Bulletin de la Banque de France

Les retards de paiement des clients impactent-ils la probabilité de défaillance des entreprises ?

Mise en ligne le 21 Février 2022
Auteurs : Olivier Gonzalez, Michel Dietsch

Bulletin n°227, article 8. Les délais de paiement accordés à leurs clients exposent les fournisseurs à des problèmes de trésorerie, aggravés en cas de retards de paiement et susceptibles de les mettre financièrement en difficulté. Pour autant, l’estimation de la probabilité de défaillance d’une entreprise à partir d’un modèle de score montre que les effets de retards de paiement de ses clients restent relativement circonscrits. En effet, si l’existence de retards clients augmente la probabilité de défaillance d’une entreprise de 25 %, et de 40 % si les retards excèdent un mois, des structures financières dégradées la multiplient au minimum par 4. On estime finalement que seules 8 entreprises défaillantes sur 100 sont potentiellement exposées à ce risque, dont les trois quarts à cause de retards supérieurs à 30 jours. Néanmoins, si les retards prennent de l’ampleur, tous les types d’entreprises sont concernés, quelles que soient leur taille, leur ancienneté ou leur situation financière.

Image Impact relatif des retards de paiement sur la probabilité de défaillance des entreprises Description Le graphique présente l'impact relatif des retards de paiement sur la probabilité de défaillance des entreprises (rapport associant la probabilité de défaillance à l'état des rations financiers : Un rapport égal à 1 traduit l'absence d'estimation d'association, un rapport supérieur à 1 une association d'autant plus forte que ce nombre est élevé), avec sept critères : 1. ratio de fonds propres ; 2. retards de paiement ; 3. taux de marge ; 4. part des liquidités ; 5. ratio des fonds propres ; 6. part des liquidités ; 7. taux de marge. Source : Banque de France, base FIBEN (données à fin octobre 2019 et estimation en novembre 2019) Chiffres clés : 34,7% : la part des entreprises qui subissent en moyenne des retards de paiement sur la période 2014-2017. 1,24 : le rapport entre la probabilité de défaillance des entreprises qui subissent des retards et celle des entreprises qui sont réglées à l'heure. 1,42 : ce même rapport lorsque les retards excèdent un mois.

1. Dépassement du plafond légal des délais : un fournisseur sur trois est touché

Le crédit interentreprises : du financement au risque de contagion

Issu des délais de paiement négociés entre clients et fournisseurs, le crédit interentreprises est une source importante de financement pour les entreprises. Ainsi, en 2017, les dettes commerciales représentent 607 milliards d’euros, soit 7,5 % du total du passif des entreprises françaises, selon l’Observatoire des délais de paiement. L’intensité des relations commerciales fait que la chaîne de crédit interentreprises constitue un vecteur potentiel de diffusion des difficultés d’entreprises, les retards et défauts de paiement des clients pouvant entraîner des difficultés chez les fournisseurs eux-mêmes. Ce mécanisme de contagion peut favoriser la propagation de chocs macroéconomiques ou de liquidité le long de la chaîne du crédit interentreprises et aggraver une récession. Toutefois, si l’allongement des délais de paiement est une marque très fréquente des difficultés chez les clients, il reste à démontrer que les retards de paiement des clients entraînent des difficultés chez les fournisseurs et alimentent un mécanisme de contagion. Cet article propose de mesurer avec précision l’impact de la longueur des délais clients sur la situation financière des fournisseurs en recourant à un modèle de score (cf. encadré 1) pour estimer le surplus de probabilité de défaillance associé à des retards de paiement.

De l’importance des retards de paiement

Plus du tiers des entreprises ont des délais de paiement supérieurs à 60 jours, plafond légal instauré par la loi de modernisation de l’économie (LME). En moyenne, au cours des années 2010, les retards de moins de 30 jours touchent un fournisseur sur cinq et les retards supérieurs à 30 jours un fournisseur sur six (cf. tableau 1). Les fournisseurs ayant des délais clients dépassant le plafond légal sont donc encore nombreux aujourd’hui, même si leur part a nettement baissé depuis 2009, date d’entrée en vigueur de la loi. Or, le taux de défaillance des entreprises augmente avec la longueur des délais clients. Ce taux est presque deux fois plus élevé lorsque les délais sont supérieurs à 90 jours, par rapport au niveau atteint lorsque les clients respectent le plafond légal de 60 jours. Ce constat suggère l’existence d’une association entre la défaillance et les retards de paiement qu’il convient de vérifier.

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