Billet de blog 413. Le droit de douane moyen (statutaire) appliqué par les États-Unis sur leurs importations a augmenté d’environ 14 points de pourcentage entre janvier et septembre 2025, pour un taux moyen compris entre 18% et 20% suivant le mode de calcul retenu. Ce niveau tient compte de l’ensemble des nouveaux droits de douane appliqués sur cette période, y compris les annonces du 1er août 2025, et des éventuelles exceptions. Il est comparable historiquement aux droits Smoot-Hawley de 1930. Le droit de douane moyen appliqué sur les importations depuis la France serait d’environ 11% en septembre 2025, contre 1,5% en janvier 2025, en cas d’application complète des engagements de l’accord commercial de l’Union européenne avec les États-Unis.
Une hausse inédite du protectionnisme américain depuis le 20 janvier 2025.
La hausse des droits de douane aux États-Unis depuis la prise de fonction du Président D. Trump le 20 janvier 2025 est inédite d’un point de vue historique, par son ampleur et la rapidité dans sa mise en œuvre. Elle s’inscrit dans la continuité du retour du protectionnisme américain, d’abord lors du premier mandat de Donald Trump dès 2017, puis sous la Présidence de Joe Biden. En septembre 2025, la hausse cumulée du taux moyen de droits de douane aux États-Unis atteignait 14 points de pourcentage (graphique 1). Cette hausse est obtenue en pondérant les nouveaux droits de douane mis en œuvre entre janvier et septembre 2025 par des poids d’importations des États-Unis des années 2023 et 2024 (années N-1 et N-2).
Graphique 1 : « Tariff tracker ». Entre janvier et septembre 2025, une hausse cumulée de 14 points de pourcentage du taux moyen de droit de douane des États-Unis.

Note : Chaque barre bleue se lit comme une contribution à la hausse du taux moyen du droit de douane aux États-Unis. La barre grise correspond à des hausses potentielles annoncées mais pas encore mises en œuvre (le graphique inclut un taux supplémentaire de 24 points de pourcentage pour la Chine le 9 novembre). Ces hausses ne tiennent pas compte du niveau de départ du droit de douane moyen des États-Unis en janvier 2025, raison pour laquelle l’axe vertical commence à 0. Il faut les lire comme des hausses de droits « statutaires », c’est-à-dire « officiels », qui peuvent être moindres en raison de possibles contournements et exemptions qui ne seraient pas pris en compte dans les calculs du tariff tracker.
Les hausses de droits de douane ont ciblé dès le mois de mars 2025 la Chine (+20 points de pourcentage, p.p., Graphique 1) ce qui s’est traduit par une augmentation de 2,5 points du taux moyen sur l’ensemble des importations des États-Unis, mais également le Canada (+35 p.p.) et le Mexique (+25 p.p.), sur fond d’accusations relatives au trafic de fentanyl. Les droits de douane ont ensuite concerné les importations d’acier et d’aluminium (deux vagues successives de +25 p.p.), ainsi que celles d’automobiles et de leurs intrants industriels (+25 p.p.). En août, de nouveaux droits de douane ont été annoncés pour les produits en cuivre (+50 p.p.), et la part de métaux dans la valeur de plus de 400 produits manufacturés. Enfin, des droits de douane dits « réciproques » (de +10 p.p.) ont été appliqués de manière symétrique sur les importations de tous les partenaires des États-Unis à compter du 5 avril, à l’exception du Canada et du Mexique, avant d’être augmentés à des taux hétérogènes entre pays (de +10 p.p. à +41 p.p.) à partir du 7 août. L’Inde et le Brésil ont également vu les droits de douane ciblant leurs exportations vers les États-Unis augmenter de 50 p.p.
Ces hausses cumulées de droits de douane tiennent compte des exemptions liées au respect des critères de contenu en valeur ajoutée inscrits dans l’accord commercial nord-américain (USMCA), des exemptions de droits sur le contenu en valeur ajoutée US dans les importations d’automobiles en provenance du Canada et du Mexique, des exemptions sur l’électronique, la pharmacie, ou l’aéronautique (dans le cadre de l’accord commercial avec l’Union européenne). Ces exclusions ont permis de limiter la hausse du coût supplémentaire portant sur les importations des États-Unis, et donc leur transmission dans les prix de production ou de détail.
Une incertitude subsiste néanmoins quant aux hausses de droits de douane potentiellement à venir. Une pause a été décrétée dans l’escalade tarifaire opposant les États-Unis et la Chine, jusqu’au 9 novembre. Cette incertitude sur les évolutions futures des droits de douane est illustrée dans la barre grise du graphique 1 : au-delà de la hausse de 14 p.p. depuis janvier 2025 (cumul des barres bleues), les droits de douane moyens des États-Unis pourraient augmenter de 2 p.p. supplémentaires, ce qui porterait la hausse cumulée à 16 p.p. en novembre 2025 en cas de mise en œuvre complète des droits réciproques annoncés.
Un niveau moyen de droits de douane « statutaires » aux États-Unis compris entre 18% et 20% (en septembre 2025), à comparer à un peu moins de 10% pour le taux moyen « effectif ».
La hausse des droits de douane aux États-Unis depuis le début de l’année 2025 met fin à une longue période de diminution des barrières aux échanges initiée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, résultat du multilatéralisme d’après-guerre. Les travaux de Douglas Irwin (Dartmouth College et Peterson Institute) montrent que les droits de douane américains (calculés sur les importations totales) ont déjà par le passé connu des niveaux très élevés : 29,6% en 1890 sous la présidence McKinley, ou 19,8% dans les années 1930 avec la loi dite Smoot-Hawley. Mais ils avaient ensuite été considérablement réduits dès la fin de la Seconde Guerre mondiale dans un contexte de renforcement du multilatéralisme.
Les données de l’US Census Bureau (courbe bleue dans le graphique 2) permettent de mesurer le niveau de protection en rapportant les recettes douanières aux importations totales, par produit et partenaire ou pour l’ensemble des importations américaines. Cette mesure correspond aux droits dits « effectifs », c’est-à-dire collectés dans les importations des États-Unis, par opposition aux droits dits « statutaires » ou « officiels » qui sont applicables de jure. Il s’agit donc d’une mesure ex post, après modification de la structure des importations liée à l’introduction des droits de douane. En 2017, le taux moyen effectif était historiquement faible, à 1,4%. En septembre 2025, ce taux atteint 9,7%.
Le niveau de protection « effective » dans les données du US Census permet de mesurer le risque de hausse sur les prix aux États-Unis à court terme. En revanche, il sous-estime le niveau de distorsions engendrées par les droits de douane pour plusieurs raisons. D’une part, le report de la consommation vers des produits et fournisseurs pas ou peu taxés conduit à minimiser le niveau de protection à l’échelle macroéconomique. Implicitement, le droit de douane effectif donne davantage de poids aux importations faiblement taxées ; il minimise le coût pour le consommateur (ou entreprises importatrices) qui doit allouer différemment sa consommation. D’autre part, des exemptions accordées à certains exportateurs peuvent diminuer le niveau du droit de douane effectif quand bien même ces exemptions sont associées à des coûts supplémentaires (administratifs) et engendrent des distorsions de concurrence entre entreprises. Enfin, le droit de douane effectif peut évoluer avec retard en cas d’implémentation progressive des nouvelles taxes par les autorités douanières.
Graphique 2 : Taux moyen des droits de douane appliqués par les États-Unis

Pour ces raisons, notre évaluation du niveau moyen de protection de l’économie américaine en 2025 repose sur des droits de douane « statutaires », pondérés par les flux moyens d’importation des années N-1 et N-2 afin d’atténuer l’impact des reports de consommation décrits plus haut. Notre calcul repose sur deux approches de pondération. L’une repose sur les droits appliqués sur la Chine et le reste du monde, et calculés par le Peterson Institute (PIIE, ici) en supposant les pondérations d’un groupe de pays de référence plutôt que les importations des États-Unis (ex. le poids de la Chine dans les importations mondiales). Cette approche aboutit à un niveau de protection plus élevé que dans les données du US Census en 2024 (taux moyen de 5,8% en 2024). En ajoutant la hausse cumulée des droits de douane depuis janvier 2025 issus du tariff tracker de la Banque de France, nous aboutissons en septembre 2025 à un niveau de droits de douane proche de 20% (triangles noirs dans le graphique 2).
Notre seconde approche (représentée dans le graphique 2 par les diamants rouges) utilise les données détaillées de droits de douane de la base MAcMap-HS6 du CEPII. Ces droits de douane, observés pour chaque produit et pays partenaire des États-Unis, sont ensuite pondérés par les flux d’importation des années N-1 et N-2, ce qui permet de tenir compte des changements structurels dans les importations (ex. baisse de la part de la Chine en raison de la fragmentation géo-économique). Nous obtenons un niveau initial de 4,1% en 2024. Le niveau de protection observé en septembre 2025 atteint 18,3% après empilement des hausses cumulées de droits de douane en 2025 enregistrées dans notre tariff tracker.
Une très forte hétérogénéité dans l’exposition au protectionnisme américain
Le niveau moyen de droits de douane appliqué à chaque pays partenaire des États-Unis est très hétérogène (graphique 3). Ces différences ont deux origines : les différences de taux entre pays pour un même bien, et les différences de composition sectorielle des exportations. Sur le premier point, la Chine a été ciblée par des hausses spécifiques de droits de douane dès 2017. Sur le deuxième point, et même avant 2025, les États-Unis protègent certains secteurs, comme le textile ou l’agriculture, plus que d’autres - au détriment de certains exportateurs comme l’Indonésie ou le Vietnam. De plus, depuis janvier 2025, certains secteurs, comme l’acier, l’aluminium, ou l’automobile, ont été fortement ciblés par les hausses de taxes sur les importations.
Au final, sur une base de droits de douane statutaires pondérés par les importations (par produits et pays partenaires) en années N-1 et N-2, les droits de douane appliqués par les États-Unis sur les importations depuis la Chine atteindraient 45% en septembre 2025. En Europe, ils seraient proches de 13% pour l’Italie, et 11% pour l’Allemagneet la France. Enfin, les exportateurs d’électronique, semi-conducteurs (Taiwan, Singapour) ou pharmacie (Irlande), seraient plus faiblement impactés par les hausses de droits de douane en raison des exemptions sur ces produits.
Cette évaluation reste néanmoins évolutive en raison des incertitudes persistantes sur la politique commerciale américaine, y compris à l’issue des annonces du 1er août 2025 et des accords commerciaux signés au cours de l’été.
Graphique 3 : taux moyens des droits de douane appliqués par les États-Unis, par pays d’origine.

Note : données de droits de douane statutaires (CEPII-MAcMapHS6) en 2024 et tariff tracker de la Banque de France en 2025. Pondération par les poids d’importation des produits et partenaires, années N-1 et N-2.
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Mise à jour le 26 Septembre 2025