Bloc-notes Éco

La consommation depuis la crise du Covid : une nette divergence d’évolutions entre valeur et volume

Mise en ligne le 29 Janvier 2025
Auteurs : Mélanie Coueffé

Billet de blog 384. Sur les dernières années, l’économie française a subi plusieurs chocs qui ont affecté la consommation des ménages, tels que la crise sanitaire, ou l’invasion de l’Ukraine et la crise énergétique qui a suivi. Ces chocs ont débouché sur de fortes mais inégales hausses de prix, qui ont eu des effets différenciés selon les postes de la consommation. Pour certains d’entre eux, on observe une nette divergence d’évolutions entre valeur et volume, révélant notamment des effets de substitution au sein de la consommation des ménages, des biens vers les services, du fait de la hausse moins forte du prix de ces derniers.

Graphique 1 : Consommation des ménages en valeur et en volume, base 100 au 4e trimestre 2019

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Source : Insee (comptes nationaux trimestriels), calculs : Banque de France

La consommation des ménages a été fortement affectée par la crise du Covid-19 et l’invasion de l’Ukraine. Ces chocs ont été suivis de hausses de prix plus ou moins fortes selon les produits, induisant un changement dans la structure des prix relatifs et donc dans le comportement des consommateurs. Dans ce billet, nous analysons deux mesures de la consommation : les dépenses en valeur en euros courants, et celles en volume, corrigées de la hausse des prix et qui retracent donc directement les quantités consommées.

Après avoir fortement diminué en 2020 et 2021, la consommation en volume a retrouvé son niveau d’avant crise et le dépasse même de près de 3 % en volume au 3ème trimestre 2024.

Toutefois, son rythme de croissance reste inférieur de près de 4 % à sa tendance calculée sur la période 2015-2019 (Graphique 1).

En valeur, alors que le rythme de croissance n’était que légèrement supérieur à celui en volume avant la crise, il est beaucoup plus élevé depuis 2022. On observe ainsi une forte hausse de la consommation en valeur depuis 2019 (+21 %), reflétant la forte hausse des prix. 

Ces chocs ont affecté la structure de la consommation par produit. En volume, la consommation en biens a diminué de 4 % entre 2019 et 2024, alors que celle en services a augmenté de 11 %. En valeur, la consommation des ménages a augmenté pour les biens (+15 %) et plus encore pour les services (+27 %). Au sein des biens et services, on peut distinguer plusieurs catégories de produits.

Pour certains produits, la hausse de la consommation en valeur s’accompagne d’une baisse de la consommation en volume 

Pour certains produits, en comparaison à la tendance 2015-2019, on observe une hausse de la consommation en valeur, alors que celle en volume a baissé : les produits alimentaires, les produits énergétiques, les autres biens industriels, les services de commerce, et les services de transport (Graphique 2). La hausse des prix sur ces produits s’est traduite par une baisse de la consommation en volume, avec une élasticité-prix inférieure à l’unité.

La baisse de la consommation alimentaire et en énergie, en lien avec la forte hausse des prix de ces biens, a été documentée par l’Insee. Dans sa note de conjoncture d’octobre 2023, l’Insee interrogeait les ménages sur leurs changements d’habitude de consommation du fait de l’inflation. Près de trois quarts des ménages déclaraient avoir modifié leurs comportements de consommation. Les dépenses d’énergie pour le logement représentaient le poste pour lequel les ménages étaient les plus nombreux à avoir modifié leurs habitudes (51 %), suivi par l’alimentation (47 %). Dans le cas de l’alimentation, cette diminution de la consommation en volume peut refléter des baisses effectives des quantités consommées, mais aussi des changements dans la qualité des produits achetés (recours plus fréquent à des produits d’entrée de gamme (Insee (2023)) ).  Par ailleurs, les ménages n’ont pas tous été exposés de la même façon à l’accélération des prix, car la structure de la consommation diffère entre catégories de ménages (Insee (2023)). L’inflation a ainsi été plus élevée pour les ménages les plus âgés, pour ceux vivant dans des communes rurales ou de petite taille, ou encore pour les ménages modestes.

Graphique 2 : Consommation des ménages par produit en valeur et en volume, base 100 au 4e trimestre 2019
 

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Source : Insee (comptes nationaux trimestriels), calculs : Banque de France

Pour d’autres produits, les hausses de prix ont eu peu d’effet sur les volumes 

Pour l’hébergement-restauration, les services financiers, les services immobiliers, les services aux entreprises, et les services aux ménages, la consommation en volume reste proche de sa tendance pré-crise, alors que celle en valeur a augmenté (Graphique 3).

Le volume de la consommation des ménages en hébergement-restauration, qui avait chuté pendant la crise sanitaire, a retrouvé sa tendance pré-crise. Le volume de la consommation de services financiers a continué de croître sur une tendance inchangée, en dépit de la nette hausse de leurs prix (qui dans le cas des services bancaires sont mesurés de façon conventionnelle par la marge sur les dépôts et les crédits à la consommation relativement au taux d’intérêt sur le marché monétaire).

Graphique 3 : Consommation des ménages par produit, en valeur et en volume, base 100 au 4e trimestre 2019
 

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Source : Insee (comptes nationaux trimestriels), calculs : Banque de France

Pour les matériels de transport, la consommation en volume comme en valeur est inférieure à la tendance pré-crise

La consommation en matériels de transport est inférieure à sa tendance pré-crise, en volume comme en valeur (Graphique 4). Pour ce poste, soit l’élasticité-prix est très forte, soit il y a un choc de demande négatif en plus de la hausse des prix. Cette deuxième explication plus structurelle est probable, particulièrement dans le cas de l’automobile : les ménages ont pu faire preuve d’attentisme face aux mutations technologiques du secteur (développement de la voiture électrique). Cette chute ne concerne toutefois pas  les ventes de cycles et motocycles, qui ont réussi à se maintenir sur les trois dernières années

Graphique 4 : Consommation des ménages en matériels de transport, en valeur et en volume, base 100 au 4e trimestre 2019
 

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Source : Insee (comptes nationaux trimestriels), calculs : Banque de France

L’évolution de la structure de la consommation depuis 2019 est ainsi légèrement différente en valeur par rapport aux volumes

La part de la consommation en biens dans la consommation totale a un peu moins diminué en valeur (-2,3 pp, à 43,2 %) qu’en volume (-3,3 pp, à 42,1 %), reflétant le fait que les prix des biens ont augmenté plus vite que ceux des services. Les ménages ont essayé de maintenir la part de leur budget consacré à l’alimentation malgré la hausse des prix. Le poids de l’énergie dans la consommation en valeur a quant à lui augmenté, l’inflation ayant été très forte sur ce poste malgré le fait que les volumes aient baissé.

En miroir, la part de la consommation en services a moins augmenté en valeur (+2,5 pp) qu’en volume (+3,6 pp). Le poids des services immobiliers a diminué dans la consommation en valeur, mais augmenté en volume, illustrant le fait que la hausse des loyers a été moins forte que l’inflation sur les autres biens et services depuis la crise. Par ailleurs, le poids de l’information-communication dans la consommation des ménages a augmenté en volume, mais diminué en valeur, en raison de la tendance baissière des prix de ces services depuis la crise.

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Mise à jour le 29 Janvier 2025