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- 30 ans de lutte contre le surendettement
Source : Banque de France
1990-2002 : le temps de la conciliation et du rééchelonnement
En tant que fait social, le surendettement s’est développé à la fin des années 1980 suite à la levée de l’encadrement du crédit dans un contexte de forte croissance du crédit à la consommation.
En France, la lutte contre le surendettement a réellement débuté en 1990, avec la loi Neiertz n°89-1010 du 31 décembre 1989. La procédure avait deux objectifs : éviter que les personnes surendettées ne sombrent dans la précarité et permettre aux créanciers de recouvrer tout ou partie des sommes dues.
Cette loi, tout en créant un fichier recensant les incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), instituait une procédure collective tendant à traiter globalement les situations de surendettement des particuliers. De nature administrative pour la recherche d'une solution amiable dans un premier temps, cette procédure devenait judiciaire dans un second temps, le juge pouvant imposer aux créanciers ainsi qu'au débiteur un plan de redressement comprenant notamment la possibilité de rééchelonner les dettes pour en permettre le remboursement.
La procédure a ensuite été régulièrement adaptée afin de tenir compte des difficultés qui sont apparues dans sa mise en œuvre.
L'engorgement des juridictions chargées d'établir les plans de redressement, combiné à un taux d’échec élevé de la conciliation, ont conduit le législateur à réviser une première fois le dispositif initial en renforçant les prérogatives des commissions départementales de surendettement (loi n° 95-125 du 8 février 1995).
La dualité des procédures de règlement amiable et de règlement judiciaire civil a été abandonnée au profit d'une procédure en trois étapes : une phase amiable de réaménagement des dettes, en cas d'échec une phase de recommandations en vue de l'apurement du passif, puis une phase de contrôle des décisions de la commission par le juge de l’exécution. Le dispositif privilégiait le règlement des créanciers, le cas échéant avec un échéancier établi sur une durée relativement longue, non limitée, mais sans distinguer les situations dans lesquelles le débiteur n'avait aucune faculté de remboursement.
Le législateur a en conséquence adopté la loi n° 98-657 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, du 28 juillet 1998. Ce texte introduit la faculté, pour la commission de surendettement, de recommander la suspension de l'exigibilité des créances autres qu'alimentaires ou fiscales pour une durée maximale de trois ans, en l'absence de ressources ou de biens saisissables de nature à permettre d'apurer tout ou partie des dettes du débiteur. Si, à l'issue de ce moratoire, le débiteur reste insolvable, la commission peut recommander, par avis spécial et motivé, l'effacement total ou partiel des créances autres qu'alimentaires ou fiscales.
Alors que 90 000 dossiers avaient été déposés en 1990, le nombre annuel de dossiers déposés s’est ensuite stabilisé en-dessous de 70 000 jusqu’en 1995, avant de progresser régulièrement à partir de 1996 pour se stabiliser entre 1999 et 2002 juste sous la barre des 150 000 dossiers. Au total, sur la période 1990-2002, un peu plus de 1,3 million de dossiers ont été déposés.
2003-2010 : trouver plus rapidement une solution adaptée grâce à la mise en place du rétablissement personnel et au renforcement du rôle des commissions
Au tournant des années 2000, la physionomie du surendettement des particuliers change. Alors qu’il concernait principalement jusqu’alors des ménages endettés en raison d’un excès de dépenses et de crédits à la consommation, le surendettement apparaît de plus en plus souvent subi, survenant à la suite d’une rupture dans la situation familiale ou professionnelle, frappant des personnes ayant perdu leur emploi et des ménages aux ressources insuffisantes pour faire face à l’ensemble de leurs charges courantes. Cette évolution rend le dispositif de traitement du surendettement mis en place en 1998 de plus en plus inadapté aux situations les plus difficiles.
En 2003, dans ce nouveau contexte, le Gouvernement a souhaité introduire un nouveau mécanisme d'effacement des dettes du débiteur, parallèlement à la procédure existante. La loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine crée une procédure nouvelle dite de « rétablissement personnel ». Cette dernière s’inspire de la procédure de faillite civile applicable dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de Moselle depuis 1924 et donne aux particuliers la possibilité de voir leurs dettes effacées, apportant ainsi des solutions nouvelles et une véritable seconde chance à de nombreuses personnes. Contrairement à la démarche suivie pour les commissions de surendettement, cette procédure repose exclusivement sur le juge de l'exécution. Ce choix est inspiré des dispositions régissant les procédures collectives alors applicables aux commerçants, artisans et agriculteurs.
Sur divers aspects, la loi modifie également le dispositif en vigueur. Elle limite notamment à huit ans la durée du plan de redressement amiable (sous réserve de son renouvellement pour deux années années supplémentaires) et permet dorénavant l'effacement des dettes de nature fiscale ou parafiscale et des dettes contractées envers les organismes de sécurité sociale.
Source : Banque de France
Depuis, les dispositions sur le traitement des situations de surendettement – qu'il s'agisse de la procédure devant les commissions de surendettement ou de la procédure de rétablissement personnel – ont fait l’objet d’adaptations régulières :
- le remboursement des créances des bailleurs devient prioritaire par rapport aux créances détenues par les établissements de crédit et aux crédits à la consommation (loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale) ;
- la saisine du juge aux fins de rétablissement personnel emporte suspension automatique des voies d'exécution, y compris des mesures d'expulsion du logement du débiteur, jusqu'au jugement d'ouverture. Par ailleurs, le juge peut désormais prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif dès lors que celui-ci n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés (loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable) ;
- la possibilité est offerte au juge de l'exécution, dès l'audience d'ouverture de la procédure de rétablissement personnel, de procéder par un même jugement à l'ouverture et à la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif (loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007) ;
- le bénéfice de la procédure est étendu aux débiteurs de bonne foi lorsque l'impossibilité manifeste de rembourser leurs dettes résulte d'un engagement de cautionnement ou d'acquittement solidaire de la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société (loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie).
Face au flux grandissant de dossiers entre 2003 et 2010 (plus de 1,5 million de dossiers déposés, dont plus du tiers étaient des redépôts) et en dépit des multiples améliorations apportées durant cette période, une réflexion de plus grande ampleur a été engagée pour renforcer l’efficacité des dispositifs légaux en vigueur.
2011 – 2020 : le surendettement recule fortement et se concentre sur les populations les plus fragiles, avec une réglementation du crédit plus protectrice et l’accent mis sur la prévention, la recherche de solutions pérennes et la simplification de la procédure pour une efficacité accrue
La loi n° 2010-737, portant réforme du crédit à la consommation, dite loi Lagarde, est d’abord une loi de portée générale visant à protéger les consommateurs des abus et des excès de crédit à la consommation. Les organismes de crédit sont davantage responsabilisés et leurs obligations renforcées : obligation de proposer le paiement au comptant, puis un choix entre crédit renouvelable et amortissable (pour tout crédit supérieur à 1000 euros) ; vérification de la solvabilité des emprunteurs, consultation du FICP…
Concernant la procédure de surendettement, la loi Lagarde réduit de 8 à 5 ans la durée du fichage au FICP et de 10 à 8 ans la durée maximale des plans de rééchelonnement de dettes. La commission de surendettement a désormais un délai maximum de trois mois pour proposer une solution aux débiteurs. La loi Lagarde rend illégale la clôture des comptes bancaires au seul prétexte que le titulaire est surendetté. Le consommateur surendetté est mieux accompagné, l’information est plus transparente.
La loi bancaire de 2013 s’est fixé pour objectif d’améliorer la procédure de surendettement et de mieux protéger les ménages concernés, notamment le maintien dans le logement. Ainsi, les familles dont le dossier de surendettement est jugé recevable peuvent recevoir à nouveau les aides familiales ou sociales au logement, notamment l’aide personnalisée au logement (APL). La loi affirme l’éligibilité à la procédure des ménages en cours d’acquisition ou propriétaires de leur logement.
La période au cours de laquelle les procédures d’exécution initiées par les créanciers sont suspendues et interdites, en attendant la mise en place des mesures de traitement du surendettement, est désormais étendue à deux ans, contre un an auparavant. Enfin, le nouveau dispositif ouvre la possibilité d’accélérer la procédure en permettant à la commission de surendettement de supprimer la phase, jusqu’ici obligatoire, de négociation à l’amiable entre les créanciers et le débiteur, quand celle-ci est manifestement vouée à l’échec du fait des faibles capacités de remboursement de ce dernier.
Cette même loi pose le principe de la création de l’Observatoire de l’inclusion bancaire et de l’adoption d’une charte pour l’inclusion bancaire et la prévention du surendettement.
En 2014, la loi Hamon sur la consommation a de nouveau renforcé la prévention et a réduit à 7 ans la durée de la procédure, tout en prévoyant par dérogation un déplafonnement de la durée des mesures afin de préserver la résidence principale. Dans la poursuite de l’amélioration du traitement des situations de surendettement, deux réformes sont entrées en application le 1er janvier 2018 : la suppression, d'une part, de la phase de conciliation pour certains débiteurs et, d'autre part, de l'homologation des recommandations de la commission par le juge.
La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, dite loi Justice 21, a supprimé l’homologation judiciaire des mesures recommandées par la commission de surendettement et augmenté corrélativement les délais de recours et de contestation. Toujours dans le but d’accélérer la procédure, la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2, a limité la phase de négociation amiable aux dossiers dans lesquels le débiteur est propriétaire d’un bien immobilier et a prévu que, en l’absence de réaction des créanciers, les plans conventionnels soient tacitement validés sous un délai de 30 jours après la notification.
Au terme d’une évolution de 30 ans, le dispositif de traitement du surendettement en France apparaît désormais comme une procédure collective originale et sans équivalent dans le monde, gratuite et fondée sur la légitimité de commissions départementales qui associent représentants de l’État, des créanciers, des associations et dont le secrétariat et les travaux sont assurés par la Banque de France. Les commissions disposent de la capacité d’imposer aux créanciers et aux débiteurs des solutions adaptées, sous le contrôle du juge.
Les différentes mesures adoptées en matière de prévention, de traitement et d’accompagnement ont permis une baisse continue et forte du surendettement (les primodépôts, qui constituent l’indicateur pertinent, ont diminué de 43 % de 2011 à 2019, passant de 142 000 à 81 000 environ). Parallèlement à cette baisse, la nature de l’endettement a aussi profondément évolué. Il convient de souligner le fort recul des dettes à la consommation dans les dossiers de surendettement depuis 2011 (-2 milliards, soit -47 % en 8 ans), 25 % des situations ne présentant aucun crédit à la consommation en 2019. La vigilance portée aux mesures a permis de réduire sensiblement les redépôts liés à la procédure. Dans l’ensemble des dossiers traités par les commissions, les solutions pérennes sont ainsi passées de 60 % du total en 2011 à plus des trois quarts, en 2018 comme en 2019 (76,4 %).
La réduction du nombre de situations de surendettement, ainsi que la maîtrise du surendettement lié à l’excès de dettes à la consommation ont cependant pour effet de concentrer toujours plus la procédure sur des populations socialement fragiles comme le montre l’enquête typologique 2019 sur le surendettement : moins de 47 % des personnes surendettées vivent en couple ; près de 21 % des ménages surendettés sont des familles monoparentales ; les femmes représentent 55 % des personnes surendettées dans les tranches d’âge les plus touchées par le surendettement (de 25 à 54 ans). 25 % des personnes surendettées (débiteurs et codébiteurs) sont au chômage, et près de 56 % des personnes appartenant à des ménages surendettés ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté. Cette accentuation de la fragilité des personnes et ménages surendettés milite non seulement pour un renforcement de la prévention, mais aussi pour un accompagnement plus étroit des ménages surendettés, qui se sentent parfois désemparés face à la procédure. C’est le sens de l’action de la Banque de France, qui a soutenu avec conviction et détermination le déploiement des Points Conseil Budget, prévus dans le plan de lutte contre la pauvreté de 2013, et qui anime chaque année de très nombreuses sessions de sensibilisation et d’information au bénéfice de plus de 15 000 intervenants sociaux. Le rôle d’opérateur national de la stratégie d’éducation économique, budgétaire et financière adopté en décembre 2016 permet aussi à la Banque de France de renforcer l’information des particuliers avec la mise en ligne début 2017 d’un portail pédagogique, mesquestionsdargent.fr
Depuis que le législateur a confié à la Banque de France le secrétariat des commissions de surendettement, elle n’a cessé de faire évoluer son organisation et ses outils afin de répondre avec toujours plus d’efficacité et d’humanité aux situations qui lui sont soumises. D‘importantes actions de modernisation des outils mis à la disposition des parties prenantes – créanciers, commissaires, juges - et des gestionnaires de dossiers ont été menées sur les cinq dernières années. Avec la mise à disposition de portails et le déploiement d’échanges inter-applicatifs, le traitement des dossiers de surendettement est désormais numérisé. Pour les ménages, les actions de modernisation se poursuivront en 2020 avec l’ouverture d’un portail « déposants » permettant, à ceux qui le souhaitent, d’effectuer le dépôt d’un dossier en ligne, tout en préservant pour les autres l’existence du dossier papier et la possibilité de contact avec les implantations départementales de la Banque de France.
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