Pour limiter le réchauffement de la planète à un niveau bien inférieur à 2°C, il faut une transition économique rapide et à grande échelle vers une économie bas-carbone. Si la transition climatique est "la course de notre vie", les matériaux critiques pour la transition (MCT) pourraient en être la pierre d'achoppement. En effet, le développement nécessaire des technologies concernées, notamment les panneaux solaires, les batteries pour véhicules électriques et les infrastructures de réseau, entraînera une demande importante et une dépendance vis-à-vis de divers matériaux tels que le cuivre, le lithium, le nickel et le cobalt. Ces matériaux sont appelés, mutatis mutandi, à rivaliser avec le rôle autrefois joué par les combustibles fossiles. Selon des recherches récentes, des goulets d'étranglement au niveau de ces matériaux pourraient entraîner des déséquilibres entre l'offre et la demande de MCT, ce qui pourrait avoir pour conséquence de retarder la transition.
Dans ce contexte, cet article propose trois contributions. Premièrement, en nous appuyant sur des études antérieures et sur plusieurs bases de données, nous développons une méthodologie pour identifier la criticité de différents matériaux dans le contexte de la transition vers une économie bas-carbone. L'identification des MCT est basée sur une évaluation de plusieurs pressions induites par la demande et de divers risques liés à l'offre, notamment la concentration géographique des réserves et de l'extraction, le risque-pays et le stress hydrique. Neuf MCT sont ensuite sélectionnées pour une évaluation plus approfondie.
Ensuite, sur la base des données recueillies (y compris les hypothèses technologiques de sources telles que l'Agence internationale de l'énergie), le document étudie la demande de MCT induite par les scénarios climatiques du Réseau pour le verdissement du système financier (Network for Greening the Financial System, NGFS). Dans le cadre du scénario "Net Zero d'ici 2050", la demande annuelle absolue pour tous les matériaux ciblés passe de 4,7 millions de tonnes (Mt) en 2021 à 32,8 Mt en 2040 (voir figure 1). Dans le scénario "Transition retardée", la demande totale passe de 1,7 Mt à 42,9 Mt (véhicules électriques compris) et de 0,94 Mt à 32,1 Mt (véhicules électriques non compris) entre 2021 et 2040. Sur la base des résultats, trois matériaux (lithium, cuivre et nickel) font l'objet d'une étude plus approfondie dans le contexte des projections de développement de l'offre afin d'identifier les goulets d'étranglement potentiels.
Troisièmement, le document suggère quelques pistes de recherche future pour mieux comprendre comment les MCT pourraient avoir des implications macroéconomiques et financières. Des évaluations au niveau des entreprises et des secteurs (tenant compte de facteurs tels que la volatilité des prix, les tensions géopolitiques et les stratégies nationales visant à renforcer l'autonomie stratégique) seront nécessaires pour mieux comprendre comment les chaînes de valeur mondiales peuvent se réorganiser en raison des MTC, et comment une telle réorganisation pourrait notamment avoir un impact sur les balances commerciales de différents pays.