Stimuler l’investissement et favoriser les réformes : le double objectif du Compact with Africa
En 2017, la présidence allemande du G20 a lancé le Compact with Africa (CwA). Cette initiative a pour but de stimuler l’investissement dans les économies africaines s’engageant à mettre en œuvre des réformes macroéconomiques, financières et de climat des affaires. Elle associe à cette fin diverses organisations internationales (Fonds Monétaire International, Banque mondiale, Banque africaine de développement), chargées de l’assistance technique dans la mise en œuvre des réformes, ainsi que les pays du G20, comme la France, volontaires et chargés d’encourager leurs entreprises à investir dans les pays africains membres de l’initiative. Au sein de chaque pays membre, des équipes constituées de hauts fonctionnaires et de membres des organisations internationales servent de point de contact, et une matrice de suivi des réformes est produite de façon semestrielle, dans le cadre d’un rapport de suivi présenté au sein de l’African Advisory Group du G20.
Dès les débuts de l’initiative, 12 pays ont rejoint le CwA. La Côte d’Ivoire, le Maroc, le Rwanda, le Sénégal et la Tunisie l’ont rejoint en mars 2017, lors du G20 des Finance Ministers et Central Bank Governors (FMCBG) de Baden-Baden. Le Ghana et l’Éthiopie s’y sont ajoutés lors de la conférence de lancement de l’initiative, à Berlin, en juin 2017. Le Bénin, l’Égypte et la Guinée y ont fait leur entrée en octobre 2017. Enfin, le Togo et le Burkina Faso l’ont rejoint en 2018 (respectivement en avril et en octobre).
Une initiative d’actualité, dont l’évaluation est nécessaire mais délicate
Évaluer l’impact d’une telle initiative s’avère pertinent pour deux raisons. D’une part, les économies africaines font face à des contraintes de financement internes et externes particulièrement fortes. Leurs recettes budgétaires ne représentent en moyenne que 15 % du PIB, et leurs financements extérieurs se sont fortement réduits au cours des dernières années, en raison d’une baisse de l’aide au développement à destination de l’Afrique, d’un durcissement des conditions de financement internationales, et de moindres investissements chinois (FMI, 2023). Dès lors, il est particulièrement important d’évaluer l’impact macroéconomique de dispositifs visant tout à la fois à stimuler les investissements étrangers, et à mettre en œuvre les réformes nécessaires au développement économique africain, comme le CwA.
D’autre part, le CwA est en expansion, et apparaît attractif pour les économies africaines. Des conférences de chefs d’État, sous la présidence allemande, se tiennent annuellement, et la République Démocratique du Congo a intégré le dispositif en octobre 2023. L’Angola, le Kenya et la Zambie ont également exprimé, fin 2023, leur souhait d’intégrer le CwA.
Les rapports d’évaluation semestriels du CwA font état de meilleures performances des économies membres du CwA par rapport aux autres, notamment en matière de croissance, d’exportations et d’investissement. Ils ne prennent cependant pas complètement en compte un biais de sélection important : les pays membres du CwA, avant leur entrée dans le dispositif, étaient moins riches mais plus dynamiques que le reste du continent, leur PIB par habitant enregistrant entre 2003 et 2016 un niveau inférieur de 12 % à celui des autres pays, mais un taux de croissance supérieur de 14 pp (+ 35 % contre + 21 %). Cet écart de taux de croissance a été particulièrement marqué entre 2013 et 2016. Au cours de cette période, la plupart des pays africains non-membres du CwA ont connu une stagnation de leur activité économique (+ 0,3 % de croissance du PIB par habitant en moyenne sur la période), alors que les futurs pays CwA ont continué à connaître une croissance forte (+ 9 % en moyenne).
Une hausse du PIB par habitant, tirée notamment par les exportations
Dans un article récent (Fleuriet et Vertier, 2024) nous évaluons l’effet du CwA entre 2017 et 2021, en contrôlant ce biais de sélection. Pour ce faire, nous utilisons la méthode des différences synthétiques (Arkhangelsky et al., 2021), permettant de construire un groupe de contrôle contrefactuel de pays africains non membres du CwA pour lequel, avant la mise en œuvre de la réforme, les variables d’intérêt suivent une tendance parallèle à celle observée dans le groupe de traitement. Ce groupe de contrôle est dit « synthétique » car il s’agit d’une combinaison des pays appartenant au groupe de contrôle, pondérés de sorte à respecter la contrainte de tendance parallèle.
Nous opérons différentes restrictions d’échantillon afin d’assurer la validité de l’estimation. D’une part, nous excluons du groupe de contrôle tous les pays qui ont connu une décroissance de leur PIB par habitant entre 2013 et 2016 (ce qui n’est arrivé pour aucun des pays du CwA) : 13 pays sont concernés, parmi lesquels 6 pays pétroliers (touchés par la baisse des cours du pétrole en 2014-2015), le Liberia et la Sierra Leone (touchés par l’épidémie d’Ebola de 2014), et l’Afrique du Sud, dont le PIB par habitant décroît régulièrement depuis le milieu des années 2010. D’autre part, nous excluons également du groupe de traitement (CwA) quatre économies qui ont connu la plus forte croissance du continent entre 2013 et 2016, et pour lesquelles il n’existe pas de contrefactuel pertinent au cours de cette période, à savoir la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, la Guinée et le Rwanda.
À l’aide de cette méthode, nous estimons que, sur la période 2017-2021, le PIB par habitant des 8 économies membres du CwA étudiées a progressé plus rapidement que celui des 27 économies du groupe de contrôle non-membres du CwA (Graphique 1). En moyenne sur la période, le surcroît cumulé de croissance est de 5 pp (Graphique 2). Parmi les différentes composantes du PIB par habitant, selon une décomposition par la demande (Graphique 2), nous trouvons des effets particulièrement marqués, et dans l’ensemble statistiquement significatifs, pour les taux de croissance des exportations (+13 pp) et de la consommation publique (+ 5 pp). Enfin, le taux de croissance du stock d’investissements directs reçus de l’étranger (IDE) est également plus élevé de l’ordre de +13 pp, bien que sa significativité statistique soit plus fragile. Les effets sur la formation brute de capital fixe (FBCF) et sur la consommation privée sont quant à eux de faible ampleur, et non-significatifs.
Graphique 2 : Effets du CwA pour différents indicateurs en moyenne entre 2017 et 2021