Bulletin de la Banque de France

Les rachats à effet de levier : montages financiers risqués ou opportunités de développement pour les entreprises ?

Mise en ligne le 14 Octobre 2025
Auteurs : Lucille Collet

Bulletin no 260, article 4. Le marché des rachats à effet de levier (LBO, leveraged buy out) s’est beaucoup développé ces dernières années, porté par un coût du capital historiquement bas. La hausse récente des taux d’intérêt pourrait cependant dégrader la qualité des LBO existants. Ces montages financiers complexes reposent en effet sur la maximisation de l’effet de levier en finançant le rachat d’entreprises par un volume élevé de dette. Les LBO ont des effets controversés sur la performance des entreprises et leur santé financière. L’analyse des données d’endettement bancaire d’entreprises sous LBO et de leurs pairs conclut à une hausse de l’endettement bancaire et du risque de crédit des entreprises sous LBO. Cette dégradation de leur santé financière appelle à la vigilance des prêteurs et des régulateurs dans le contexte actuel de taux d’intérêt plus élevés.

image Image évolution lissée du taux de croissance de l'endettement bancaire des sociétés non financières autour d'une opération de LBO Thématique Investissement Catégorie Bulletin de la Banque de France
Sources : Eurosystème (base AnaCredit) ; calculs de l'autrice.

1 Le LBO, un financement complexe par la dette

Le LBO repose sur un montage financier complexe

Les leveraged buy out (LBO), ou rachats à effet de levier, sont des opérations de rachat d’entreprises financées par la dette. Les LBO consistent en des montages financiers complexes qui permettent de maximiser le contrôle par l’acquéreur en minimisant l’investissement. L’acheteur, souvent un fonds de capital investissement (mais pas uniquement), crée un véhicule, ou holding, dont il détient la majorité du capital. Cette holding acquiert ensuite l’entreprise cible en utilisant des prêts contractés auprès de banques (dette usuellement dite senior), de fonds de dette privée, ainsi que de la dette obligataire (dette usuellement dite junior). La dette contractée par la holding est plus ou moins risquée. Le LBO est caractérisé par le recours intensif à la dette, avec des emprunts qui représentent généralement entre 60 % et 90 % du financement du rachat (Kaplan et Strömberg, 2009). Les charges financières de la dette sont remboursées par les dividendes versés par l’entreprise cible (cf. schéma 1). Le LBO devient profitable lorsque les dividendes excèdent le coût du capital emprunté. L’effet de levier est donc central pour assurer la rentabilité du montage du point de vue de l’investisseur, qui n’a mobilisé que les fonds propres nécessaires à la constitution de la holding. Plus la part de la dette est importante dans le financement du rachat, plus l’investisseur bénéficie de l’effet de levier, dans la limite de la capacité de la cible à dégager suffisamment de dividendes pour honorer la charge de cette dette. Le LBO permet également aux investisseurs de bénéficier d’un effet de levier fiscal : la holding peut en effet déduire de l’impôt sur les sociétés les intérêts de l’emprunt. À la fin du cycle d’investissement, les entreprises sous gestion sont revendues soit au moyen d’une introduction en bourse (14 % des sorties en moyenne en Europe entre 2013 et 2023), soit d’un rachat par une entreprise (42 %), soit d’un rachat par un autre fonds de capital investissement (private equity [PE], 43 % – PitchBook, 2023).

Les LBO apparaissent dans les années 1970, alors que les conflits entre actionnaires et gestionnaires d’entreprises font débat aux États Unis. Les actionnaires s’inquiètent d’une dilution de leur pouvoir sur l’entreprise, sous l’effet de la multiplication du nombre d’actionnaires, du recours accru à des gestionnaires qui siègent en leur nom aux conseils d’administration et de conflits d’intérêts des dirigeants d’entreprises. …
 

Mise à jour le 14 Octobre 2025