Alors que les questions liées au changement climatique et à l'environnement sont de plus en plus présentes dans le débat public, il existe une volonté politique d'encourager la transition vers une économie plus verte, et un large éventail de pays se sont engagés à atteindre des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de l'accord de Paris. L'un des instruments souvent mentionnés pour atteindre ces objectifs est une taxe carbone. Les banques centrales et les organisations internationales ont également commencé à s'engager dans ce domaine. En particulier, les superviseurs financiers ont besoin d'outils pour élaborer des scénarios de transition, ventilés au niveau sectoriel, afin d'évaluer la résilience des systèmes financiers face à la mise en œuvre de politiques climatiques à grande échelle.
Ce document s’intéresse à la façon dont la présence d’un réseau de production désagrégé en secteurs interconnectés modifie les simulations d’une taxe carbone dans un modèle macroéconomique. Nous construisons un modèle statique d'équilibre général intégrant un réseau de production pour l'économie mondiale et permettant la substitution entre les intrants intermédiaires utilisés pour la production et entre les biens de consommation finale. Nous analysons la propagation de diverses taxes carbone à travers ce réseau.
Nous calibrons le modèle pour trois régions, à savoir la France, le reste de l'Union européenne et le reste du monde, chacune comprenant 55 secteurs. Le modèle comprend trois taxes liées au climat. Les deux premières couvrent les émissions de gaz à effet de serre des entreprises et ont des taux spécifiques par secteur. La première est une taxe sur leurs achats d'énergie fossile; elle induit une substitution vers des sources d'énergie plus propres. L'autre couvre les émissions des entreprises qui sont inhérentes à leur activité de production (comme le méthane produit par les vaches pour l'agriculture ou le dioxyde de carbone généré par les réactions chimiques impliquées dans la fabrication du ciment). La troisième taxe s'applique aux achats de pétrole raffiné par les ménages. Les scénarios de taxe carbone envisagés dans le document mobilisent ces trois taxes, calibrées de manière à correspondre à un prix de référence de 100 euros par tonne d'équivalent CO2.
Nous considérons deux scénarios. Tout d'abord, nous examinons l'impact d'une taxe carbone mise en place en France uniquement (scénario 1). Nous constatons une diminution de la valeur ajoutée agrégée réelle française de 1,2 %, avec des effets sur la valeur ajoutée réelle sectorielle allant de -20 % (dans le secteur du coke et du pétrole raffiné) à négligeables. Ensuite, nous considérons une taxe carbone mise en place dans l'ensemble de l'Union européenne (scénario 2). Dans ce cas, la valeur ajoutée agrégée diminue de 1,5 % en France et de 2 % dans le reste de l'UE. Les impacts sectoriels sont, à quelques différences près, similaires à ceux obtenus dans le premier scénario.
Nos résultats sectoriels reflètent les caractéristiques du réseau de production représenté dans le modèle. Si les secteurs les plus touchés sont généralement les plus polluants, la taxe se propage également entre les secteurs via leurs intrants intermédiaires. Au final, la structure du réseau tend, à niveau de taxation donné, à affecter comparativement plus les secteurs en amont que ceux en aval: certains secteurs, tels que les mines et carrières ou les produits chimiques, sont touchés de manière disproportionnée, tandis que des secteurs relativement polluants comme la santé, l'éducation ou le commerce et la réparation des véhicules automobiles sont peu touchés.