Bulletin de la Banque de France

Chocs économiques et ajustements salariaux

Mise en ligne le 8 Septembre 2020
Auteurs : Clémence Berson

Bulletin n°231, article 1. De quelle façon les entreprises européennes ont-elles réagi au choc de demande lors de la crise européenne de la dette souveraine ? C’est la question à laquelle le présent article tente de répondre, en s’appuyant sur deux études récentes utilisant une enquête menée auprès d’entreprises de 25 pays de l’Union européenne et portant sur la période 2010-2013. Il ressort principalement de ces études que les entreprises sont confrontées à des rigidités à la baisse des salaires de base nominaux, avec pour corollaire une augmentation des licenciements lors d’un choc de demande négatif. En outre, les entreprises préfèrent généralement adapter les composantes variables des salaires lorsque cela est possible, ce qui confère à celles-ci le rôle d’amortisseur pendant cette période. Le confinement instauré dans quasiment tous les pays européens face à la pandémie de Covid-19 a provoqué simultanément un choc de demande et un choc d’offre. En conséquence, la relation entre l’emploi et les salaires pourrait être différente de celle observée en 2013 en présence d’un seul choc de demande.

Image Part d'entreprises ayant gelé les salaires de 2010 à 2013 Description Le graphique présente la part d'entreprises ayant gelé les salaires de 2010 à 2013. Note : Les données sont pondérées pour refléter l'emploi global dans le pays. Sources : Enquête Wage Dynamics Network 3 (WDN 3), calculs de l'auteur. Chiffres clés :  5% : la proportion des entreprises européennes ayant réduit les salaires de base sur la période 2010-2013. 74% : la proportion des entreprises européennes ajustant d'autres composantes salariales que le salaire de base. 7% : la proportion moyenne du salaire hors base dans la rémunération totale versée par les entreprises européennes.

1. Ajustement du coût du travail lors des chocs

Les données microéconomiques sur les variations salariales et les résultats d’enquêtes sur la fixation des salaires ont révélé que, si les salariés sont réticents à accepter des réductions de leurs salaires nominaux, les entreprises semblent également réticentes à procéder à de telles réductions, même en présence de chocs négatifs importants. Ces baisses de salaire sont en effet susceptibles de démotiver le personnel et d’entraîner une baisse de productivité et une hausse des démissions (cf. par exemple : Stiglitz, 1974 ; Solow, 1979 ; ou, plus récemment, Du Caju et al., 2015, étude qui tient compte des résultats de la première vague de l’enquête discutée dans cet article). Le degré de rigidité à la baisse des salaires nominaux détermine, entre autres facteurs, la rapidité, la nature et le coût de la réponse des entreprises à des chocs économiques. L’importance de la rigidité à la baisse des salaires nominaux dépend des leviers d’ajustement des coûts salariaux, autres que les salaires de base, dont disposent les entreprises en cas de besoin. À cet égard, elles ont recours à différentes combinaisons de systèmes de rémunération et d’incitation. Si les salaires de base ou négociés se caractérisent généralement par une rigidité à la baisse, elles peuvent les ajuster en utilisant d’autres composantes de la rémunération – peut-être moins importantes ou ayant moins de visibilité pour les salariés que les salaires de base. Réduire l’emploi est également une solution possible pour réduire les coûts, notamment en cas de rigidité à la baisse des salaires nominaux. Ces considérations amènent à réfléchir à la manière dont les entreprises ajustent leurs salaires, à partir des données recueillies par les enquêtes consacrées à ces questions.

À cet égard, une enquête menée auprès d’entreprises de 25 pays de l’Union européenne (UE) dans le cadre de la troisième vague du réseau sur les dynamiques salariales (Wage Dynamics Network, WDN) fournit un ensemble de données particulièrement pertinentes. Ce réseau de recherche de l’Eurosystème, créé en 2006, a été réactivé en 2013 afin d’évaluer les ajustements du marché du travail sur la période 2010-2013 (cf. encadré). Ces années, qui suivent la Grande Récession de 2008, ont été marquées dans l’UE par la crise de la dette souveraine, qui a touché les pays de manière très diverse. En effet, à la suite de la crise financière, le PIB des membres de l’UE a chuté de 4,3 % en 2009, avec de fortes disparités d’un pays à l’autre.

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Mise à jour le 25 Juillet 2024