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France Inter : « L’étouffement budgétaire, c’est qu’au bout de dix ans, le supplément d’intérêts aura englouti plus que tout le budget de l’Éducation nationale »
Intervenant
François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France
Mise en ligne le 19 Décembre 2025
« Arrêtons de choisir les seniors plutôt que les jeunes »
Interview du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, sur France Inter le vendredi 19 décembre 2025
France Inter : « L’étouffement budgétaire, c’est qu’au bout de dix ans, le supplément d’intérêts aura englouti plus que tout le budget de l’Éducation nationale »
Ali Baddou
Le « Grand entretien » ce matin avec Marion L’Hour nous recevons le gouverneur de la Banque de France. Son rôle est multiple et il est considérable, rôle central dans la politique monétaire et la stabilité financière à l'échelle nationale et européenne. Il supervise les banques et les assurances. Il gère le crédit, le surendettement des ménages. Il surveille également les entreprises en très grande difficulté et il publie régulièrement des prévisions économiques qui font autorité et qui nous permettent de mieux comprendre et de mieux regarder à quoi ressemble la santé de l'économie française aujourd'hui. Vos questions, chers auditeurs, au 01 45 24 70 00 ou sur l'application Radio France. François Villeroy de Galhau, bonjour.
François Villeroy de Galhau
Bonjour Ali Baddou.
Ali Baddou
Et bienvenue docteur. Vous avez donc publié des projections macroéconomiques pour la France, on va s'y arrêter. Mais d'un mot, si vous deviez diagnostiquer le patient, il est malade, il se porte bien, il est résilient comme disent certains ?
François Villeroy de Galhau
Oui, il est résilient. Là, il faut vraiment donner un coup de chapeau au courage des entrepreneurs qui continuent à se battre, et au courage des Français qui travaillent. Il y a plus de 30 millions de Français au travail. Le résultat, c'est que nous remontons un peu notre prévision de croissance à 0,9% cette année - contre 0,7% jusqu'à présent - et à 1% pour les deux années prochaines. Je le souligne, c'est résilient mais ce n'est pas suffisant. Il y a une faiblesse de la croissance dans toute l'Europe qu’il va falloir aussi traiter.
Ali Baddou
Évidemment, mais cette résilience, elle vous paraît surprenante ? Dans la période d'incertitude que nous traversons et avec les difficultés qui s'accumulent et cette croissance qui reste atone, extrêmement faible, ça vous surprend ?
François Villeroy de Galhau
Je crois qu’il y a une forme d'autonomisation de la vie économique par rapport à la vie politique.
Ali Baddou
Qu'est-ce que ça veut dire ?
François Villeroy de Galhau
Ça veut dire que les chefs d'entreprise et les Français continuent à faire tourner l'économie, à créer, malgré l'instabilité politique. Ceci dit, nous estimons que cette incertitude politique et budgétaire nous coûte au moins 0,2% de croissance pour la France. Donc on aurait pu et on devrait faire encore mieux… En particulier, il faut traiter notre problème budgétaire. Le problème des déficits, c'est, pour reprendre votre expression, la maladie numéro 1 de la France aujourd’hui.
Ali Baddou
Évidemment, mais 0,2% de croissance, juste d'un mot pour que tous les auditeurs et moi-même nous comprenions, qu'est-ce que ça représente très concrètement ?
François Villeroy de Galhau
Cela rapporterait, mécaniquement, à la France 6 milliards de plus. Donc cela ferait plus d'emplois, plus de pouvoir d'achat, et aussi plus de recettes publiques pour diminuer nos déficits.
Marion L'Hour
Alors, puisque vous nous parlez des déficits, justement, les discussions sur le budget 2026 sont en cours, elles touchent à leur fin en réalité, puisqu'on est en commission mixte paritaire à partir d'aujourd'hui. À ce stade, en fait, il y a plusieurs versions du projet de budget. Il y a celui du Sénat, qui prévoit un déficit à 5,3%, et celui de Matignon, qui espère plutôt 5%. Pour vous, ce déficit à 5%, c'est vraiment un plafond ? Vous dites que sinon, la France serait en danger, pourquoi ?
François Villeroy de Galhau
Oui, il y a d'abord la procédure parlementaire, il y a effectivement cette commission mixte paritaire, aujourd'hui. Il n'est pas sûr que ce soit tout à fait la fin du feuilleton…
Marion L'Hour
Il faut un vote à l’Assemblée.
François Villeroy de Galhau
Mais on va regarder le chiffre global de déficit, c'est effectivement cela qui compte. On part de 5,4% du PIB, rapporté à la taille de notre économie, pour cette année 2025. Il faut absolument être à 3% dans quatre ans. C'est l'engagement européen que nous avons pris, mais c'est surtout le niveau de déficit à partir duquel la dette commence enfin à reculer.
Ali Baddou
Vous y croyez toujours au 3% ? C'est un objectif qui appartient au passé, non ?
François Villeroy de Galhau
Je crois, Ali Baddou, que c'est extrêmement important.
Ali Baddou
Mais ça ressemble furieusement à une fiction depuis quelques années, notamment depuis le Covid.
François Villeroy de Galhau
Non, j'espère bien que ce n'est pas une fiction. D'ailleurs, tous nos voisins européens sont descendus sous les 3% ou sont en voie de le faire comme l'Italie.
Marion L'Hour
Mais c'est quoi le danger ?
François Villeroy de Galhau
Pourquoi est-ce très important ? Je crois qu'il faut l'illustrer pour les auditeurs. La France, sinon, est menacée d'étouffement budgétaire. Ce sont des choses très concrètes. Chaque année, aujourd'hui, les intérêts que nous devons payer sur la dette, ça nous coûte 7 milliards de plus. Donc au bout de 10 ans, ça fait 70 milliards qu'on dépense. 70 milliards, c'est énorme !
Ali Baddou
74 milliards en 2026, c'est le deuxième poste de dépense de l'État après le budget de l'Éducation nationale.
François Villeroy de Galhau
Cela veut dire qu'au bout de 10 ans, on a englouti en suppléments d'intérêts plus que le budget, effectivement, de l'Éducation nationale ou de l'école. C'est cela l'étouffement budgétaire. Il vaut bien mieux consacrer nos ressources à des dépenses comme notre sécurité, comme l'école, comme le numérique ou le climat.
Ali Baddou
Oui mais ça implique de réaliser des économies et c'est là où votre discours est écouté de très, très près. Parce que lorsque vous proposez de revenir à l'équilibre budgétaire ou quasiment qu'il faudrait réaliser 140 milliards d'Euros d'économies d'ici 2029, les chiffres ont été différents selon les différents Premiers ministres qui se sont succédé très rapidement à Matignon. Est-ce que cet objectif est atteignable sans massacrer le modèle social français ? Je le dis brutalement.
François Villeroy de Galhau
Je suis très attaché au modèle social européen, comme la grande majorité des Français. Et quand on regarde nos voisins, c'est encourageant parce qu'ils ont réussi à le faire en gardant le modèle social. Mais si je peux revenir une minute sur les chiffres, pour être vers ces 3% en 2029, j'avais souhaité qu'on fasse le quart du chemin la première année et donc que le déficit descende à 4,8% l'an prochain. Au vu du débat parlementaire…
Marion L'Hour
On n’y arrivera pas.
François Villeroy de Galhau
Ce n'est plus atteignable aujourd'hui. Mais il y a une vraie frontière, ce sont les 5% dont vous parliez, et au-delà effectivement la France se mettrait en danger. Les marchés financiers et les investisseurs internationaux peuvent être extrêmement volatils et sensibles à un certain nombre de signaux négatifs : une procédure européenne qui reprendrait contre la France, pour déficit excessif, des agences de notation qui nous dégradent, etc. Ne prenons pas ce risque.
Ali Baddou
Ce risque, il existe ! Les marchés internationaux continuent de suivre la France, les investissements étrangers se portent extrêmement bien dans notre pays, malgré tous ces indicateurs qui vous inquiètent et vous alarment à juste titre.
François Villeroy de Galhau
Les investisseurs internationaux continueront bien sûr de prêter à la France, mais ils risquent de prêter beaucoup plus cher. Et si les taux d'intérêt français montent, ce n’est pas seulement un problème pour l'État qui emprunte, c'est aussi un problème pour les entreprises, et c'est un problème pour les Français eux-mêmes à travers par exemple les crédits immobiliers.
Alors comment faut-il faire ? C'est la question que vous posiez. Je crois qu'il faut d'abord regarder les dépenses, et pas pour faire du tout des coupes sauvages : il faudrait arriver à stabiliser globalement les dépenses, ce qu'on appelle en volume, c'est-à-dire après avoir tenu compte de l'inflation. Pour le même résultat que nos voisins, dont j'ai parlé, avec le même modèle social, nous dépensons beaucoup plus qu'eux ; nous dépensons 9% du PIB en plus. Donc regardons politique par politique, le logement, la sécurité, la santé, ce qui marche le mieux chez nos voisins. Moi je ne suis pas du tout idéologique ou politique, la Banque de France est indépendante, je suis très pragmatique.
Marion L'Hour
Alors à ce stade, l'option la plus probable, on va dire, c'est la mise en place d'une loi spéciale, si les députés et les sénateurs n'arrivent pas à s'entendre, et si le budget ne passe pas le cap de l'Assemblée, ce qui est quand même, à ce stade, l'option privilégiée. Est-ce que cette loi spéciale, c'est-à-dire en quelque sorte reconduction du budget pour arriver à payer les retraites et toutes les prestations, c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle ? Parce qu'au fond ça permet de faire des économies.
François Villeroy de Galhau
La loi spéciale, c'est une solution de très court terme. Comme nous l'avons d'ailleurs fait l'année dernière, pour quelques semaines : ensuite il y a eu un budget adopté début février. Il faut un budget, pour deux raisons : la première c'est qu’une loi spéciale ne fait aucun choix, or nous avons besoin, par exemple, de dépenser plus pour la défense. L'autre raison, c'est que la loi spéciale nous conduirait à un déficit nettement supérieur à ce qui est souhaitable, parce qu'elle ne comporte pas de mesure d'économie, elle ne comporte non plus aucune mesure fiscale.
Marion L'Hour
Mais pas de revalorisation des retraites non plus, par exemple ?
François Villeroy de Galhau
Si, la revalorisation des retraites est acquise depuis le vote de ce qu'on appelle le PLFSS, le projet de loi de la Sécurité sociale. Au passage d'ailleurs, ce PLFSS a été acquis par une majorité au Parlement. C'est plutôt une bonne nouvelle pour la stabilité politique.
Marion L'Hour
Grâce à la suspension.
François Villeroy de Galhau
…Mais sur le contenu, il fait plutôt le choix des seniors, dont je suis d'ailleurs, plutôt que des jeunes. Il y a indexation complète des retraites, même des plus aisés ; or il est arrivé en France entre 2014 et 2016, qu'on freine la hausse des retraites des plus aisés, et beaucoup de nos voisins l'ont fait. Il n'y a non plus aucune économie sur des dépenses de santé de confort, et du coup on lègue trop de déficit à nos enfants et petits-enfants. Marion L'Hour, je vais dire une chose très simple, d'habitude les parents ou les grands-parents aident leurs enfants ; là collectivement, nous sommes en train de faire l'inverse, nous leur transmettons une charge supplémentaire. Il faudrait vraiment revenir à la solidarité.
Ali Baddou
On leur transmet aussi le patrimoine avec la disparition des boomers, et ça c'est un transfert aussi absolument considérable, donc la situation est plus compliquée. François Villeroy de Galhau, deux questions rapides avant de rejoindre les auditeurs d'Inter ; l'opinion des Français sur la situation économique du pays pour l'année à venir, s'est nettement dégradée. C'est ce qu'on peut lire dans la dernière note de l'INSEE parue cette semaine. La part des ménages pessimistes pour le pays est passée de 23% avant la pandémie à 43%, près d'un Français sur deux est inquiet quant à l'avenir économique de la France. Vous aussi ?
François Villeroy de Galhau
Cette enquête de l'INSEE, que vous citez, est très intéressante. Elle montre que les Français sont à la fois pessimistes sur le plan collectif, et relativement confiants sur leur situation individuelle. Quand on nous compare d'ailleurs à l'Allemagne ou à l'Italie, c'est une spécificité française. Donc, nous avons des joueurs français formidables, on le disait tout à l'heure à propos de l'économie : 68 millions de Français, dont 30 millions au travail, simplement notre moral collectif est très mauvais.
Ali Baddou
Bonheur individuel, malheur collectif ?
François Villeroy de Galhau
Je crois que nous sommes à la fois un peu trop complaisants avec nos faiblesses - on a parlé des déficits et de la dette - et pas assez confiants dans nos propres atouts. Vous savez, l'économie française et européenne a beaucoup d'atouts : une épargne privée abondante, un grand marché intérieur, un réservoir de talents, c'est cela qu'il faut mobiliser. Puisqu'on parlait de la croissance, je vais émettre un souhait, mais qui est réaliste, il y a autour de 1% de croissance résiliente, mais nous pourrions porter la croissance française et européenne, plutôt à 1,5% en moyenne et cela changerait tout.
Ali Baddou
Mais vous parliez de l'épargne, elle est liée aussi à l'inquiétude, à l'incertitude. François Villeroy de Galhau, le taux d'épargne est en forte hausse : 18,4% au troisième trimestre 2025, c'est une hausse de 4 points par rapport à l'avant-pandémie. Les Français épargnent trop, ils ne dépensent pas assez, la consommation c'est la moitié du PIB du pays.
François Villeroy de Galhau
C'est le reflet direct de l'incertitude politique dont nous parlions. On voit partout dans les économies avancées une épargne beaucoup plus élevée qu'avant la pandémie, à cause de ce contexte international inquiétant, y compris la guerre en Ukraine. Mais nous y ajoutons, nous Français, une couche supplémentaire d'incertitude, c'est ça qui coûte 0,2 point de croissance. C'est ce qui fait aussi, à Ali Baddou, que si on règle notre problème de dette, qu'on commence à réduire sérieusement nos déficits, cela ne pèsera pas sur la croissance cette fois-ci, je le souligne, cela réduirait l'incertitude, et probablement, ferait un peu moins d'épargne et plus de consommation de la part des Français.
Ali Baddou
Question de Jonathan sur l'application Radio France : monsieur le gouverneur, l'inflation a été largement maîtrisée. C'est l'un des rôles de la Banque de France notamment. Il est temps de baisser les taux d'intérêt pour relancer l'investissement, notamment les crédits immobiliers nécessaires aux Français pour accéder au logement. Il y a urgence. Pourquoi est-ce que ça ne se fait pas ?
François Villeroy de Galhau
Ça s'est fait ! J'étais hier à Francfort pour la réunion à la Banque centrale européenne du Conseil des Gouverneurs, sous la présidence de Christine Lagarde. Les taux applicables sur l'euro, nous les avons baissés huit fois depuis l'année dernière. Ils sont aujourd'hui à 2%, alors qu'ils sont à 3,6% aux Etats-Unis ou 3,75% en Angleterre. Et cela se traduit sur le crédit immobilier qui soucie légitimement cet auditeur. Ses taux étaient à plus de 4% au début 2024. Ils sont descendus aujourd'hui à un peu plus de 3 %. Les Français d'ailleurs ont recommencé à emprunter, et c'est une bonne chose.
Marion L'Hour
Vous parliez des sujets européens. Les dirigeants européens sont parvenus à un accord la nuit dernière pour aider l'Ukraine à se financer contre la guerre d'invasion russe. Donc, les Européens vont prêter 90 milliards d'euros à Kiev, un argent qui sera adossé sur le budget européen et non pas sur les avoirs russes qui étaient gelés, notamment parce que la Belgique, qui abrite la plupart de ces avoirs, craignait des mesures de rétorsion russes. D'après vous, banquier central, est-ce que c'est la moins mauvaise des solutions ?
François Villeroy de Galhau
Il y a eu beaucoup de débats sur comment faire, avec un débat juridique extrêmement compliqué autour de ces avoirs russes. Je ne vais pas prétendre avoir une compétence particulière…
Marion L'Hour
Est-ce qu’il y avait un risque financier, peut-être ?
François Villeroy de Galhau
Mais je crois qu'il faut saluer cette décision européenne de financer l'Ukraine. Nous devons aider l'Ukraine, parce que son combat est un combat juste. Et c'est aussi notre intérêt économique d'essayer que ce pays tienne bon.
Ali Baddou
Mais sommes-nous en situation, collectivement, de prêter 90 milliards d'euros à taux zéro ? Ce que font les Européens pour aider les Ukrainiens. Vous avez parlé de l'ampleur de la dette, et on connaît l'ampleur des déficits. Est-ce que nous sommes en situation de prêter 90 milliards d'euros à un pays tiers, sans taux d'intérêt ?
François Villeroy de Galhau
Je crois qu'il faut regarder le monde tel qu'il est. Évidemment, nous préférerions tous qu'il n'y ait pas eu d'agression russe en Ukraine. Cela a d'autres conséquences budgétaires : nous devons augmenter nos dépenses de défense. Mais l'aide totale à l'Ukraine représente moins de 1% du PIB européen. Je crois malheureusement que c'est un bon investissement pour notre sécurité, pour la paix, et du coup, à terme, pour la croissance économique. Raison de plus pour être rigoureux, sérieux sur les autres dépenses. Nous avons des marges de manœuvre. Et puis il faut certaines mesures exceptionnelles du côté des recettes fiscales. On ne peut pas augmenter beaucoup les impôts, mais si je me permets de citer un exemple, une surtaxe temporaire d'impôt sur les sociétés comme elle existait l'année dernière, sur les grandes entreprises, jusqu'à ce qu'on soit descendu sous 3 % de déficit, c'est peut-être justifié.
Ali Baddou
Bonjour Edouard, et bienvenue sur France Inter. Avec le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. Vous aviez une question justement sur l'institution qu'il dirige.
Edouard, auditeur
Je m'interrogeais, avec les déficits qu'on a, de l'intérêt du maintien de la Banque de France, étant donné qu'il y a une banque centrale européenne, et que le coût de la Banque centrale de France est quand même extrêmement cher.
Ali Baddou
Bonne question. Vous nous appelez, Edouard, de la Réunion. Réponse, François Villeroy de Galhau. Il n'est pas le seul à se poser cette question.
François Villeroy de Galhau
Je vais répondre sur deux choses. La première, c'est l'engagement que nous avons pris vis-à-vis des Français, qui sont nos actionnaires, puisque la Banque de France est 100% publique, de réduire sensiblement nos coûts : ce que nous avons fait sur les 10 dernières années. Cela a été un effort très exigeant de la part des hommes et des femmes de la Banque de France, que je salue. Et l'autre chose qui est très importante, c'est que l'euro, il fonctionne avec un système fédéral, c'est-à-dire une banque centrale européenne, qui est de taille assez limitée, et puis des banques centrales nationales dans chaque pays, dont la Banque de France. C'est cela qui nous permet d'être en proximité des Français et de rendre tous les services dont nous parlions, cette analyse de conjoncture que nous faisons sur le terrain, le surendettement, la surveillance des banques, etc. L'euro n'est pas hors sol dans une tour à Francfort. L'euro est en proximité des acteurs économiques et des citoyens.
Ali Baddou
Eh bien, la proximité des citoyens, justement, avec les citoyens, c'est une question qui se pose à de nombreux Français.
Marion L'Hour
En effet. Avec les règles du découvert bancaire, cette proposition de loi qui vient d'être présentée en Conseil des ministres, les banques devront mener une analyse de solvabilité, comme pour les crédits à la consommation. En fait, ça veut dire qu'on pourra refuser, la banque pourra refuser un découvert en cas de revenu trop faible. Qu'est-ce que vous pouvez dire aux Français inquiets ?
François Villeroy de Galhau
Il ne faut pas que cela change la situation pour les petits découverts. Cette directive européenne a été adoptée à l'unanimité, parce qu'elle protégeait mieux justement les consommateurs et les emprunteurs. Les banques, en fait, faisaient déjà une étude assez simple de leurs emprunteurs avant d’accorder un prêt.
Ali Baddou
Oui, elles font payer des agios. Ça n'est pas de la philanthropie ni de la générosité ?
François Villeroy de Galhau
Ce n'est pas de la générosité. Il n'y avait pas de droit automatique au découvert. Nous allons veiller dans ce qu'on appelle l'Observatoire de l'inclusion bancaire, avec les associations et les banques, à ce que les choses ne changent pas en pratique. Et effectivement, il y a des agios. Alors, cela, c'est un aspect positif de la directive qu'on a moins souligné, c'est que ces agios vont être beaucoup mieux plafonnés.
Ali Baddou
Et une question aussi, conjoncturelle, c'est celle des virements, Marion, puisque c'était une question qui s'est posée. Et de nombreuses personnes se demandaient s'ils pourraient faire des virements.
Marion L'Hour
À la fin de l'année, entre Noël et le jour de l'an, pas de virement ? Comment ça se fait ? Comment est-ce possible ?
François Villeroy de Galhau
Il peut y avoir telle ou telle mesure technique, mais à chaque fois, les banques ont pris effectivement des dispositions pour que les gens puissent effectuer leurs paiements. Il n'est pas question d'arrêter la vie économique, en plus pendant la période des fêtes, que je souhaite quand même bonnes à toutes celles et ceux qui nous écoutent.
Ali Baddou
Vous incitez, oui, les Français à aller dépenser. Dépensez pour acheter des cadeaux et faire justement les fêtes de la plus belle manière qui soit ? Allez casser vos livrets d'épargne pour faire des cadeaux à ceux que vous aimez ?
François Villeroy de Galhau
Non, je suis assez respectueux de la liberté des Français qui, encore une fois, sont les propriétaires de la Banque de France.
Ali Baddou
Non mais dites-le, vous n'êtes pas le Père Noël.
François Villeroy de Galhau
Non, je ne suis pas le Père Noël. Et le Père Noël, en matière économique, n'existe pas. C'est d'ailleurs plutôt une bonne nouvelle, c'est que notre santé économique est le résultat de notre travail. Donc, quand on travaille de façon efficace, ce que les Français ont fait, on a des meilleurs résultats. Mais ce sont les Français qui décident. Réduisons les taux d'intérêt, on l'a fait ; réduisons l'incertitude, ça, on a encore à le faire ; et je pense qu'effectivement, notre pays se portera mieux. On parlait de l'équipe des 30 millions de Français au travail. Nous avons fait, nous Français, une chose formidable, c'est la réussite des Jeux Olympiques il y a un an. Nous avons étonné ensemble le monde entier. Alors, ayons plutôt l'esprit des Jeux Olympiques que les zizanies d'Astérix qui ne nous aident pas du tout à avancer. J'espère qu'il y aura des compromis politiques possibles pour un budget qui redresse enfin les comptes de la France.
Ali Baddou
Et 64 médailles ! Sur l'application Radio France, puisque vous parliez de la croissance et de son importance, Jean-Charles vous demande comment il est possible de conserver le modèle économique actuel, de croissance à tout prix, tout en tenant les objectifs de développement durable et de soucis de préservation de la planète.
François Villeroy de Galhau
C'est aussi une question très importante. On peut avoir une croissance qui soit plus verte, qui soit moins émettrice de CO2, avec des énergies décarbonées. La France a le nucléaire. Il faut développer le renouvelable. Mais c'est aussi l'intérêt stratégique de l'Europe. Les énergies décarbonées, ce sont les seules que nous sachions produire en Europe. Les énergies fossiles, que ce soit le pétrole, le gaz, le charbon, il faut aller les chercher en dehors d'Europe, et cela crée de la dépendance stratégique : on l'a vu avec le gaz russe. Donc, notre intérêt écologique rejoint notre intérêt économique. Il faut évidemment continuer sur la transition. Là je suis désolé de dire que M. Trump et son administration sont en déni de la réalité climatique. L'Europe, heureusement, continue le combat contre le changement climatique.
Marion L'Hour
Alors, à propos d'environnement et de commerce extérieur, il faut parler quand même du report du traité du Mercosur, la signature qui était prévue ces jours-ci et qui va être reportée au mois de janvier. Le commerce extérieur, il porte aussi la croissance française. Est-ce que vous trouvez que c'est dommage de ralentir sur cet accord ?
François Villeroy de Galhau
C'est un accord qui a été très longuement négocié. Je pense qu'en général, l'Europe a intérêt à passer ce type d'accord, à fortiori face au nouveau protectionnisme américain, et puis à l’offensive commerciale chinoise. Il y a beaucoup d'autres partenaires dans le monde avec qui il faut que nous passions des accords. Le Mercosur est un sujet sensible, on le sait, pour les agriculteurs. Donc, on s'est donné un peu plus de temps pour regarder des clauses qui protègent mieux les agriculteurs européens. Si c'est un délai qui permet d'arriver à un meilleur accord et plus de garanties, ce n'est pas une mauvaise chose. Mais l'intérêt global, c'est que l'Europe soit au centre de coalitions de volontaires qui veulent garder un monde juste. L'Europe, on en a beaucoup parlé…
Ali Baddou
D’un mot, oui, puisque c’est le terme de cet entretien.
François Villeroy de Galhau
C'est peut-être mon souhait de cette fin d'année… L'Europe porte un certain nombre de valeurs, on a parlé de notre modèle social, mais aussi des règles du jeu équilibrées, qui ne soit pas toujours la loi du plus fort, et puis le respect bien sûr des valeurs démocratiques. C'est un combat qui vaut la peine d'être mené.
Ali Baddou
Vous avez une drôle de liste pour le père Noël, François Villeroy de Galhau. Merci monsieur le gouverneur.
François Villeroy de Galhau
Une belle liste, vous reconnaissez.
Ali Baddou
Vous êtes optimiste ?
François Villeroy de Galhau
Je suis en tout cas déterminé. Et je trouve que l'exemple des chefs d'entreprise et des Français qui ont continué de travailler nous montre la voie grâce à cette résilience économique.
Ali Baddou
Bonne journée et bonnes fêtes monsieur le gouverneur de la Banque de France. Merci d'avoir été l'invité d'Inter.
François Villeroy de Galhau
Merci à vous.
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Mise à jour le 22 Décembre 2025