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Un 21e membre pour la zone euro en 2026 : la Bulgarie

Mise en ligne le 29 Décembre 2025
Auteurs : Alix Berthélemé, Aude Chassaing, Florian Le Gallo

Billet de blog 425. Après avoir rejoint l’Union européenne en 2007, la Bulgarie adoptera l’euro le 1er janvier 2026, devenant ainsi le 21e membre de la zone euro. Permise par le respect des critères de convergence, cette entrée renforcera l’intégration économique de la Bulgarie avec ses partenaires de la zone euro. Des défis institutionnels et structurels demeurent pour accélérer son rattrapage économique.

Graphique 1 : part des exportations et importations bulgares de biens et services par pays partenaire

image Image Graphique 1 : part des exportations et importations bulgares de biens et services par pays partenaire Thématique Union européenne Catégorie Bloc-notes Éco
Source : Eurostat.
Note de lecture : En 2024, 45% des exportations de biens et services de la Bulgarie sont destinées à la zone euro (62 % vers l’UE) et 41 % des importations viennent de la zone euro (59 % de l’UE).

Une entrée dans la zone euro permise par le respect des critères de convergence


L’entrée d’un nouvel État membre de l’Union européenne (UE) dans la zone euro est conditionnée par le respect des critères de convergence économiques et juridiques fixés par les traités européens. Dans une zone monétaire, la politique monétaire, unique pour tous les membres de la zone, est en effet d’autant plus efficace que les économies nationales ont atteint un niveau relativement élevé de convergence économique.

La Bulgarie remplissant désormais tous les critères d’après les évaluations de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne, le Conseil de l’UE a validé le 8 juillet 2025 l’entrée officielle du pays dans la zone euro et a fixé le taux de change irrévocable entre l’euro et le lev, la monnaie nationale bulgare, à 1,95583, soit le cours actuel.

La Bulgarie respecte les quatre critères économiques  prévus par les traités : (i) la stabilité des prix, avec une inflation moyenne sur les 12 derniers mois de 2,7 % en 2024, (ii) la soutenabilité des finances publiques, avec des niveaux de dette et de déficit publics respectivement de 24,1 % et 3 % du PIB en 2024 et l’absence de procédure pour déficit excessif, (iii) des taux d’intérêt à long terme contenus (3,9 %, sous le seuil de référence de 5,1 %), (iv) une volatilité quasi nulle du taux de change du lev au sein du Mécanisme de change européen II, qui définit la bande de fluctuation possible autour d’un cours pivot.

La Bulgarie respecte également les critères juridiques, comme l’indépendance de la banque centrale vis-à-vis du gouvernement, notamment depuis les réformes introduites en 2024. D’après l’indice Central Bank Independence (Romelli, 2024), l’indépendance de jure de la banque centrale bulgare s’est renforcée depuis les années 1990 et se rapproche progressivement du niveau moyen observé dans les autres pays de la zone euro.

L’adhésion à la zone euro contribuera encore à renforcer la convergence entre l’économie bulgare et la zone euro. La suppression du risque de change, en abaissant les coûts des transactions et de financement, encourage les échanges commerciaux, le tourisme et les investissements. L’intégration de la Bulgarie à l’Eurosystème et à l’Union bancaire – qui implique un renforcement de la supervision directe de la BCE sur les principales banques bulgares – ainsi que l’adoption de la politique monétaire unique constituent également des gages de stabilité qui renforceront l’attractivité du pays et réduiront les primes de risque. La Croatie, dernier pays à avoir rejoint la zone euro en 2023 (Faubert et Le Gallo, 2022), a ainsi vu sa notation souveraine rehaussée, et bénéficie depuis de moindres coûts d’emprunt publics et privés (Georgieva, 2025). Les effets inflationnistes liés au passage à l’euro sont restés quant à eux limités et temporaires (Lagarde, 2025).

Une économie bulgare déjà fortement reliée à la zone euro


La zone euro est aujourd’hui le premier partenaire commercial de la Bulgarie (graphique 1). Ainsi en 2024, 45 % des exportations de biens et services bulgares sont à destination de la zone euro, tandis que les importations depuis la zone euro représentent plus de 40 % des importations bulgares. Le commerce extérieur bulgare est spécialisé dans les exportations de produits à faible valeur ajoutée et à forte intensité de main-d’œuvre (agriculture ou textile par exemple), bien que le pays s’oriente progressivement vers des produits à plus forte intensité technologique (Magistretti et Vassileva, 2024). L’Allemagne est le principal partenaire commercial de la Bulgarie, comptant 14 % des exportations et 11 % des importations de biens et services du pays en 2024, suivi de la Roumanie, de la Turquie et de l’Italie. La Bulgarie s’est récemment coupée de l’économie russe en stoppant ses importations d’hydrocarbures. Alors qu’en 2014, la part des importations de biens et services en provenance de Russie s’élevait à 14 %, elles sont ainsi quasi nulles en 2024. La balance commerciale des services bulgares est excédentaire vis-à-vis de la zone euro.

En matière de flux financiers, 64 % du stock d’investissements directs bulgares se situe dans la zone euro en 2024 et 76 % du stock d’investissements directs en Bulgarie provient de la zone euro fin 2023 et notamment des Pays-Bas.

La proximité financière de la Bulgarie avec la zone euro se reflète en particulier dans un usage important de l’euro, dès avant l’entrée officielle dans la zone. Le stock de dette publique est à 70 % libellé en euros fin 2024. Début 2025, 20 % des prêts bulgares – principalement aux entreprises – étaient déjà libellés en euros, faisant de la monnaie unique la devise étrangère la plus utilisée pour les opérations de crédit. L’euro est en effet la principale monnaie de facturation des biens manufacturés à l’exportation comme à l’importation, une tendance renforcée par le recul de l’usage du dollar. La circulation élevée de monnaie fiduciaire en euros dans le pays fait par ailleurs de la Bulgarie une économie déjà fortement « euroïsée ». La part des ménages détenant des euros est ainsi passée de 7,6 % en 2016 à 25,6 % en 2024 (graphique 2), principalement en tant que réserve de valeur.
 
Graphique 2 : part de la population détenant des espèces en euros en Bulgarie et dans l’UE hors zone euro (%)

image Image Graphique 2 : part de la population détenant des espèces en euros en Bulgarie et dans l’UE hors zone euro (%) Thématique Union européenne Catégorie Bloc-notes Éco
Source : sondage actualisé de la Banque nationale d’Autriche (voir Scheiber and Stix, 2009, pour le détail méthodologique), calcul des auteurs.
Note de lecture : En 2024, 25,6 % de la population bulgare indiquait détenir au moins un euro en espèces.

Des défis institutionnels et structurels à relever pour accélérer le rattrapage économique


Si l’entrée de la Bulgarie dans la zone euro constitue l’aboutissement d’un long processus de rapprochement, un certain nombre de défis persistent. La lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme doit par exemple être renforcée, même si la Bulgarie a déjà pris des mesures pour améliorer sa conformité avec les recommandations internationales (Moneyval, 2025). Par ailleurs, bien que des progrès aient été réalisés en matière de lutte contre la corruption, les réformes engagées restent inachevées.

Enfin, outre le fait que le PIB de la Bulgarie représente 103,7 milliards d’euros à prix courants, soit 0,7 % du PIB de l’UE, la Bulgarie reste l’un des pays les plus pauvres de l’UE, son PIB par habitant demeurant le plus bas d’Europe. Ce dernier a toutefois largement progressé depuis son entrée dans l’UE (graphique 3), atteignant 66 % de la moyenne européenne en 2024 en parité de pouvoir d’achat, contre 40 % en 2007. Ces progrès sont liés au soutien important de l’UE aux investissements et réformes structurelles du pays. Outre les 10,7 milliards d’euros que la Bulgarie recevra sur la période 2021-2027 au titre de la politique de cohésion, la Bulgarie devrait percevoir 5,7 milliards d’euros de subventions dans le cadre du programme européen Next Generation EU (NGEU) faisant suite à la pandémie de Covid-19. La combinaison de ces deux instruments représente 15,8 % du PIB bulgare de 2024. La mobilisation des fonds européens pâtit toutefois d’un certain retard, notamment dû à l’instabilité politique, une capacité administrative d’absorption faible et des marchés publics insuffisamment efficaces. Au 1er décembre 2025, la Bulgarie n’avait ainsi déboursé que 32 % du montant NGEU alloti. Un déploiement complet du plan NGEU serait d’autant plus nécessaire qu’il génère des effets économiques de long terme et contribue à l’accélération de la mise en œuvre de mesures structurelles (Bańkowski et al., 2024). Plus généralement, un accroissement des investissements publics et une meilleure efficacité dans leur utilisation pourraient générer des gains de croissance significatifs pour le pays (FMI, 2025).


Graphique 3 : PIB par tête depuis 2007 (prix courants, parité de pouvoir d’achat, base 1 en 2007)
 

image Image Graphique 3 : PIB par tête depuis 2007 (prix courants, parité de pouvoir d’achat, base 1 en 2007) Thématique Union européenne Eurosystème Catégorie Bloc-notes Éco
Source : Eurostat, calcul des auteurs.
Note de lecture : 2007 correspond à l’année d’entrée de la Bulgarie dans l’UE. Le PIB par tête de la Bulgarie (PPA) en 2024 s’établit en hausse de 166 % par rapport à 2007 (de 1 à 2,66 sur le graphique), contre 53 % pour la zone euro.

Mise à jour le 29 Décembre 2025