Interview

Le Républicain lorrain : « La baisse des taux viendra en son temps »

Les intervenants

François Villeroy de Galhau intervention

François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France

23 Novembre 2023
François Villeroy de Galhau intervention

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, sera à Metz ce vendredi 24 novembre pour une conférence intitulée « Entre chocs et incertitudes, quelques repères pour l’économie française ». Fin de la hausse des taux directeurs, livret A, inflation : tour d’horizon des principaux sujets de préoccupation hexagonaux.

Nous allons doucement vers la fin de l’année 2023. Une année marquée par un niveau d’incertitudes, géopolitiques notamment, assez exceptionnel. Quels sont vos points de vigilance actuels ?
Après la crise Covid et la crise ukrainienne, la situation au Proche-Orient est effectivement aussi dramatique. Nous sommes particulièrement vigilants sur le prix du pétrole mais force est de constater, pour l’heure, que les réactions des marchés restent mesurées : nous sommes aujourd’hui autour du niveau de prix du 7 octobre dernier. Un point d’attention demeure sur une toujours possible extension du conflit, dont les conséquences seraient alors toutes autres.

Cette crise est différente de la crise ukrainienne ?
Oui: économiquement, elle ne s’accompagne pas cette fois d’un choc généralisé sur les prix des autres énergies ou encore des matières premières dont a besoin notre économie. Pour cette raison, nous maintenons notre prévision de retour de l’inflation vers 2% d’ici 2025. Et nous anticipons un ralentissement de la croissance mais pas une récession. 

Concernant le risque de récession justement, votre analyse est-elle la même pour toute la zone euro ?
En moyenne sur la zone, oui. Ce qui ne signifie pas que tel ou tel pays ne pourra pas connaître une période de récession technique. On sait que certaines économies de l’Union, comme l’Allemagne, sont plus fortement impactées que la nôtre… Mais nous devrions échapper au scenario noir redouté il y a un an.

Concernant le taux d’inflation, déjà ramené de 7% à 4%, le traitement de choc mis en œuvre par la Banque de France a porté ses fruits…
Il faut bien mesurer que l’inflation est une maladie, avec des conséquences économiques et sociales graves, notamment pour les plus fragiles de nos concitoyens. La politique de hausse des taux directeurs de la BCE (dix fois consécutivement, NDLR) en est le remède. Celui- ci n’est pas toujours agréable, mais il est efficace: l’inflation a déjà baissé de 7% à 4 % en France, et va donc redescendre vers 2 %. Pour un bon traitement, il faut bien combiner la dose et la durée : concernant la dose, sauf nouveau choc, c’est terminé, il n’y aura plus de nouvelle hausse. Par contre, il faut la durée pour que le remède agisse: la baisse des taux viendra en son temps.

Les conséquences sur l’économie sont nombreuses. Quid du secteur immobilier par exemple ?
Le secteur immobilier est très sensible aux variations de taux. La baisse, nette, de la production de prêts demeure toutefois moindre que chez nos voisins allemands par exemple. Il y a aujourd’hui une part d’attentisme des ménages qui attendent une certaine baisse des prix de l’immobilier. Ceci dit, il est souhaitable que l’offre de crédits bancaires reparte maintenant progressivement, mais sans risquer de surendetter les ménages : attention aux suggestions d’oublier les normes de bon sens du HCSF (Haut Conseil de stabilité financière) 

Vous plaidez pour un maintien du taux du livret A à 3%. Qu’est-ce qui fonde cette position ?
La volonté est aussi celle du Ministre d'une stabilisation dans la durée, au moins jusqu’à début 2025 : dans un contexte de décrue de l’inflation, un taux à 3% sera favorable pour les épargnants. En outre, le livret A est un élément important du financement de notre économie, du logement social et de l’immobilier notamment. Par ailleurs, ceci s’accompagne d’une forte accélération sur les livrets d’épargne populaires (LEP), rémunérés quant à eux à 6% : nous sommes passés à plus de 10 millions de titulaires, et visons 12,5 millions d’ici l’été prochain. Le LEP est le meilleur produit d’épargne populaire aujourd’hui.

La question de la dette est-elle suffisamment présente dans le cadre de la discussion budgétaire en cours ?
La Banque de France n’a pas vocation à commenter la discussion budgétaire. Ceci dit, le ministre de l’Économie et des Finances a raison de plaider pour une trajectoire de désendettement plus ambitieuse. En 6 ans, de 2021 à 2027, la charge de la dette dans notre pays va être multipliée par trois ! Ne pas s’en soucier, ce serait obérer notre capacité à financer nos politiques publiques, et l’avenir de nos enfants.