Une littérature empirique importante a décrit les caractéristiques d’ajustement des prix aux États-Unis comme dans la zone euro. Deux faits saillants de la dynamique microéconomique des prix sont souvent décrits. Tout d’abord, les prix sont rigides au sens où la fréquence des changements de prix est faible (en particulier si on exclut les changements de prix liés aux soldes). Deuxièmement, l’hétérogénéité entre produits est marquée: les changements de prix sont plus fréquents pour les produits de l’énergie que pour les services. Une question qui reste cependant ouverte est celle de savoir si ces caractéristiques décrivant la dynamique des prix reflètent des différences dans la nature des frictions liées aux changements de prix ou des différences sur les chocs affectant les secteurs. Cette étude présente de nouveaux résultats sur la pertinence empirique des rigidités de prix généralement retenues dans les modèles macroéconomiques et sur l’origine des différences sectorielles de rigidité observée des prix. Nous dérivons aussi dans cette étude les implications macroéconomiques de nos résultats en particulier pour les effets réels de la politique monétaire.
Pour ce faire, nous utilisons un modèle structurel de coût de menu à plusieurs secteurs. Ce modèle est suffisamment flexible pour avoir pour cas particulier le modèle standard de coût de menu fixe et le modèle de Calvo où la rigidité de prix est exogène. À l’aide de ce modèle et d’une technique d’estimation par minimum distance, nous estimons la valeur du coût d’ajustement, de la composante Calvo (i.e. la probabilité de tirer une opportunité gratuite de changer de prix) et des paramètres caractérisant la variance et la persistance du choc de productivité au niveau du produit. Nous estimons le modèle pour plus de 200 produits de l’IPC français. Les moments empiriques sont obtenus en utilisant une très grande base de données de plus de 25 millions de relevés de prix à la consommation. Le modèle en équilibre général nous permet de simuler la réponse de l’économie à un choc monétaire et d’évaluer le degré de non-neutralité monétaire. Nous comparons la réponse agrégée pour différents modèles estimés (modèle à un secteur représentatif vs à plusieurs secteurs, menu-cost augmenté vs Calvo vs cout de menu standard) et nous comparons les réponses du produit à un choc monétaire pour la France et les États-Unis.
Nos principaux résultats sont les suivants:
- Le degré d’hétérogénéité entre produits est important pour tous les paramètres structurels.
- La composante Calvo joue un rôle crucial pour reproduire les caractéristiques des données et est la source principale de rigidité des prix. La composante « coût de menu » contribue seulement partiellement à la rigidité des prix observée. L’hétérogénéité entre secteurs sur la composante Calvo explique une grande partie de l’hétérogénéité de la fréquence des changements de prix.
- L’hétérogénéité entre produits compte pour la politique monétaire: le degré de non-neutralité de la politique monétaire est plus important dans un modèle à plusieurs secteurs que dans un modèle à un seul secteur représentatif calibré sur les mêmes moments moyens. Cependant, un modèle à un seul secteur calibré sur les moments médians permet de générer le même degré de non-neutralité qu’un modèle à plusieurs secteurs.
- Un modèle à trois secteurs (énergie, services et biens manufacturés) peut générer le même degré de non-neutralité de la monnaie qu’un modèle avec beaucoup plus de secteurs. Nos résultats suggèrent aussi que l’amplification de la non-neutralité due à l’hétérogénéité entre produits vient principalement de l’hétérogénéité sur la composante de Calvo.
- À partir de modèles estimés sur des moments comparables pour les États-Unis et la France et en supposant que les paramètres agrégés (i.e. les paramètres autres que ceux caractérisant la productivité et les frictions liées à l’ajustement des prix) sont les mêmes, le degré de non neutralité de la monnaie est très similaire dans les deux économies.