1. Les enjeux de l’harmonisation des régimes d’insolvabilité
L’élaboration d’un droit de l’insolvabilité conforme aux meilleurs standards internationaux est devenue un enjeu majeur de l’attractivité économique. L’objectif est en particulier d’éviter que des ressources soient immobilisées dans des activités à faible productivité, alors qu’elles pourraient être utilisées plus efficacement par des entreprises innovantes ou mieux gérées (OCDE, 2019). Pour ce faire, il convient de raccourcir les délais, de minimiser les frais et de maximiser la valeur de l’entreprise en difficulté (dans une optique de retournement). La création de standards communs est également essentielle pour abaisser les obstacles aux investissements transfrontaliers et contribuer ainsi à une meilleure allocation des capitaux. Du fait de l’intégration au sein d’un marché intérieur commun, cette préoccupation s’est toujours avérée prégnante dans l’Union européenne (UE). La volonté d’harmoniser le droit européen de l’insolvabilité y est ancienne : son évocation a longtemps pu susciter le scepticisme tant cette perspective semblait inatteignable.
Pourtant, le mouvement de convergence des législations nationales amorcé par la signature de la convention de Bruxelles du 23 novembre 1995 est bien en marche ; il s’est même accéléré ces dernières années, dans le cadre de l’Union des marchés de capitaux et de l’Union bancaire. L’adoption en 2019 de la directive « Restructuration et insolvabilité » – complétée, le 7 décembre 2022, par la publication d’une nouvelle proposition de directive visant à harmoniser et à améliorer certains aspects du droit de l’insolvabilité (délais, montants recouvrés, équité et prévisibilité des procédures) – en témoigne.
D’abord dicté uniquement par des considérations de rapprochement des droits civils nationaux – considérés comme l’indispensable corollaire à la mise en place d’un marché unique fondé sur la liberté de circulation des biens, des personnes, des capitaux et des services –, le mouvement de convergence vise désormais aussi à la réalisation de ce bien commun qu’est la stabilité macroéconomique et financière.
2. Une harmonisation favorisée par le recul progressif des obstacles conceptuels traditionnels
L’harmonisation a longtemps été jugée impossible à réaliser dans l’UE en raison des divergences majeures entre les législations nationales. L’obstacle était d’ordre conceptuel en raison de la coexistence en Europe de deux familles de droits qui, historiquement, assignent aux procédures collectives des finalités divergentes. D’un côté, le droit continental, relativement fragmenté est historiquement davantage tourné vers la sanction du débiteur (sanctions pénales, interdiction d’exercer à la suite d’une faillite, etc.) et l’apurement du passif, à travers une procédure très largement judiciarisée.
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