Bulletin de la Banque de France

Estimation de l’empreinte carbone des filiales françaises à l’étranger

Mise en ligne le 26 Novembre 2024
Auteurs : Timothée Gigout

Bulletin no 255, article 1. Nous estimons l’empreinte carbone du stock d’investissements directs à l’étranger (IDE) français à 130,7 millions de tonnes de CO2 en 2014, date des dernières données disponibles, soit 56,7 % des émissions liées à la production réalisée en France. En raison de la hausse du stock d’IDE dans les secteurs de destination les plus intensifs en carbone, l’empreinte carbone de la France a l’étranger a atteint son sommet en 2006, pour reculer ensuite de 19,8 %. Les transferts de technologie au sein des multinationales permettraient, sous plusieurs hypothèses comptables et économiques, d’éviter jusqu’à 29% des émissions des filiales françaises à l’étranger. Ces ordres de grandeur très significatifs illustrent l’utilité de mettre à jour les données internationales détaillées au niveau sectoriel dans des délais plus resserrés, compte tenu de l’accélération du calendrier de la transition écologique.

Image Évolution de l'empreinte carbone estimée des investissements directs français à l'étranger Thématique Investissement responsable Catégorie Bulletin de la Banque de France
Sources : Banque de France ; Groningen Growth and Development Centre,
base de données mondiale des entrées-sorties
(WIOD – World Input-Output Database)

Les émissions de CO2 liées à la production ont diminué de 29 % sur le territoire français entre 2000 et 2014 (dernière année disponible ; cf. graphique 1). Cette baisse s’est faite malgré une augmentation du stock de capital productif domestique (+ 54 %). Durant la même période, les émissions de CO2 du reste du monde ont augmenté (+ 40%), mais sensiblement moins que leur stock de capital à prix constant (+ 78 %). Cette baisse des émissions sur le territoire national et leur augmentation dans le reste du monde coïncident en outre avec une forte hausse (+ 81 %) de la part d’investissement direct français à l’étranger (IDE) dans le stock de capital productif. Cette hausse des IDE est l’un des faits saillants de l’internationalisation de l’économie française (Cotterlaz et al., 2022). Ce mode d’internationalisation de la France se manifeste aussi par une balance du commerce de biens négative et par une balance positive pour les échanges commerciaux de services (Bui Quang et Gigout, 2021) et les revenus d’investissements. Le corollaire de cette délocalisation de la production industrielle est la délocalisation de ses émissions associées.

L’objectif de cet article est de fournir une première quantification de la contribution des filiales françaises à l’étranger aux émissions de CO2 du reste du monde. Nous arrêtons cette exercice à l’année 2014, dernière année disponible pour les données de comptes sectoriels. Dans le cadre des investissements directs à l’étranger (IDE), la maison mère française détient un contrôle ou au moins une influence importante sur la gestion d’une ou plusieurs filiales à l’étranger. Elle peut affecter explicitement les procédés de production utilisés et peut donc agir sur l’efficacité environnementale de ses filiales. L’exercice que nous menons revient ainsi à estimer la quantité de CO2 émise à l’étranger sur laquelle des résidents français ont un pouvoir de décision (cf. encadré 1). Cette estimation a des implications en matière de politique économique et environnementale. Inciter les entreprises à réduire leurs émissions étrangères autant que domestiques est un levier permettant de réduire les émissions mondiales…

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Mise à jour le 26 Novembre 2024