Afrique-France

Éléments explicatifs des spreads souverains en UEMOA

Mise en ligne le 3 Novembre 2025
Auteurs : Anne‑Victoire Maizière, Wylliam Souekolo Okongo

Le marché des titres publics de l’Union économique et monétaire ouest‑africaine (MTP de l’UEMOA) 1 est une source de financement importante pour les États de l’Union. Entre 2022 et 2024, les émissions brutes d’obligations ont permis de couvrir environ 73 % des besoins de financement de l’UEMOA. Le mode d’émission privilégié est celui de l’adjudication (61 % des émissions d’obligations
entre 2022 et 2024).

Le MTP a pour objectif de permettre aux États de mobiliser des financements aux conditions les plus avantageuses possibles, sans être soumis au risque de change du marché financier international. Cependant, depuis 2023, on observe une forte hausse de l’écart (spread) entre les taux de rendement de certaines obligations souveraines et le taux de rendement de l’émetteur- régional de référence : la Côte d’Ivoire. Le Burkina Faso, la Guinée‑Bissau, le Mali et le Niger sont particulièrement concernés. Ainsi, entre juillet 2023 et décembre 2024, le Niger a vu ses spreads avec la Côte d’Ivoire sur les obligations à trois ans passer de 45 à 252 points de base (pdb).

Dans cet article, nous tenterons d’identifier les facteurs influençant le niveau des spreads au sein du MTP de l’UEMOA. Cette analyse est particulièrement pertinente dans le cas d’une union monétaire, car elle permet d’exhiber les facteurs spécifiques à chaque pays. Nous analyserons dans un premier temps le fonctionnement de ce marché et l’évolution des spreads entre 2022 et 2024. Pour ce faire, nous retenons les émissions par adjudication, compte tenu de la prédominance de ce mode d’émission en UEMOA, et prenons la Côte d’Ivoire comme pays de référence, en raison de son poids économique dans l’Union et de la qualité de sa note par les agences de notation. Nous effectuerons une comparaison avec d’autres unions monétaires afin de mieux apprécier le niveau des spreads observés. Dans un second temps, nous chercherons à identifier les facteurs qui influencent les spreads en UEMOA. La période étudiée ici ne va pas en deçà de 2022, car les spreads ont été calculés à partir des synthèses mensuelles du marché primaire des titres publics publiées par UMOA‑Titres depuis avril 2021.

1| Fonctionnement et évolution du MTP de l’UEMOA

Les caractéristiques du marché

Les titres et les types d’opérations
Conformément au cadre réglementaire en vigueur 2, le MTP de l’UEMOA est composé des bons assimilables du Trésor – BAT – (maturité n’excédant pas deux ans) et des obligations assimilables du Trésor – OAT – (maturité de plus de deux ans) émis suivant une procédure d’adjudication ou de syndication.
La suspension en 1999 puis la suppression en 2010 des concours directs de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) aux Trésors nationaux ont permis d’accélérer le développement de ce marché. Les titres publics émis par adjudication représentent la part la plus importante du marché. Fin 2024, le volume des émissions brutes de titres publics par adjudication (bons et obligations) représente 86,9 % du total des émissions publiques (32,9 % du total pour les obligations émises par adjudication). Compte tenu de l’importance des émissions par adjudication, l’étude se concentre uniquement sur les spreads de ce segment de marché.

Le volume des émissions de titres publics par adjudication a fortement augmenté entre 2018 et 2024. D’après la BCEAO, il a triplé sur la période pour s’établir à 8 127,4 milliards de francs CFA d’Afrique de l’Ouest (XOF) en 2024, soit 6,1 % du PIB de l’UEMOA. Par ailleurs, l’année 2020 a connu un montant record levé par les États (8 741,8 milliards XOF, 9,5 % du PIB). Cela s’explique par l’émission de « bons Covid‑19 » en 2020, pour un montant de 3 147,5 milliards XOF, destinés à faire face aux dépenses immédiates enregistrées lors de la crise sanitaire.

 

 

 1 D’un point de vue juridique, il conviendrait d’utiliser le sigle « UMOA ». Cependant, par commodité, nous utiliserons « UEMOA », les deux sigles couvrant les mêmes pays.
2 Règlement n° 06/2013/CM/UEMOA du 28 juin 2013.

Mise à jour le 3 Novembre 2025