Bulletin économique de la BCE

Bulletin économique de la BCE n°8/2023

Mise en ligne le 11 Janvier 2024

Le Bulletin économique résulte de l'obligation légale faite à la BCE de publier des rapports sur les activités du SEBC au moins chaque trimestre (en vertu de l’article 15.1 des Statuts du SEBC). Les éditions publiées après les réunions de politique monétaire de mars, juin, septembre et décembre fournissent une analyse approfondie des évolutions économiques et monétaires.

Évolutions économiques, financières et monétaires

Vue d’ensemble

Le Conseil des gouverneurs a décidé, lors de sa réunion du 14 décembre 2023, de laisser inchangés les trois taux directeurs de la BCE. L’inflation a nettement ralenti ces derniers mois, mais elle devrait remonter temporairement à court terme. Selon les projections de décembre 2023 établies par les services de l’Eurosystème pour la zone euro, l’inflation devrait reculer graduellement au cours de 2024, avant de se rapprocher de l’objectif de 2 % du Conseil des gouverneurs en 2025. De manière générale, selon les services de l’Eurosystème, l’inflation totale devrait s’établir, en moyenne, à 5,4 % en 2023, 2,7 % en 2024, 2,1 % en 2025 et 1,9 % en 2026. Par comparaison avec les projections macroéconomiques de septembre 2023 établies par les services de la BCE pour la zone euro, ces perspectives sont revues à la baisse pour 2023 et plus encore pour 2024.

Le ralentissement de l’inflation sous-jacente s’est poursuivi. Mais les tensions sur les prix intérieurs restent soutenues, en raison principalement d’une croissance dynamique des coûts unitaires de main-d’œuvre. Les services de l’Eurosystème estiment que l’inflation hors énergie et produits alimentaires s’établira, en moyenne, à 5,0 % en 2023, 2,7 % en 2024, 2,3 % en 2025 et 2,1 % en 2026.

La transmission des précédentes hausses des taux à l’économie demeure vigoureuse. Le resserrement des conditions de financement freine la demande, contribuant ainsi au fléchissement de l’inflation. Les services de l’Eurosystème estiment que la croissance économique devrait rester modérée à court terme. Au delà de cet horizon, l’économie devrait se redresser dans un contexte de hausse des revenus réels – résultant du recul de l’inflation et de la progression des salaires – et de reprise de la demande extérieure. La croissance devrait ainsi rebondir, en moyenne, de 0,6 % en 2023 à 0,8 % en 2024 et 1,5 % à la fois en 2025 et en 2026.

Le Conseil des gouverneurs est déterminé à assurer le retour au plus tôt de l’inflation au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme. Sur la base de son évaluation actuelle, le Conseil des gouverneurs considère que les taux d’intérêt directeurs de la BCE se situent à des niveaux qui, maintenus pendant une durée suffisamment longue, contribueront fortement à atteindre cet objectif. Les futures décisions du Conseil des gouverneurs feront en sorte que ses taux directeurs soient fixés à des niveaux suffisamment restrictifs, aussi longtemps que nécessaire.

Le Conseil des gouverneurs maintiendra une approche s’appuyant sur les données pour déterminer le degré et la durée appropriés de cette orientation restrictive. Plus particulièrement, ses décisions relatives aux taux directeurs resteront fondées sur son évaluation des perspectives d’inflation compte tenu des données économiques et financières, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire.

Les taux d’intérêt directeurs de la BCE sont le principal instrument pour définir l’orientation de la politique monétaire. Lors de sa réunion du 14 décembre 2023, le Conseil des gouverneurs a également décidé d’avancer la normalisation du bilan de l’Eurosystème. Au cours du premier semestre 2024, il entend poursuivre le réinvestissement intégral des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP). Il prévoit de réduire le portefeuille du PEPP de 7,5 milliards d’euros par mois en moyenne au second semestre de l’année. Le Conseil des gouverneurs entend mettre un terme aux réinvestissements dans le cadre du PEPP fin 2024.

Activité économique

L’économie de la zone euro s’est légèrement contractée au troisième trimestre 2023, principalement en raison d’une baisse des stocks. Le durcissement des conditions de financement et la modération de la demande extérieure devraient continuer de peser sur l’activité économique à court terme. Les perspectives sont particulièrement atones pour la construction et la production manufacturière, les deux secteurs les plus touchés par les taux d’intérêt plus élevés. L’activité dans le secteur des services devrait également se ralentir au cours des prochains mois. Cela résulte de la baisse de l’activité industrielle, de la dissipation des effets liés à la réouverture de l’économie et de l’incidence croissante du durcissement des conditions de financement.

Le marché du travail continue de soutenir l’économie. Le taux de chômage s’est situé à 6,5 % en octobre et l’emploi a progressé de 0,2 % au cours du troisième trimestre. Dans le même temps, l’affaiblissement de l’économie freine la demande de main-d’œuvre, les entreprises ayant publié moins de postes vacants ces derniers mois. En outre, même si un plus grand nombre de personnes ont un emploi, le nombre total d’heures travaillées a légèrement diminué, de 0,1 %, au troisième trimestre.

Selon les projections de décembre 2023, les indicateurs à court terme disponibles laissent penser que l’activité économique restera faible au quatrième trimestre 2023. Toutefois, la croissance devrait se renforcer à partir de début 2024, avec la hausse du revenu disponible réel – favorisée par le recul de l’inflation, la croissance solide des salaires et la résistance de l’emploi – et du fait que la croissance des exportations bénéficie de l’amélioration de la demande étrangère. L’impact du resserrement de la politique monétaire de la BCE et des conditions défavorables de l’offre de crédit continue de s’exercer sur l’économie, affectant les perspectives de croissance à court terme. Ces effets modérateurs devraient s’atténuer plus tardivement sur l’horizon de projection, soutenant la croissance. Dans l’ensemble, la croissance annuelle moyenne du PIB en volume devrait se ralentir, de 3,4 % en 2022 à 0,6 % en 2023, avant de se redresser à 0,8 % en 2024 et de se stabiliser à 1,5 % en 2025 et en 2026. Par rapport aux projections de septembre 2023, les perspectives de croissance du PIB ont été légèrement révisées à la baisse pour 2023-2024, dans le contexte des récentes publications de données et de la faiblesse des données d’enquêtes, tandis qu’elles n’ont pas été révisées pour 2025.

Alors que la crise énergétique s’estompe, les pouvoirs publics devraient continuer de retirer les mesures de soutien correspondantes. Cela est essentiel pour éviter d’accentuer les pressions inflationnistes à moyen terme, qui exigeraient, sinon, une politique monétaire encore plus stricte. Les politiques budgétaires doivent être conçues de manière à améliorer la productivité de l’économie de la zone euro et à réduire progressivement les niveaux élevés de dette publique. Des réformes structurelles et des investissements visant à renforcer la capacité d’offre de la zone euro – que soutiendrait la mise en œuvre intégrale du programme Next Generation EU – peuvent contribuer à atténuer les pressions sur les prix à moyen terme, tout en encourageant les transitions écologique et numérique. À cette fin, il est important de s’entendre rapidement sur la réforme du cadre de gouvernance économique de l’UE. En outre, il est impératif que les progrès vers l’union des marchés des capitaux et l’achèvement de l’union bancaire s’accélèrent.

Inflation

Selon l’estimation rapide d’Eurostat, l’inflation a diminué en octobre et en novembre 2023, revenant à 2,4 % en rythme annuel en novembre. Ce recul a été généralisé. La hausse des prix de l’énergie a enregistré un nouveau recul, et celle des prix des produits alimentaires s’est également ralentie, mais demeure relativement marquée dans l’ensemble. En décembre 2023, l’inflation devrait s’accélérer en raison d’un effet de base haussier lié au coût de l’énergie. En 2024, les services de l’Eurosystème s’attendent à une décélération plus lente de l’inflation en raison de nouveaux effets de base haussiers et du retrait progressif des mesures budgétaires visant à limiter les répercussions du choc sur les prix de l’énergie.

L’inflation hors énergie et produits alimentaires a enregistré une baisse de près d’un point de pourcentage en octobre et en novembre 2023, revenant à 3,6 % en novembre. Cela reflète l’amélioration des conditions d’offre, la dissipation des effets du choc énergétique et les répercussions du resserrement de la politique monétaire sur la demande et sur le pouvoir des entreprises en matière de fixation des prix. Les taux d’inflation des biens et des services se sont inscrits en baisse, à 2,9 % et 4,0 % respectivement.

L’ensemble des mesures de l’inflation sous-jacente ont diminué en octobre, mais les tensions sur les prix intérieurs sont restées soutenues, principalement en raison d’une forte progression des salaires conjuguée à une baisse de la productivité. Les mesures des anticipations d’inflation à long terme s’établissent principalement autour de 2 %, certains indicateurs de compensation de l’inflation extraits des instruments de marché ayant diminué après avoir enregistré des niveaux élevés.

Selon les projections de décembre 2023, en dépit d’une reprise temporaire attendue de l’inflation, le processus désinflationniste sous-jacent devrait se poursuivre. Malgré une accalmie, le marché du travail devrait rester tendu ce qui, combiné aux effets de compensation de la forte inflation passée, devrait maintenir la croissance des salaires nominaux à un niveau élevé. Cela étant, la croissance des salaires devrait se ralentir au cours de l’horizon de projection avec la dissipation progressive de l’impact haussier de la compensation de l’inflation. Les bénéfices ont sensiblement augmenté en 2022, mais devraient fléchir sur l’horizon de projection et permettre d’amortir les répercussions des coûts du travail. Dans l’ensemble, les anticipations d’inflation à moyen terme devant rester ancrées au niveau de la cible d’inflation de 2 % de la BCE, la hausse de l’IPCH total reviendrait de 5,4 % en 2023 à une moyenne de 2,7 % en 2024, 2,1 % en 2025 et 1,9 % en 2026. Par rapport aux projections de septembre 2023, l’inflation mesurée par l’IPCH a été révisée à la baisse pour 2023 et 2024, principalement en raison de récentes données plus faibles que prévu et d’hypothèses plus basses pour les prix des matières premières énergétiques, alors qu’elle n’a pas été révisée pour 2025.

Évaluation des risques

Les risques pesant sur la croissance économique restent orientés à la baisse. La croissance pourrait être plus faible si les effets de la politique monétaire s’avèrent plus marqués qu’anticipé. Un affaiblissement de l’économie mondiale ou un nouveau ralentissement du commerce international pourraient également peser sur la croissance de la zone euro. La guerre injustifiée menée par la Russie contre l’Ukraine et le conflit tragique au Moyen-Orient constituent des sources importantes de risques géopolitiques. Cela pourrait conduire les entreprises et les ménages à se montrer moins confiants quant à l’avenir. La croissance pourrait se redresser si la hausse des revenus réels se traduit par une augmentation des dépenses plus importante qu’anticipé, ou si l’économie mondiale croît plus fortement que prévu.

Les risques haussiers pesant sur l’inflation comprennent les tensions géopolitiques accrues, qui pourraient entraîner un renchérissement de l’énergie à court terme, et les événements météorologiques extrêmes, qui pourraient pousser les prix des produits alimentaires à la hausse. L’inflation pourrait aussi être plus forte qu’anticipé si les anticipations d’inflation dépassent l’objectif du Conseil des gouverneurs, ou si les salaires ou les marges bénéficiaires augmentent plus que prévu. En revanche, l’inflation pourrait surprendre à la baisse si la politique monétaire freine davantage la demande qu’anticipé ou si l’environnement économique dans le reste du monde se détériore de manière inattendue, en raison potentiellement de l’aggravation récente des risques géopolitiques.

Conditions financières et monétaires

Les taux d’intérêt de marché ont nettement diminué depuis la dernière réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs du 26 octobre 2023 et sont inférieurs aux taux anticipés dans les projections des services de la BCE. La politique monétaire restrictive du Conseil des gouverneurs continue de se transmettre vigoureusement aux conditions de financement globales. Les taux des prêts bancaires ont de nouveau augmenté en octobre, ressortant à 5,3 % pour les prêts aux entreprises et à 3,9 % pour les prêts hypothécaires.

La hausse des taux d’emprunt, l’atonie de la demande de prêts et le resserrement de l’offre de prêts ont de nouveau affaibli la dynamique du crédit. Les prêts aux entreprises ont diminué à un rythme annuel de 0,3 % en octobre et la croissance des prêts aux ménages est également restée modérée, progressant à 0,6 % en rythme annuel. Du fait de l’affaiblissement de l’activité de prêt et de la réduction du bilan de l’Eurosystème, la monnaie au sens large – mesurée par M3 – a continué de se contracter. En octobre, elle a diminué à un rythme annuel de 1,0 %.

Conformément à sa stratégie de politique monétaire, le Conseil des gouverneurs a procédé à une évaluation approfondie des liens entre politique monétaire et stabilité financière. Les banques de la zone euro ont démontré leur résilience. Elles affichent des ratios de fonds propres élevés et leur rentabilité a significativement augmenté l’année dernière. Toutefois, les perspectives en matière de stabilité financière demeurent fragiles dans l’environnement actuel de durcissement des conditions de financement, d’atonie de la croissance et de tensions géopolitiques. En particulier, la situation pourrait se détériorer si les coûts de financement des banques augmentent plus que prévu et si un plus grand nombre d’emprunteurs éprouvent des difficultés à rembourser leurs prêts. Dans le même temps, les répercussions globales d’un tel scénario sur l’économie devraient être limitées si les marchés financiers réagissent de manière ordonnée. La politique macroprudentielle reste la première ligne de défense contre l’accumulation de vulnérabilités financières, et les mesures en place contribuent à préserver la résilience du système financier.

Décisions de politique monétaire

Le taux d’intérêt des opérations principales de refinancement ainsi que ceux de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt sont demeurés inchangés, à respectivement 4,50 %, 4,75 % et 4,00 %.

Le portefeuille du programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP) se contracte à un rythme mesuré et prévisible, car l’Eurosystème ne réinvestit plus les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance.

Au cours du premier semestre 2024, le Conseil des gouverneurs entend poursuivre le réinvestissement intégral des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du PEPP. Il prévoit de réduire le portefeuille du PEPP de 7,5 milliards d’euros par mois en moyenne au second semestre de l’année. Le Conseil des gouverneurs entend mettre un terme aux réinvestissements dans le cadre du PEPP fin 2024.

Le Conseil des gouverneurs continuera de faire preuve de flexibilité dans le réinvestissement des remboursements des titres arrivant à échéance détenus dans le portefeuille du PEPP, afin de contrer les risques liés à la pandémie qui pèsent sur le mécanisme de transmission de la politique monétaire.

À mesure du remboursement par les banques des montants empruntés dans le cadre des opérations de refinancement à plus long terme ciblées, le Conseil des gouverneurs évaluera régulièrement la contribution des opérations de prêt ciblées et de leurs remboursements en cours à son orientation de politique monétaire.

Conclusion

Le Conseil des gouverneurs a décidé, lors de sa réunion du 14 décembre 2023, de laisser inchangés les trois taux directeurs de la BCE. Le Conseil des gouverneurs est déterminé à assurer le retour au plus tôt de l’inflation au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme. Sur la base de son évaluation actuelle, le Conseil des gouverneurs considère que les taux se situent à des niveaux qui, maintenus pendant une durée suffisamment longue, contribueront fortement au retour au plus tôt de l’inflation au niveau de la cible. Les futures décisions du Conseil des gouverneurs feront en sorte que les taux d’intérêt directeurs de la BCE soient fixés à des niveaux suffisamment restrictifs, aussi longtemps que nécessaire, afin d’assurer ce retour au plus tôt. Le Conseil des gouverneurs maintiendra une approche s’appuyant sur les données pour déterminer le degré et la durée appropriés de cette orientation restrictive. 

Le Conseil des gouverneurs prévoit de réduire le portefeuille du PEPP au second semestre 2024 et de mettre fin aux réinvestissements au titre du PEPP fin 2024.

En toute hypothèse, le Conseil des gouverneurs se tient prêt à ajuster l’ensemble de ses instruments, dans le cadre de son mandat, pour assurer le retour de l’inflation au niveau de sa cible à moyen terme et pour préserver une bonne transmission de la politique monétaire.
 

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