Note : impacts en écart à la transition ordonnée. Par ex. en 2050 lors d’une transition soudaine, le PIB et la valeur ajoutée du secteur « extraction » seraient inférieurs de respectivement 5.5% et 25% à leurs niveaux en transition ordonnée.
Si la meilleure manière de mettre en œuvre une transition climatique efficace reste encore débattue, les risques liés à une transition « désordonnée » (par exemple trop tardive ou à l’inverse trop abrupte) sont moins contestés. Il importe néanmoins de les quantifier afin d’anticiper les risques économiques et financiers qui en découlent. Les scénarios de transition dite « ordonnée », où les économies arrivent à pivoter pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, anticipent souvent de faibles coûts pour l’économie (cf. la stratégie nationale bas carbone en France ou le scénario ordonné du réseau de banques centrales, Network for Greening the Financial System, qui donnent pour la France un impact final négligeable sur le PIB à horizon 2050). On pourrait leur reprocher de ne pas suffisamment prendre en considération certains coûts macroéconomiques durant la phase de transition (Pisani-Ferry, 2021). L’objectif de ce blog n’est pas de discuter de tels scénarios mais de souligner les risques liés à une transition désordonnée, en s’appuyant sur l’exercice pilote conduit par l’ACPR en 2021. Dans ce cadre, la Banque de France a développé une suite de modèles permettant de désagréger les effets de la transition bas carbone aux niveaux national, sectoriel et infra-sectoriel. L’exercice présente des exigences spécifiques, notamment un horizon temporel long ainsi qu’une granularité importante afin de saisir des disparités invisibles à l’échelle macroéconomique.
Scénarios de transition
Allen et al. (2020) décrivent, dans le cadre de l’exercice pilote de l’ACPR, trois types de transition climatique : (i) une transition "ordonnée" où les politiques publiques mises en œuvre et les évolutions technologiques réduisent les émissions carbone selon les objectifs fixés par l’Accord de Paris, tout en minimisant les dommages macroéconomiques ; (ii) une transition "désordonnée et tardive" avec une mise en œuvre retardée des politiques de transition et des impacts disruptifs sur les économies ; (iii) une transition "désordonnée et soudaine" où la mise en œuvre tardive et brutale (pour compenser le retard) de la transition n’est pas accompagnée des gains technologiques nécessaires, si bien que les impacts disruptifs l’emportent.
Nous présentons ici ces deux derniers scénarios (Graphique 2), avec un focus sur la transition adverse "soudaine". Les impacts de ces transitions sont considérés en différence par rapport à la transition ordonnée i.e., celle qui respecte les objectifs de l’Accord de Paris sans disruption majeure, et où les prix du carbone passent de 54 euros par tonne d’équivalent CO2 émise (teCO2) en 2025 à environ 180 euros en 2050. Le scénario de transition "soudaine" repose sur une hausse du prix du carbone, véhiculée via une taxe, qui passe de 45 euros teCO2 en 2025 à plus de 900 euros en 2050, soit un surcroît d’environ 700 euros par rapport au scénario de transition ordonnée. Nous nous plaçons ainsi dans un scenario résolument adverse, puisque ce choc de prix du carbone n’est accompagné que d’un progrès technologique minimal.