La croissance spectaculaire des exportations de la Chine suite à son adhésion à l'OMC a induit des ajustements substantiels dans les secteurs manufacturiers des économies développées. La plupart des publications analysant ces ajustements partent d'une mesure de ce choc (le taux de croissance des exportations chinoises) au niveau sectoriel. Selon cette mesure, l'un des secteurs les plus touchés est celui de l'habillement. Considérons deux sous-ensembles d'entreprises françaises classées dans ce secteur dans notre échantillon en 1999. Un ensemble d'entreprises a produit des vestes pour femmes en utilisant du polyester tissé comme intrant intermédiaire. La part des vestes pour femmes importées de Chine (pénétration des importations chinoises) a augmenté de 30 points de pourcentage (ppt) entre 2000 et 2007, alors que la pénétration des importations chinoises de polyester tissé a diminué au cours de la même période. Un autre ensemble d'entreprises a produit des vêtements brodés en utilisant des pantalons pour femmes comme intrants intermédiaires. Au cours de cette même période 2000-2007, la pénétration chinoise pour les vêtements brodés a diminué de 12 points de pourcentage, alors que la pénétration chinoise pour les pantalons de femmes a augmenté de 22 points de pourcentage. Les deux groupes d'entreprises ont été fortement touchées par la forte hausse de l'habillement chinois, mais de manière très différente. La composante dominante du choc pour le premier groupe d'entreprises est horizontale : une forte augmentation des exportations chinoises de produits similaires à ceux que ces entreprises produisent. En revanche, la composante dominante du choc pour le deuxième groupe d'entreprises est verticale : une forte augmentation des exportations chinoises de produits utilisés par ces entreprises comme intrants intermédiaires. Alors que les ventes des entreprises du premier groupe ont nettement diminué entre 2000 et 2007, elles ont augmenté pour les entreprises du deuxième groupe sur la même période.
Dans cet article, nous distinguons les composantes horizontale (output) et verticale (input) du choc d’importation chinois au niveau de l'entreprise et analysons ses effets sur l'emploi, les ventes et l'innovation. Nous utilisons les registres comptables français, les informations douanières et les informations sur les brevets d'un ensemble complet de données de panel au niveau des entreprises couvrant la période 1994-2007 et montrons que ces deux composantes ont des effets opposés sur les résultats des entreprises françaises en 2000-2007. Nous constatons que l'exposition à la concurrence des échanges de produits est préjudiciable aux ventes, à l'emploi et à l'innovation des entreprises. De plus, cet effet négatif est concentré sur les entreprises à faible productivité. En revanche, nous trouvons un effet positif (bien que souvent non significatif) de la composante intrants sur les ventes, l'emploi et l'innovation des entreprises.