Compte rendu de la réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne qui s’est tenue à Francfort-sur-le-Main le mardi 3, le mercredi 4 et le jeudi 5 juin 2025

Réunion des 3, 4 et 5 juin 2025

Mise en ligne le 3 Juillet 2025

1. Examen des évolutions financières, économiques et monétaires et des options possibles de politique monétaire

 

Evolutions sur les marchés financiers

Mme Schnabel a commencé sa présentation en indiquant que le narratif sur les marchés financiers restait instable. Depuis janvier 2025, le sentiment des marchés a fluctué entre une confiance élevée dans l’exceptionnalisme américain et les anticipations d’une récession mondiale qui prévalaient au moment de la précédente réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs des 16 et 17 avril, avant un retour à l’optimisme des investisseurs. Ces évolutions se sont reflétées dans de fortes fluctuations des marchés d’actifs de la zone euro, qui se sont désormais largement redressés après le choc déclenché par l’annonce de droits de douane faite par les États-Unis le 2 avril. Dans ce contexte, les mesures de la compensation de l’inflation extraites des instruments de marché ont légèrement augmenté sur les différentes échéances depuis la précédente réunion de politique monétaire. La trajectoire de l’inflation intégrée dans les prix est actuellement proche de 2 % à moyen terme, avec un fléchissement temporaire au-dessous de 2 % prévu pour début 2026, principalement en raison d’effets de base liés à l’énergie. Néanmoins, les anticipations relatives à la politique monétaire de la BCE ne se sont pas redressées et restent proches des niveaux observés immédiatement après le 2 avril.

La volatilité des marchés financiers a rapidement baissé après le pic enregistré début avril. La volatilité des marchés d’actions a fortement augmenté dans la zone euro et aux États-Unis en réaction à l’annonce relative aux droits de douane faite par les États-Unis le 2 avril, atteignant des niveaux observés pour la dernière fois au moment de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 et du choc de la pandémie de COVID-19 en 2020. Toutefois, comparativement à ces chocs, la volatilité a diminué nettement plus vite, renouant avec ses niveaux moyens post-pandémiques. 

La baisse de la volatilité s’est reflétée dans un rebond marqué des prix des actifs sur l’ensemble des compartiments de marché. Dans la zone euro, les actifs risqués se sont largement redressés après les lourdes pertes subies à la suite de l’annonce du 2 avril relative aux droits de douane. À l’inverse, certains compartiments de marché américains, notamment le dollar et les bons du Trésor, n’ont pas complètement effacé leurs pertes. Les hausses de prix les plus fortes ont été observées pour le bitcoin et l’or. 

Deux principaux facteurs sont à l’origine du redressement des marchés d’actifs risqués de la zone euro et de la surperformance des actifs de la zone euro par rapport aux actifs américains. Le premier facteur tient à la réévaluation des perspectives macroéconomiques à court terme pour la zone euro depuis la précédente réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs. Les données macroéconomiques pour la zone euro comme pour les États-Unis ont récemment surpris à la hausse, démentant la perspective d’une récession menaçant les deux régions. Les prévisions de Consensus Economics relatives à la croissance du PIB en volume de la zone euro en 2025, qui avaient été révisées à la baisse après l’annonce de droits de douane en avril, ont progressivement été révisées de nouveau à la hausse, l’impact économique potentiel des droits de douane étant actuellement jugé moins sévère que ce qui avait initialement été intégré dans les prix. Les anticipations de croissance pour 2026 demeurent nettement supérieures aux prévisions de 2025. En revanche, les anticipations relatives à la croissance aux États-Unis pour 2025 et 2026 ont été bien plus fortement révisées à la baisse, ce qui suggère que la croissance économique aux États-Unis serait plus durement touchée par les droits de douane que la croissance dans la zone euro. 

Le second facteur qui a soutenu les prix des actifs de la zone euro ces derniers mois relève d’une préférence croissante des investisseurs mondiaux pour une diversification internationale plus large au détriment des États-Unis. Les données provenant des fonds d’actions suggèrent que la zone euro tire profit du rééquilibrage des portefeuilles internationaux des investisseurs mondiaux. 

L’attractivité croissante des actifs libellés en euros sur l’ensemble des compartiments de marché s’est reflétée dans les récentes évolutions du taux de change. Depuis le choc sur les droits de douane d’avril, le taux de change EUR/USD s’est découplé des différentiels de taux d’intérêt, en partie en raison d’une modification du comportement en matière de couverture. Historiquement, l’euro se déprécie vis-à-vis du dollar lorsque la volatilité sur les marchés des changes s’accroît. Ces trois derniers mois, toutefois, il s’est apprécié vis-à-vis du dollar lorsque la volatilité s’est accentuée, suggérant que l’euro, plutôt que le dollar, a récemment servi de valeur refuge. 

La surperformance des marchés de la zone euro par rapport aux autres économies ressort le plus clairement des prix des actions. Les actions de la zone euro ont continué d’afficher des performances supérieures non seulement à celles des actions des États-Unis, mais aussi par rapport aux indices boursiers d’autres grandes économies, notamment le Royaume-Uni, la Suisse et le Japon. L’indice DAX allemand a tiré le redressement de la zone euro et dépassé les niveaux antérieurs aux annonces relatives aux droits de douane pour atteindre un nouveau record, sous l’effet des anticipations d’un renforcement de la dynamique de croissance après l’annonce de mesures budgétaires par l’Allemagne en mars. S’agissant des facteurs à l’origine des évolutions des marchés d’actions de la zone euro, une divergence a pu être observée entre les anticipations de croissance des bénéfices à court et à long terme. Alors que pour les 12 prochains mois, les prévisions de croissance des bénéfices des entreprises de la zone euro ont été révisées à la baisse depuis l’annonce relative aux droits de douane, pour les trois à cinq prochaines années, les analystes continuent de réviser à la hausse les prévisions de croissance des bénéfices. Cela pourrait s’expliquer par la combinaison d’un effet modérateur à court terme exercé par les droits de douane et d’une impulsion positive à long terme liée à la politique budgétaire. 

Le redressement du sentiment à l’égard du risque s’est également manifesté sur les marchés des obligations d’entreprises. Les écarts de rendement des obligations des sociétés non financières de la zone euro à rendement élevé (high-yielding) ont largement inversé le pic déclenché par l’annonce de droits de douane faite en avril. Cela suggère que l’incertitude accrue en matière de politiques commerciales n’a pas eu d’impact durable sur les conditions de financement des entreprises de la zone euro. Malgré des coûts de financement comparables des deux côtés de l’Atlantique, lorsque l’on prend en compte les coûts de couverture du risque de change, les entreprises américaines se tournent de plus en plus vers le financement en euros, ce qui souligne l’attractivité croissante de cette monnaie. 

La capacité de résistance des marchés d’obligations d’État de la zone euro a été remarquable. L’écart de rendement entre les obligations souveraines de la zone euro et les taux des swaps au jour le jour (OIS) s’est resserré sensiblement depuis l’annonce relative aux droits de douane en avril. Historiquement, pendant les périodes d’aversion au risque, les écarts de rendement des swaps sur actifs des administrations publiques de la zone euro pondérés du PIB ont tendance à s’élargir. Toutefois, pendant la dernière période d’aversion au risque, la réaction de la courbe des rendements souverains de la zone euro pondérés du PIB ressemblait à celle du Bund allemand, la valeur refuge traditionnelle.

Une décomposition des taux OIS de la zone euro et des États-Unis montre que, aux États-Unis, la hausse des taux OIS à long terme est imputable à une forte augmentation des primes de terme, tandis que les anticipations de réductions des taux directeurs se sont inscrites en baisse. Dans la zone euro, la diminution des taux OIS à deux ans s’explique entièrement par les anticipations d’une baisse des taux directeurs, alors que pour les taux à long terme, la prime de terme a aussi légèrement diminué. Par conséquent, la réévaluation des anticipations relatives à la politique monétaire ne constitue pas le principal facteur à l’origine de la dynamique divergente des taux d’intérêt de part et d’autre de l’Atlantique. Le déterminant-clef a plutôt été une divergence des primes de terme.

Mise à jour le 3 Juillet 2025