Bulletin de la Banque de France

Covid-19 et chaînes de valeur

Mise en ligne le 17 Juillet 2020
Auteurs : Noëmie Lisack, Antoine Berthou, Guillaume Gaulier, Jean-François Ouvrard, Bertrand Collès, Antonin Bergeaud

Bulletin n°230, article 2. Les mesures de confinement mises en place pour lutter contre la pandémie de Covid-19 ont non seulement un impact direct sur l’économie des pays concernés, mais elles ont aussi des répercussions internationales via les chaînes de valeur et la demande extérieure. Une analyse de court terme suggère que ces répercussions internationales ont un effet significatif sur la France, bien que de second ordre par rapport au choc interne provoqué par le confinement. La France est plus exposée aux chocs de confinement provenant du reste de l’Union européenne et relativement moins exposée aux chocs provenant de Chine. La situation la plus défavorable pour la France serait qu’elle subisse un choc d’offre (baisse de la productivité liée aux mesures sanitaires, ou deuxième vague) tandis que le reste du monde serait sorti de la crise, ce qui entraînerait un recul de la compétitivité.

Image Répercussions en France du choc de confinement de ses partenaires commerciaux Description Le graphique présente les répercussions en France du choc de confinement de ses partenaires commerciaux en Allemagne, dans le reste de l'UE, aux Etats-Unis, en Chine et dans le reste du monde. Note de lecture : Les barres représentent l'impact sur la valeur ajoutée (VA) française d'un choc de confinement à l'étranger (calibré dans chaque pays avec une ampleur égale à celle observée en France en avril 2020). Un choc de confinement en Allemagne ampute de 1,5% la VA française. Note : UE = Union européenne. Source: Base de données mondiale WIOD (World Input-Output Database); calculs des auteurs. Chiffres clés : 5 fois plus forte : la transmission à l'économie française d'un choc de confinement en Allemagne en comparaison avec un choc de confinement en Chine. 20% : le rapport entre l'effet des répercussions (spillovers) du confinement à l'étranger et l'effet direct du confinement en France au mois d'avril 2020. 40 fois plus faible : l'exposition de la France au secteur allemand de l'hôtellerie-restauration comparée à son exposition au secteur allemand des équipements électriques.

Cet article a pour objet les effets de contagion internationaux des mesures de confinement mises en œuvre pour lutter contre la diffusion de la pandémie de Covid-19. Après avoir détaillé la démarche appliquée et étudié la force de transmission des chocs vers la France, il présente l’impact possible d’un déconfinement désynchronisé et les mécanismes à l’œuvre selon le type de choc considéré.

1. Démarche

Les mesures de confinement appliquées à l’étranger ont des effets qui se propagent jusqu’à l’économie française par les canaux des chaînes de valeur et de la demande extérieure. Cette transmission internationale implique que les chocs de confinement à l’étranger ont un impact sur l’activité économique française qui s’ajoute à l’effet direct du confinement français, en particulier dans les secteurs les plus exposés aux autres pays confinés.

Afin d’évaluer ces effets, cet article adapte le modèle multipays et multisecteur développé par Devulder et Lisack (2020) au contexte de la crise liée au Covid-19 (cf. encadré). Il s’agit d’un modèle de réseau de production à même de représenter les interconnexions liées aux chaînes de valeur internationales, et de mettre en évidence les vulnérabilités de la France face à des chocs provenant de l’étranger. Les pays sont ici séparés en six blocs : France, Allemagne, reste de l’Union européenne (UE, Royaume Uni inclus), États Unis, Chine et reste du monde. Comme il s’agit d’une analyse de court terme, on suppose que le facteur travail ne peut pas être réalloué entre les différents secteurs de l’économie, et que les possibilités pour les producteurs de substituer entre leurs intrants sont très limitées.

Pour calibrer le choc de confinement à l’échelle de la France, on utilise les impacts du choc de confinement sur l’activité sectorielle en France estimés par la Banque de France (2020) pour le mois d’avril. Ceux ci sont répartis entre chocs d’offre et de demande en utilisant la répartition proposée par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE, 2020a). Enfin, ces chocs sont calés de manière à obtenir un effet agrégé sur la valeur ajoutée française, dans la situation de confinement mondial au 30 avril 2020, correspondant au chiffre estimé par la Banque de France, à savoir – 27 %.

Pour évaluer l’importance de la transmission d’un choc de confinement en provenance de l’étranger vers la France (section 2), le même choc est utilisé, tel que calibré ci dessus, pour chaque pays. Par la suite (section 3), pour l’étude de scénarios de déconfinement désynchronisé. 

[Pour lire la suite, télécharger l'article]

Télécharger la publication dans son intégralité