Une entrée dans la zone euro permise par le respect des critères de convergence
L’entrée d’un nouvel État membre de l’Union européenne (UE) dans la zone euro est conditionnée par le respect des critères de convergence économiques et juridiques fixés par les traités européens. Dans une zone monétaire, la politique monétaire, unique pour tous les membres de la zone, est en effet d’autant plus efficace que les économies nationales ont atteint un niveau relativement élevé de convergence économique.
La Bulgarie remplissant désormais tous les critères d’après les évaluations de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne, le Conseil de l’UE a validé le 8 juillet 2025 l’entrée officielle du pays dans la zone euro et a fixé le taux de change irrévocable entre l’euro et le lev, la monnaie nationale bulgare, à 1,95583, soit le cours actuel.
La Bulgarie respecte les quatre critères économiques prévus par les traités : (i) la stabilité des prix, avec une inflation moyenne sur les 12 derniers mois de 2,7 % en 2024, (ii) la soutenabilité des finances publiques, avec des niveaux de dette et de déficit publics respectivement de 24,1 % et 3 % du PIB en 2024 et l’absence de procédure pour déficit excessif, (iii) des taux d’intérêt à long terme contenus (3,9 %, sous le seuil de référence de 5,1 %), (iv) une volatilité quasi nulle du taux de change du lev au sein du Mécanisme de change européen II, qui définit la bande de fluctuation possible autour d’un cours pivot.
La Bulgarie respecte également les critères juridiques, comme l’indépendance de la banque centrale vis-à-vis du gouvernement, notamment depuis les réformes introduites en 2024. D’après l’indice Central Bank Independence (Romelli, 2024), l’indépendance de jure de la banque centrale bulgare s’est renforcée depuis les années 1990 et se rapproche progressivement du niveau moyen observé dans les autres pays de la zone euro.
L’adhésion à la zone euro contribuera encore à renforcer la convergence entre l’économie bulgare et la zone euro. La suppression du risque de change, en abaissant les coûts des transactions et de financement, encourage les échanges commerciaux, le tourisme et les investissements. L’intégration de la Bulgarie à l’Eurosystème et à l’Union bancaire – qui implique un renforcement de la supervision directe de la BCE sur les principales banques bulgares – ainsi que l’adoption de la politique monétaire unique constituent également des gages de stabilité qui renforceront l’attractivité du pays et réduiront les primes de risque. La Croatie, dernier pays à avoir rejoint la zone euro en 2023 (Faubert et Le Gallo, 2022), a ainsi vu sa notation souveraine rehaussée, et bénéficie depuis de moindres coûts d’emprunt publics et privés (Georgieva, 2025). Les effets inflationnistes liés au passage à l’euro sont restés quant à eux limités et temporaires (Lagarde, 2025).
Une économie bulgare déjà fortement reliée à la zone euro
La zone euro est aujourd’hui le premier partenaire commercial de la Bulgarie (graphique 1). Ainsi en 2024, 45 % des exportations de biens et services bulgares sont à destination de la zone euro, tandis que les importations depuis la zone euro représentent plus de 40 % des importations bulgares. Le commerce extérieur bulgare est spécialisé dans les exportations de produits à faible valeur ajoutée et à forte intensité de main-d’œuvre (agriculture ou textile par exemple), bien que le pays s’oriente progressivement vers des produits à plus forte intensité technologique (Magistretti et Vassileva, 2024). L’Allemagne est le principal partenaire commercial de la Bulgarie, comptant 14 % des exportations et 11 % des importations de biens et services du pays en 2024, suivi de la Roumanie, de la Turquie et de l’Italie. La Bulgarie s’est récemment coupée de l’économie russe en stoppant ses importations d’hydrocarbures. Alors qu’en 2014, la part des importations de biens et services en provenance de Russie s’élevait à 14 %, elles sont ainsi quasi nulles en 2024. La balance commerciale des services bulgares est excédentaire vis-à-vis de la zone euro.
En matière de flux financiers, 64 % du stock d’investissements directs bulgares se situe dans la zone euro en 2024 et 76 % du stock d’investissements directs en Bulgarie provient de la zone euro fin 2023 et notamment des Pays-Bas.
La proximité financière de la Bulgarie avec la zone euro se reflète en particulier dans un usage important de l’euro, dès avant l’entrée officielle dans la zone. Le stock de dette publique est à 70 % libellé en euros fin 2024. Début 2025, 20 % des prêts bulgares – principalement aux entreprises – étaient déjà libellés en euros, faisant de la monnaie unique la devise étrangère la plus utilisée pour les opérations de crédit. L’euro est en effet la principale monnaie de facturation des biens manufacturés à l’exportation comme à l’importation, une tendance renforcée par le recul de l’usage du dollar. La circulation élevée de monnaie fiduciaire en euros dans le pays fait par ailleurs de la Bulgarie une économie déjà fortement « euroïsée ». La part des ménages détenant des euros est ainsi passée de 7,6 % en 2016 à 25,6 % en 2024 (graphique 2), principalement en tant que réserve de valeur.
Graphique 2 : part de la population détenant des espèces en euros en Bulgarie et dans l’UE hors zone euro (%)