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Le travail des femmes pendant la crise de la Covid-19
Billet n°207. La crise de la Covid-19 a bouleversé l’organisation du travail. Les femmes ont été à la fois en première ligne pour affronter le virus et présentes pour s’occuper de leurs proches dans ces temps difficiles. Leur participation au marché du travail a été peu affectée en raison des politiques publiques d’accompagnement et de leurs efforts dans la gestion du temps personnel et professionnel.
Source : Insee.
Note de lecture : Le taux d’emploi des femmes a diminué de 0,3 point de pourcentage entre le T4 2019 et le T1 2020.
En mars 2020, l’arrêt net de l’activité du fait de la lutte contre la pandémie a engendré une crise économique très atypique, notamment en ce qui concerne le marché du travail. En France, contrairement à la Grande récession de 2008, peu de différences ont été observées entre les femmes et les hommes en termes d’évolution de chômage et de taux d’emploi (Graphique 1) alors même que la crise de 2020 a touché massivement des secteurs plutôt féminins, comme les services, et non l’industrie comme la crise de 2008. Plusieurs facteurs contribuent à l’expliquer.
- Au printemps 2020, du fait de la structure par genre des emplois, les femmes se sont retrouvées en première ligne dans la lutte contre le virus. Les métiers du soin sont très majoritairement féminins : les infirmiers sont principalement des infirmières, la parité est en passe d’être atteinte chez les médecins et les professions d’aide-soignant ou d’aide à domicile restent très féminines. D’autres métiers très féminisés ont été également exposés, comme les hôtes de caisses dans les supermarchés ou les personnels de ménage, qui ont continué à mener leurs tâches quotidiennes dans cette période de fortes incertitudes sur la maladie.
- Le développement très large du chômage partiel, son adaptation à la garde d’enfants, et le soutien important accordé aux entreprises fermées administrativement ont permis d’éviter un chômage massif et la sortie de nombreuses femmes du marché du travail, comme cela a pu être observé notamment aux États-Unis, en Corée du Sud ou au Japon (Djankov et al. 2020). La reprise de l’école et des différents modes de garde d’enfants en bas âge après le confinement du printemps 2020 a également permis aux mères de pouvoir (télé)travailler plus facilement.
Un bouleversement de la vie professionnelle et personnelle
Pour les femmes engagées dans des activités considérées comme essentielles, un effet positif de la crise sanitaire a été la valorisation et une meilleure reconnaissance de leur métier. Le revers de la médaille a été une exposition active au virus et la peur corrélative de le transmettre à leurs proches et aux personnes vulnérables qu’elles côtoient dans leurs professions. Pour les autres, la pratique généralisée du télétravail sur les postes éligibles ainsi que le recours massif au chômage partiel -- lors du premier confinement de mars à mai 2020 en particulier -- ont bouleversé l’organisation du travail et l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle.
Dans un premier temps, l’articulation entre le télétravail et les tâches du foyer a pu être difficile pour les mères. Albouy et Legleye (2020) ont en effet montré que ces dernières ont davantage que les pères pris en charge la gestion de l’école à la maison, tout en continuant à assumer les tâches non-rémunérées usuelles, elles-mêmes en augmentation du fait de la présence permanente de la maisonnée (repas, courses, ménage). Or, les données collectées par l’OCDE montrent que, bien avant la pandémie, les travaux ménagers et le soin des enfants étaient déjà très largement assumés par les mères. Dans les pays développés, les femmes consacrent en effet deux heures supplémentaires à ces travaux par rapport aux hommes. Le poste le plus important est le soin apporté aux enfants avec 35 minutes par jours, soit plus du double du temps consacré par les hommes (15 minutes). Les mères ont également renoncé à travailler pour garder leurs enfants deux fois plus souvent que les pères.
La contrepartie positive des confinements et couvre-feux est la prise de conscience par un grand nombre de conjoints de l’importance des tâches ménagères à mener et la difficulté de les articuler avec la vie professionnelle. À plus long terme, le télétravail régulier pourrait favoriser une meilleure organisation de la répartition entre vie privée et vie professionnelle ainsi que du temps imparti aux tâches ménagères au sein des couples (Hupkau et Petrongolo, 2020).
Femmes et précarité en temps de Covid-19
Malgré les nombreux dispositifs publics de soutien mis en place, les restrictions dues à la lutte contre la pandémie ont augmenté le nombre des situations de précarité. Selon les données de la Caisses d’allocations familiales, le taux de recours au RSA s’est, par exemple, accru de près de 9 % suite au confinement et semble s’être stabilisé à ce niveau (Graphique 2). Parmi les personnes en difficulté, les données de l’OCDE sur les revenus montrent que les femmes ont en moyenne des situations plus fragiles que les hommes, particulièrement les femmes en situation de parent isolé (elles représentent 18 % des ménages surendettés en 2020). La crise actuelle a renforcé cet effet. La fermeture des écoles et des crèches au printemps 2020 les a en effet contraintes à s’occuper de leurs enfants durant la journée, souvent au détriment de leur emploi et de leurs revenus. Les restrictions de contacts avec les plus âgés, qui auraient pu les aider, ont également provoqué des sorties du marché du travail ou des baisses de revenus conséquentes (Givord et Silhol 2020). Enfin, les femmes sont également les principales aidantes d‘adultes proches peu autonomes. Durant ces périodes, nombre d’entre elles ont dû cumuler leur emploi et une attention particulière envers leur entourage, limitant leur disponibilité sur le marché du travail
Source : CAF, Allstat FR2
Note de lecture : En novembre 2020, le nombre de foyers allocataires du RSA a augmenté de 9 points de pourcentage par rapport à janvier 2019.
Des politiques publiques qui doivent être attentives à l’inclusion des femmes
En France, les politiques publiques, telles que le chômage partiel pour garde d’enfants, ont permis de maintenir la présence des femmes sur le marché du travail depuis le début de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Cependant, la crise de la Covid-19 pourrait avoir des conséquences à long terme sur la situation des femmes sur le marché du travail. Notamment, pour se préserver du risque pandémique, certains métiers pourraient automatiser plus largement leurs tâches (automatisation des caisses, digitalisation des commandes, des conférences ou des visites de logements, etc.). Des exemples historiques, comme l’automobile ou l’introduction des distributeurs de billets (Autor 2015), ont montré que l’automatisation s’accompagne d’une croissance de l’emploi. Toutefois, l’adaptation aux emplois créés, souvent plus qualifiés et mieux rémunérés, est plus ou moins aisée selon les profils concernés. En particulier, Chernoff et Warman (2020) montrent que les femmes ayant un emploi peu qualifié et à salaire faible ou moyen sont plus à risque de subir une destruction de leur emploi en raison de l’automatisation post-covid.
Les analyses du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) permettront de vérifier si les mesures de relance permettent aux femmes de prendre pleinement part à la reprise économique. Le HCE étudie en effet la prise en compte de l’égalité entre les sexes dans les études d’impact des textes législatifs. Ausculter les dispositifs d’accompagnement de la reprise sous ce prisme permettra de veiller à ce que ces textes n’aient pas de conséquences différentes selon les sexes, favorisant ainsi l’inclusion des femmes sur le marché du travail.
Mise à jour le 25 Juillet 2024