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Communiqués Banque de France

L’impact de la crise du Covid-19 sur la situation financière des ménages et des entreprises

L’impact de la crise du Covid-19 sur la situation financière des ménages et des entreprises :

à fin avril 2020, le surplus d’épargne financière des ménages atteint déjà près de 55 milliards, tandis que les entreprises recourent fortement à l’endettement pour faire face à leurs besoins à venir de trésorerie

 

Cette note propose une mise à jour de notre première photographie à fin mars de la situation financière des ménages et des entreprises à partir des statistiques monétaires et financières mensuelles . En complément des données mensuelles habituelles, ici mars et avril, la Banque de France propose également un indicateur de la tendance hebdomadaire, bâti grâce à la collaboration des établissements de crédit, dont les derniers chiffres sont arrêtés au 15 mai. Les faits marquants se résument ainsi :

Du côté des ménages, la détention de numéraire et de dépôts bancaires se renforce en avril (+26,6 milliards d’euros), tandis que les crédits à l’habitat comme à la consommation diminuent légèrement (-1,8 milliard d’euros pour les premiers, -2,4 milliards d’euros pour les seconds). Sous réserve des mouvements des placements financiers non bancaires, les flux nets d’épargne financière des ménages (calculés comme la différence entre les flux nets de placements et les flux nets de dettes) seraient, en cumul sur mars-avril, supérieurs d’environ 55 milliards d’euros à leur tendance habituelle.

Du côté des sociétés non financières, la dynamique du financement bancaire ne faiblit pas, avec plus de 25 milliards d’euros de crédits supplémentaires par rapport à mars, soit plus de 60 milliards sur les deux derniers mois. Contrairement à ce qui a pu être observé en mars, le financement bancaire se trouve accompagné en avril par le financement de marché qui a nettement repris (+33,3 milliards en avril, après -2,4 milliards en mars). Ainsi, au total, la dette des sociétés non-financières progresse de 58,6 milliards d’euros en avril après 32,7 milliards en mars soit un peu plus de 90 milliards en cumulé. Ce flux global d’endettement correspond peu ou prou à celui des dépôts, en particulier des dépôts à vue (+44,5 milliards d’euros pour ces derniers). Ceci reflète vraisemblablement le comportement de précaution des entreprises en matière de trésorerie en anticipation des décaissements à venir.

 

1 – Les dépôts et crédits des ménages
 

Les dépôts à vue des ménages – incluant les entrepreneurs individuels – progressent de 13,6 milliards d’euros en avril, après plus de 14 milliards en mars, soit 27,7 milliards sur deux mois. L’encours de comptes rémunérés, largement représentatifs de l’épargne réglementée (livret A, LDDS) croît nettement aussi (11,5 milliards en avril après 5,8 milliards en mars) et le flux atteint en cumul 17,3 milliards sur mars-avril. Le total du numéraire et des dépôts bancaires augmente ainsi de 26,6 milliards en avril, après 22,2 milliards en mars. En écart à sa tendance, le surplus de numéraire et dépôts s’établit à 15,7 milliards en mars et à 20,1 milliards en avril, soit un surcroit de 35,8 milliards sur la période mars-avril qui couvre six semaines de confinement. La première tendance pour les 15 premiers jours de mai fait état d’un léger reflux des dépôts, à l’instar de ce qui avait été observé les deux premières semaines d’avril : -0,2 milliard d’euros, avec un arbitrage entre dépôts à vue (-2,6 milliards d’euros) et dépôts rémunérés (+2,4 milliards d’euros).
 

Les flux nets de crédit des ménages deviennent négatifs en avril (-4,2 milliards d’euros), après une quasi-stabilité en mars à -0,3 milliard d’euros. Cette contraction signifie que les montants remboursés par les clients bénéficiaires de crédits dans le passé l’emportent sur les nouveaux prêts. Toutefois, l’activité d’octroi de nouveaux prêts s’est poursuivie à un rythme ralenti. L’encours des crédits à la consommation continue de diminuer (-2,4 milliards d’euros, après -1,4 milliard en mars), conséquence d’une consommation de biens durables (électroménager, automobiles) en berne. De même, les flux nets de crédit à l’habitat se sont réduits (-1,8 milliard), les transactions immobilières ayant été très fortement ralenties. Cette tendance se poursuit sur les 15 premiers jours de mai. Le flux des crédits bancaires est inférieur à sa tendance pour 6,9 milliards en mars et 10,8 milliards en avril soit 17,7 milliards en cumul sur deux mois, et autant de liquidités en moins sur le compte des ménages. On observe par ailleurs un recours inhabituel à la renégociation des crédits à la consommation : 14 % des crédits produits en mars 2020 (dernier point disponible) n’étaient pas liés à une production nouvelle, mais à des renégociations d’encours existant 2, contre moins de 10 % habituellement observés en mars – une situation qui devrait se prolonger en avril. Cela traduit la mise en place de moratoires de crédits, libérant ainsi des marges temporaires de trésorerie pour les consommateurs.

 

Au total, hors placements non bancaires, le surplus d’épargne financière nette des ménages (numéraire + dépôts

– crédits) était de 22,5 milliards en mars et continuerait d’augmenter en avril pour atteindre 31 milliards, soit 53,5 milliards en cumul.
 

2 - Les dépôts et l’endettement des sociétés non-financières

Les crédits bancaires aux entreprises progressent à nouveau fortement : +25,3 milliards d’euros en avril (à comparer à 4,5 milliards observé en moyenne entre janvier 2017 et février 2020) dont 19,1 milliards d’euros pour les crédits dits « de trésorerie » (après 27,3 milliards en mars). La progression sur la première quinzaine de mai est très forte puisqu’on enregistre déjà un flux de 32,7 milliards.

Plusieurs facteurs contribuent à cette hausse continue des flux nets de crédits bancaires :

 

  • la mise en œuvre des Prêts Garantis par l’Etat - PGE -, dont l’encours accordé atteint 53,4 milliards fin avril ;

 

  • les remboursements de prêts ont été très faibles – à des niveaux rarement observés -, en raison des différés convenus entre les banques et leurs clientèles.

Les émissions nettes de dettes sous forme de titres de créance, après avoir été négatives de 2,4 milliards en mars, ont fortement repris en avril (33,3 milliards), à la fois pour les titres à moins d’un an et ceux à plus d’un an. Ceci reflète la stabilisation observée des marchés de dettes en zone euro, à la suite notamment des actions de l’Eurosystème sur les marchés des billets de trésorerie et des obligations.

Ainsi, l’endettement total des sociétés non-financières a progressé de 58,6 milliards d’euros en avril après une hausse de 32,7 milliards en mars.
 

Parallèlement, les dépôts des entreprises françaises auprès du système bancaire ont augmenté de 40,6 milliards en avril après 41,1 milliards en mars, à comparer à un flux moyen de 3,4 milliards de janvier 2017 à février 2020. Comme en mars, l’essentiel de cette hausse vient des dépôts à vue (+ 44,5 milliards en avril, après 40,4 en mars et une moyenne de 3,5 milliards entre 2017 et 2019). Au cours des quinze premiers jours de mai, les sommes déposées par les entreprises en dépôts à vue atteignent déjà 33,5 milliards.

Au total, sur les deux mois mars-avril, les dépôts ont augmenté de 81,6 milliards et la dette de 91,6 milliards. Cette envolée conjointe des dépôts et de l’endettement des sociétés non financières peut s’expliquer par le mécanisme selon lequel « la dette fait des dépôts ». Les entreprises ont anticipé une chute prolongée de leurs ventes pendant et après confinement. Dans le même temps, elles font face à des besoins de trésorerie pour couvrir le paiement de leurs charges fixes et régler les échéances liées à leurs transactions commerciales passées ou en cours (paiement de leurs fournisseurs, paiement des salariés pour la part non prise en charge par l’État dans le cadre du dispositif de financement du chômage partiel, etc.). Ainsi, pour sécuriser leur trésorerie, elles ont largement emprunté, et la hausse de leurs dépôts représente dans une large mesure le décalage temporel entre la réception des fonds empruntés et leurs décaissements à venir.
 

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L’impact de la crise du Covid-19 sur la situation financière des ménages et des entreprises
  • Publié le 29/05/2020
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