1. Le dernier Rapport sur la Stabilité Financière vient d’être publié par la Banque de France, dans un contexte d’accroissement de l’instabilité géopolitique, économique et climatique à l’échelle internationale. Quels sont les principaux enseignements du rapport ?
Le maître mot de ce rapport est l’incertitude, qui découle notamment de l’imprévisibilité de la politique commerciale des États-Unis et d’un environnement géopolitique très dégradé. Dans ce contexte difficile, les marchés sont demeurés jusqu’à présent résilients. Pour autant, des ajustements désordonnés restent possibles, au détriment des actifs risqués, comme les marchés boursiers, qui demeurent fortement valorisés, en particulier aux États-Unis. La guerre commerciale déclenchée par les États-Unis est par ailleurs susceptible de fragiliser les acteurs non financiers, notamment les entreprises, quand bien même l’économie française est moins exposée au commerce transatlantique que d’autres économies européennes.
Le rapport revient également sur la situation toujours préoccupante des finances publiques et sur la nécessité de conforter la réduction du déficit budgétaire dans un contexte de croissance modérée.
Enfin, un chapitre thématique est spécifiquement dédié à l’évaluation du risque de correction des portefeuilles des institutions financières françaises dans le cadre des scénarios de transition bas-carbone. Il en ressort notamment que les investisseurs français sont exposés à un risque de correction modéré, mais néanmoins non négligeable, dans le cas où un scénario de transition désordonnée devait se concrétiser.
2. Quelles sont les principales sources de vulnérabilité identifiées concernant les systèmes financiers français et européens ? Qu’en est-il de la résilience des banques et assurances face à ces risques ?
Le système financier français demeure résilient. Les banques françaises peuvent s’appuyer sur un modèle d’affaires solide et diversifié, et voient leurs conditions de financement et leurs revenus s’améliorer. Le secteur de l’assurance, également robuste, affiche une solvabilité largement supérieure aux exigences réglementaires.
Le secteur financier reste néanmoins exposé à une détérioration de l’environnement macroéconomique et de la situation du secteur non financier.
Parmi les évolutions notables de ces dernières années, il faut souligner la montée en puissance des intermédiaires financiers non bancaires, notamment les hedge funds, de plus en plus actifs sur les marchés européens de dette souveraine.
Le développement rapide des stablecoins, encouragé par la nouvelle administration américaine — les deux principaux stablecoins sont adossés au dollar, et leurs réserves sont massivement investies en titres du Trésor américain à court terme — soulève de nombreuses questions de stabilité financière et de souveraineté monétaire.
Enfin, une vigilance particulière est maintenue à l’égard des risques structurels, tels que les risques cyber et climatique, ainsi que leur possible amplification. Les dynamiques à l’œuvre sont porteuses de risques potentiels, résultant par exemple de forts effets de levier ou d’asymétries de liquidité, ce qui milite pour la conception d’un cadre macroprudentiel adapté à l’échelle européenne.
3. La Banque de France et l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution représentent des acteurs clés dans le maintien de la stabilité financière. De quels leviers disposent-elles pour ce faire ?
La stabilité financière repose d’abord sur une réglementation et une supervision efficaces des banques, des assurances et des fonds d’investissement. Dans le domaine bancaire, le cadre dit Bâle III, élaboré après la crise de 2007-2008, a nettement renforcé les exigences de solvabilité et de liquidité.
En complément de la supervision microprudentielle de chaque établissement, les réflexions sur la surveillance macroprudentielle — en France, elle relève de la responsabilité du HCSF — ont gagné en maturité en Europe.
Cette approche systémique vise à préserver la stabilité du secteur financier dans son ensemble. L’intérêt croissant pour les exercices de stress tests dits « system-wide » illustre cette prise de conscience.
La Banque de France, l’ACPR et l’AMF lanceront prochainement un exercice pilote de ce type, qui permettra de mieux appréhender les interconnexions entre les acteurs du système financier et leur rôle dans la propagation d’un stress sévère sur les marchés.
Pour en savoir plus : Rapport sur la stabilité financière - Juin 2025