hausse des températures et des mesures d’adaptation.

 

  1. Le risque de matérialisation brutale et inattendue des risques physiques et de transition, aux effets susceptibles d’être amplifiés et diffusés fortement et largement, notamment par l’interaction entre risque physique et risque de transition, et des comportements procycliques des intermédiaires financiers, consistant à réduire leur distribution de crédit ou la couverture des assurances.

 

  1. Les banques centrales et les superviseurs, parmi lesquels la Banque de France et l’ACPR, jouent un rôle très actif, conformément à leur mandat de stabilité financière, se sont fortement engagés en faveur d’une meilleure prise en compte de ces risques financiers liés au changement climatique par les intermédiaires financiers, banques et assurances en tête. En France, l’ACPR a publié en mai un Guide des bonnes pratiques en termes de gouvernance et de gestion des risques climatiques par les établissements bancaires. Elle a lancé, cette année également, un exercice pilote d’analyse de scénarios de risque climatique. Cet exercice a vocation à perdurer et s’étendre puisque le SSM a annoncé récemment son intention de conduire dès 2022 un stress test climatique sur les établissements qu’il supervise. Enfin, la Commission Consultative Climat et Finance Durable de l’ACPR a effectué, en partenariat avec l’AMF, une revue des engagements des banques et des assurances françaises dont les résultats vont être publiés d’ici quelques jours. Mais, à l’heure actuelle, le reporting extra-financier à destination du public n’est pas suffisamment développé et standardisé pour permettre une bonne identification des risques physiques et de transition auxquels sont exposées les institutions financières. Il s’agit là d’un véritable obstacle, tant pour les établissements financiers, dans la mise en œuvre de leurs engagements, que pour le superviseur qui cherche à suivre leur réalisation, ou encore à mesurer les expositions aux risques climatiques et effectuer des stress tests. Les avancées européennes ont posé des bases nécessaires, qu’il s’agisse de la Directive NFRD ou de la taxonomie européenne des activités. En France, nous avions pris un peu d’avance sur ces dispositifs, en créant dès 2015 des exigences de transparence sur les risques climatiques avec l’article 173 de la Loi de transition énergétique (dont la mise en œuvre a illustré le besoin d’harmonisation des données publiées), désormais « refondu » dans l’article 29 de la nouvelle loi énergie climat. Cependant, le risque climatique est un risque mondial, qui nécessite une action concertée et une comparabilité des données au niveau international. Par conséquent, il semble aujourd’hui nécessaire d’instaurer un cadre conceptuel cohérent au niveau international, ce qui ne doit pas empêcher les juridictions en avance d’aller plus loin et plus vite. Et je veux saluer dans ce contexte les travaux européens en matière de normalisation extra-financière, et en particulier ceux de l’EFRAG et plus particulièrement du groupe que préside Patrick, sur lesquels Jean-Paul Gauzès reviendra certainement. Et j’espère que ces travaux alimenteront la réflexion internationale sur l’élaboration de standards, en particulier dans le cadre des travaux que la Fondation IFRS prévoit d’entreprendre sur le sujet.

Un dernier point pour conclure : la transparence et l’harmonisation des données sont essentielles, pour la connaissance des expositions, mais la nature du risque climatique nous oblige aussi à une approche prospective. La publication d’informations non financières standardisées par les entreprises aura le bénéfice supplémentaire d’alimenter une évaluation prospective (forward looking) des risques portés par les banques et les assurances, via la modélisation de l’impact de scénarios climatiques sur les expositions détenues par ces acteurs. Mais, pour obtenir des résultats comparables, il faut partir de scénarios cohérents. C’est l’apport important des scénarios de référence élaborés par le NGFS, ce réseau de Banques Centrales et de Superviseurs dans lequel la Banque de France et l’ACPR jouent un rôle moteur, et qui remplit une fonction d’éclaireur vis-à-vis des régulateurs internationaux, et que nous avons utilisés pour l’exercice pilote cette année.

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DiscoursDenis BEAU, Sous-gouverneur de la Banque de France
10èmes États généraux de la recherche comptable : intérêt public et enjeux comptables d’une crise
  • Publié le 15/12/2020
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