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France info : « Il faut se donner deux règles d’or : ne pas surcharger nos entreprises et PME, et ne pas alourdir nos déficits »
Intervenant
François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France
Mise en ligne le 11 Juillet 2024
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, invité de Jérôme Chapuis sur France info
Jérôme Chapuis
Notre grand témoin ce matin est le Gouverneur de la Banque de France. Votre enquête de conjoncture va être particulièrement observée ce mois-ci. Vous interrogez tous les mois 8 500 chefs d'entreprise. Ils ont été interrogés entre fin juin et début juillet, c'est-à-dire avant et après le premier tour des législatives. L'incertitude pèse très fortement, c'est ce que vous relevez.
François Villeroy de Galhau
Si on devait résumer la photographie de l'économie française aujourd'hui, elle résiste mais elle reste fragile. Elle a dû affronter un premier choc, celui de l’inflation : nous sommes en train d'en sortir, la victoire contre l'inflation est en vue, nous allons revenir vers la cible de 2%. Notre économie a échappé à la récession, que l’on craignait il y a 18 mois. Nous prévoyons une croissance de + 0,1 % au deuxième trimestre, c'est modeste, et de + 0,8% sur l'ensemble de l'année. Avec la moindre inflation, il y a plus de pouvoir d'achat, c'est une attente forte de nos concitoyens. L'Insee prévoit une croissance du pouvoir d'achat d'un peu plus de 1 % cette année en moyenne.
Jérôme Chapuis
Et donc autre choc.
François Villeroy de Galhau
Alors que nous sortons du choc d'inflation, arrive malheureusement un autre choc qui menace, c’est un choc d'incertitude. Les chefs d'entreprise que nous interrogeons nous disent leurs inquiétudes sur l'attentisme de leurs clients qui préféreraient épargner plutôt que consommer, sur le report de leurs investissements et sur le gel de leurs embauches. J'étais sur le terrain, en Corse, vendredi dernier. J'ai rencontré une vingtaine d'entrepreneurs, notamment dans le tourisme et le BTP, et ils m'ont tous dit cela. Ce serait un choc très négatif pour la croissance et pour l'emploi.
Jérôme Chapuis
Cela peut-il avoir des conséquences sur la croissance ? Vous maintenez votre prévision de croissance à 0,8 % pour 2024, ce sont les prévisions de la Banque de France. Pourriez-vous être amenés à les revoir à la baisse ?
François Villeroy de Galhau
Nous actualiserons au mois de septembre notre prévision sur l’année publiée en juin. On verra. Mais 0,8 % ce n'est pas assez, et il faut évidemment faire plus. Comment peut-on dissiper ce choc d'incertitude ? Pour réduire les incertitudes, il faut dire la vérité et reconnaître les exigences du réel. Je rappelle que la Banque de France est indépendante de toutes les forces politiques et elle contribue à éclairer cette réalité économique. Si nos concitoyens ont envoyé un message fort dans cette élection, c'est leur souci d’être mieux respectés, mieux considérés. Mieux respecter les Français, c'est aussi leur dire la vérité.
Jérôme Chapuis
Dans cette enquête, est-ce que les chefs d'entreprise vous parlent du projet d'augmentation du SMIC de 200 euros net par mois ?
François Villeroy de Galhau
Cette enquête ne porte pas sur telle ou telle mesure de tel ou tel programme politique. Elle a été faite avant le second tour, donc personne ne savait ce qui sortirait des urnes.
Jérôme Chapuis
Mais vous parlez de réel, cela peut avoir des conséquences.
François Villeroy de Galhau
Le réel, c'est d'abord dire que notre économie a des atouts. Nous sommes la septième économie du monde. Il y a 30 millions de Français au travail, il y a beaucoup d'entreprises performantes. Il faut muscler ces atouts. On a malheureusement très peu parlé de ce sujet dans la campagne électorale : comment muscle-t-on l'économie française. Mais il y a deux grandes faiblesses de l'économie française, un peu comme la cigale de La Fontaine : la première est que nous achetons plus que nous produisons, ce qui donne notre déficit extérieur. Et la deuxième faiblesse, dans la sphère publique, est que nous dépensons, y compris pour les dépenses sociales et les retraites, beaucoup plus que nos voisins européens et les autres économies avancées, et beaucoup plus que nous ne payons en impôts, ce qui donne notre déficit budgétaire.
Jérôme Chapuis
Nous reviendrons sur le budget. Sur l'emploi, vous n'avez pas répondu à la question : il y a des évaluations différentes qui circulent sur l'impact que pourrait avoir une augmentation du SMIC. Selon la CPME par exemple, 14 % des entrepreneurs n'auraient d'autre choix que de fermer leur entreprise. Avez-vous des évaluations dans cette enquête ?
François Villeroy de Galhau
Non, mais il faut se donner deux règles d'or, deux boussoles. La première est que, dans la compétition économique, nos PME, nos entreprises ne peuvent pas être alourdies par des coûts salariaux excessifs, y compris le SMIC, et par des impôts trop lourds. Ce serait très mauvais pour l'emploi tout de suite et très mauvais pour le pouvoir d'achat à terme. C’est la première règle d'or : ne pas surcharger nos entreprises, nos PME. Puis il y a une deuxième règle d'or qui se réfère aux déficits : nous ne pouvons plus creuser encore davantage ces déficits. Ils nous coûtent de plus en plus cher à financer et ils pèsent sur notre souveraineté.
Jérôme Chapuis
Vous dites aussi que vous avez un devoir de réserve sur les politiques gouvernementales. Est-ce qu'il faut comprendre que vous craignez une abrogation de la réforme des retraites qui aurait un coût pour les finances publiques ?
François Villeroy de Galhau
Je ne crois pas avoir parlé de devoir de réserve ce matin. Il valait pendant la campagne électorale, mais encore une fois la Banque de France est indépendante. Heureusement, il y a des choix démocratiques possibles. Il faut que nous décidions quelles priorités de dépenses nous retenons en regardant ce qui marche le mieux chez nos voisins, parce qu'ils ont un modèle social qui est proche du nôtre et qui leur coûte nettement moins cher.
Jérôme Chapuis
Est-ce que vous craignez une éventuelle abrogation de la réforme des retraites ?
François Villeroy de Galhau
Tout ne sera pas possible tout de suite. Si on fait des choix, il ne faut en rien creuser les déficits parce qu'ils sont déjà parmi les plus lourds d'Europe, et cette charge de la dette inquiète les Français. Cela fait partie du devoir de vérité. Cela nous coûte de plus en plus cher à financer. Vous savez quel est le poste de dépenses qui va augmenter le plus dans ces années où nous sommes ? Ce sont les intérêts de la dette.
Jérôme Chapuis
Ça représente des dizaines de milliards d'euros.
François Villeroy de Galhau
Ce sont des dizaines de milliards d'euros, c'est 50 milliards d'euros d'augmentation, c'est l'équivalent du budget de la défense. C'est énorme. Tout ce que nous dépensons à cause de cette dette passée, c'est autant que nous ne pouvons pas mettre dans des dépenses d'avenir comme le climat, l'éducation, etc.
France info : « Il faut se donner deux règles d’or : ne pas surcharger nos entreprises et PME, et ne pas alourdir nos déficits »
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Mise à jour le 24 Octobre 2024