Document de travail

Les déterminants de la liquidité bancaire : une perspective française sur les interactions entre les exigences du marché et les exigences réglementaires

Mise en ligne le 16 Septembre 2020
Auteurs : Olivier de Bandt, Sandrine Lecarpentier, Cyril Pouvelle

Document de travail n°782. Ce papier examine l’impact de la réglementation du capital et de la liquidité sur la structure des bilans bancaires. La pandémie de Covid-19 montre que les périodes d'augmentation brutale de l'aversion pour le risque occasionnent souvent des problèmes de liquidité pour les banques en raison de la volatilité des marchés de financement à long terme (aussi bien pour les marchés monétaires qu’obligataires). D’après un modèle simple d’allocation de portefeuille, la liquidité bancaire augmente lorsque la norme réglementaire est contraignante. Nous montrons un effet positif du ratio de solvabilité sur la liquidité, en utilisant le "coefficient de liquidité" appliqué en France avant le Ratio de Couverture de Liquidité (LCR) de Bâle 3. Nous montrons également qu’en temps de crise, mesurée par des variables financières, les banques françaises ont en fait décru leur coefficient de liquidité, le canal de transmission se matérialisant principalement du côté du passif.

Les exigences en matière de capital et de liquidité présentent de nombreuses interactions. Si la réglementation des fonds propres des banques a été amplement analysée dans la littérature, l'estimation de la liquidité des banques n'en est qu'à ses débuts. Cela peut s'expliquer par le fait que, jusqu'à récemment, il n'existait pas de ratio de liquidité harmonisé au niveau international.

Les pandémies de Covid-19 montrent que les périodes de forte augmentation de l'aversion au risque entraînent souvent des tensions sur les liquidités des banques en raison de la volatilité des marchés du financement à long terme. Ces derniers réagissent différemment en fonction de la diversité de leurs sources de financement et de leur profil de risque. La première ligne de défense dans ces situations consiste à utiliser des réserves de liquidités pour faire face aux sorties de fonds. Mais les banques peuvent également augmenter leurs réserves de liquidités si elles anticipent une crise de longue durée et souhaitent atténuer les risques de liquidité à l'avenir. Enfin, la banque centrale peut également fournir une forme d'assurance contre les risques systémiques de liquidité en fournissant des liquidités illimitées contre des garanties.

Pendant une crise, en raison des interactions entre le financement et la liquidité du marché, ainsi que des contraintes réglementaires, on peut se demander si les banques augmentent ou diminuent leur ratio de liquidité. La liquidité des banques peut augmenter lorsque l’exigence réglementaire est contraignante, car les banques accumulent des liquidités supplémentaires, alors qu'elles ne le font pas si l’exigence réglementaire n'est pas contraignante.

Cette étude vise à estimer les déterminants des ratios de liquidité des banques, en tenant compte des interactions entre la solvabilité et la liquidité ainsi qu'entre la liquidité du marché et les risques de liquidité de financement. Pour ce faire, nous estimons un système d'équations simultanées.

Nous démontrons, à l'aide du "coefficient de liquidité" mis en place en France préalablement au ratio de couverture de la liquidité de Bâle 3, un effet positif du ratio de solvabilité sur le coefficient de liquidité. Nos résultats sur un panel de banques françaises montrent qu'un niveau de solvabilité plus élevé permet d'améliorer le coefficient de liquidité grâce à des ajustements de bilan. En revanche, nous ne trouvons pas de preuves que les ratios de solvabilité sont affectés par la liquidité des banques.

De même, les variables de risque financier n'affectent les ratios de liquidité et de solvabilité que pendant les périodes de forte tension, avec un effet négatif plus important sur la liquidité que sur la solvabilité, ce qui confirme l’existence de fortes interactions entre la liquidité du marché et la liquidité de financement des banques en période de crise. On constate que le canal du risque financier se matérialise principalement au niveau du passif, par le biais de sorties nettes de liquidités.

Enfin, l'impact de l'appartenance à un groupe bancaire affecte la relation entre les variables du risque financier et le ratio de solvabilité, mais nous n'avons pas trouvé de signes de la gestion de la liquidité au niveau du groupe, un résultat qui mérite de plus amples analyses. De même, nous constatons que les entreprises financières et les banques commerciales sont plus affectées par les variables de risque financier du côté de la solvabilité que du côté de la liquidité.

Image Liquidity Coefficient and Solvency Ratio over 1993-2015

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