La parole à

La parole à Alexandre Stervinou : « La proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire est le fruit d’un travail remarquable des équipes de la Banque de France et de Bercy, en lien avec la profession bancaire. »

Mise en ligne le 31 Octobre 2025
Alexandre Stervinou

Chaque mois, un expert de la Banque de France est interviewé dans le cadre de notre newsletter LinkedIn. Pour le numéro d’octobre 2025, Alexandre Stervinou, directeur des Études et de la surveillance des paiements, revient sur la lutte contre la fraude bancaire et sur la sécurité des moyens de paiements. 

1. Une proposition de loi visant à « renforcer la lutte contre la fraude bancaire » vient d’être adoptée, cette semaine par le Parlement : quelles sont les avancées portées par ce texte ?

Cette proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire, adoptée le 31 mars 2025 par l’Assemblée nationale et le 29 octobre 2025 par le Sénat, est le fruit d’un travail remarquable des équipes de la Banque de France et de Bercy, en lien avec la Profession bancaire, qui ont su convaincre les parlementaires du besoin de nouveaux outils contre la fraude. 

-    Conformément aux préconisations de l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement (OSMP), cette loi conforte le Fichier national des chèques irréguliers (FNCI) comme le principal outil de lutte contre la fraude au chèque, en permettant aux banquiers de le consulter pour mieux déjouer les encaissements frauduleux. 
-    Mais il s’agit de couvrir aussi les nouveaux usages, comme celui des virements et des virements instantanés. La loi, qui a été adoptée mercredi par le Parlement, confie à la Banque de France la gestion d’une plateforme de recensement des comptes susceptibles d’être frauduleux. Si une banque détecte qu’un compte – qu’il soit français ou étranger – a été utilisé par un escroc pour recueillir les fruits d’une fraude, elle pourra communiquer aux autres banques les coordonnées (c’est-à-dire l’IBAN) de ce compte. Charge ensuite à chaque banque d’intégrer cette information dans ses algorithmes de détection des transactions risquées. 

En parallèle du travail parlementaire, la Banque de France anticipe depuis plusieurs mois la construction de cette nouvelle plateforme. Celle-ci devrait donc être pleinement opérationnelle dès l’entrée en vigueur de la loi, probablement au printemps 2026, après l’adoption des arrêtés d’application. 

2. La Banque de France a pour mission d’assurer la sécurité des moyens de paiement. Pouvez-vous nous dire quels sont les principaux risques auxquels nous sommes confrontés en tant que consommateurs ? Comment pouvons-nous nous en prémunir ?

Les risques existent, mais il faut d’abord souligner le très haut niveau de sécurité de nos paiements, qui bénéficie des technologies les plus avancées en matière de cryptographie, d’intelligence artificielle et de surveillance algorithmique. Les chiffres du dernier rapport de l’OSMP, avec une fraude annuelle stabilisée en-dessous des 1,2 milliard d’euros (= son niveau de 2019), en attestent. Cela peut sembler important mais il faut rapporter ce montant aux flux annuels de paiements, soit plus de 30 000 milliards d’euros. 

Aujourd’hui, le principal risque n’est pas technologique : il est surtout humain, en raison d’une exposition croissante des consommateurs à des techniques de manipulation. Avec le déploiement de l’authentification forte pour les paiements sur internet, qui a été un véritable succès, le taux de fraude sur les opérations par carte sur internet a baissé de 40% entre 2018 et 2024. Les fraudeurs se sont toutefois adaptés et n’hésitent plus à appeler directement leurs victimes, en se faisant souvent passer pour un conseiller bancaire, pour les amener à valider elles-mêmes des opérations frauduleuses.

C’est l’occasion de rappeler qu’il ne faut jamais communiquer ses codes d’authentification à un tiers, et ne jamais valider une opération dont on n’est pas à l’origine. Lorsqu’un prétendu banquier vous appelle au motif qu’il y aurait des opérations suspectes en cours, méfiez-vous : il est préférable de raccrocher et de rappeler soi-même sa banque par les canaux habituels. Gardons à l’esprit que la banque n’a jamais besoin de notre intervention pour bloquer un paiement qu’elle estime suspect.

3. La stratégie nationale des moyens de paiement, lancée il y a un an, porte sur la période 2025-2030 : pouvez-vous nous rappeler quels en sont les principaux axes ? Est-il déjà possible d’en tirer de premiers enseignements ?

Lors de son adoption, notre stratégie nationale a fixé des priorités claires autour de trois axes : confiance et durabilité, anticipation et innovation, et attractivité et souveraineté. La sécurité des paiements est prégnante dans l’ensemble de ces axes, car elle est le socle de la confiance et de l’innovation. Après un an d’exercice, j’en tire trois premiers constats. 

-    D’abord, tout l’écosystème français est aujourd’hui mobilisé pour renforcer l’autonomie européenne dans les paiements. Notre stratégie valorise nos atouts existants que sont le réseau national CB, à travers le co-marquage des cartes, et notre filière fiduciaire. Cette remobilisation prépare également l’avenir, en soutenant le déploiement de la solution Wero, et en associant l’écosystème aux travaux sur le futur euro numérique. 
-    Ensuite, des évolutions structurantes se sont déployées avec succès dans nos paiements en 2025, avec l’alignement tarifaire du virement instantané sur le virement classique, et le déploiement de la vérification du bénéficiaire pour les virements en octobre dernier. L’usage du virement instantané trouve peu à peu sa place dans le quotidien des Français, dans des conditions de sécurité tout à fait satisfaisantes.
-    Enfin, notre stratégie nationale s’inscrit plus que jamais dans des perspectives européennes, car c’est à ce niveau que se prépare l’avenir des paiements. Notre action nationale est motrice pour les initiatives européennes. C’est le cas du futur règlement européen sur les services de paiement, qui devrait instituer un forum européen de lutte contre la fraude inspiré de l’OSMP, mais aussi un mécanisme de partage de données de fraude auquel notre plateforme française, désormais confortée par la loi, pourra se connecter.
 

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Mise à jour le 31 Octobre 2025