Bulletin de la Banque de France

Établir la balance des paiements, une mission statistique à la Banque de France depuis 1945

Mise en ligne le 7 Décembre 2021
Auteurs : Florian Le Gallo

Bulletin n°238, article 5. L’établissement de la balance des paiements constitue une "mission fondamentale" de la Banque de France selon les termes de la loi Arthuis de 2007. S’il s’agit, d’une part, de rendre compte des transactions réelles et financières entre la France et l’étranger, ces statistiques permettent d’identifier, d’autre part, les équilibres ou déséquilibres correspondants et, partant, leur source de financement. Depuis la première balance officielle de la France en 1945, la tension entre ces deux dimensions prend des formes mouvantes. Suivant l’évolution du contexte économique national et international, la balance des paiements oscille ainsi entre affirmation de la dimension d’information économique objective de cette statistique publique et primauté de l’objectif de politique monétaire et de change. Cet article retrace les choix ayant conduit à l’élaboration de la balance des paiements actuelle, dans la perspective d’une "histoire de la raison statistique" telle qu’envisagée par Alain Desrosières.

Image Balance des paiements 1995-2020

1. 1945‑1967 : la balance des paiements, un nouvel outil au service du contrôle des changes

La reprise en main par l’État de la production de statistiques de balance des paiements dans le cadre du Fonds monétaire international

Dans l’entre‑deux‑guerres, la production de la balance des paiements recouvre une réalité statistique diverse. Si les autorités publiques des États-Unis et du Royaume-Uni témoignent d’une longue pratique à partir du début du XXe siècle, dans la plupart des autres États (dont la France) des séries de balance des paiements sont seulement dressées ponctuellement par des économistes privés. Une première tentative d’harmonisation et de collecte internationale menée par la Société des Nations est interrompue par la guerre.

Après‑guerre, le Fonds monétaire international (FMI) reprend l’œuvre entamée, notamment pour disposer de statistiques plus fiables dans le cadre du contrôle des parités fixes. De concert avec les États membres, il publie en 1948 le premier Manuel de la balance des paiements (Balance of Payments Manual – BPM1) afin de proposer des définitions communes. La communication au FMI des statistiques de balance des paiements devient obligatoire pour tous les États membres, en vue notamment de prévenir les crises de change. En 1944, les accords de Bretton Woods scellent en effet un nouvel ordre monétaire international sous l’égide du FMI, centré autour des parités fixes, afin d’éviter le retour des désordres monétaires de l’entre‑deux‑guerres. Dans ce contexte, les autorités monétaires, gouvernements et banques centrales, mettent en place un contrôle des changes visant à maîtriser les sorties et entrées de devises.

Les statistiques de balance des paiements constituent un outil central de ce dispositif. En effet, alors que le contrôle des changes vise à limiter ex ante les sorties de devises, en particulier par l’octroi de licences d’importation, la balance des paiements permet de dresser ex post la synthèse des mouvements de devises correspondant aux échanges économiques. Dans le cadre de parités fixes avec possibilité limitée de dévaluation, un déficit des paiements courants doit être financé en devises étrangères soit en mobilisant l’encaisse or et devises détenue par la banque centrale, soit en ayant recours aux créanciers internationaux, gouvernements ou établissements financiers étrangers. C’est ainsi qu’après des déficits successifs et une diminution des avoirs de réserve, la "crise de balance des paiements" de 1957 conduit la France à solliciter l’aide du FMI l’année suivante (Feiertag, 1995) et à renégocier les remboursements des prêts octroyés par les États‑Unis. 

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Mise à jour le 25 Juillet 2024