- Accueil
- Communiqués de presse
- Réponse du gouverneur à un article du Mo...
Réponse du gouverneur à un article du Monde
17 mai 2024
Mise en ligne le 17 Mai 2024
Monsieur le président du directoire, monsieur le directeur,
Je viens de lire avec stupéfaction l’article du Monde paru en ligne sur « les notes de frais du gouverneur de la Banque de France en question ». C’est nous qui, en totale transparence, et en réponse aux demandes du journaliste, lui avons passé ces notes ; elles sont toutes justifiées par les missions mêmes de la Banque de France et de son dirigeant, et marquées par un souci constant de maîtrise. Le journaliste n’a tenu aucun compte des explications qui lui ont été régulièrement fournies en ce sens.
Lorsqu’en 2015, sur proposition du Président de la République François Hollande, le Parlement m’a fait l’honneur de voter de façon transpartisane en faveur de ma nomination, j’ai dit devant les Commission des finances que j’avais mes limites, comme chacun, mais que j’étais « un homme libre et un homme droit », et que je m’engageais à servir comme tel. Depuis neuf ans, tout le monde reconnaît que j’ai été fidèle à cet engagement. Au cours de mes quarante années de vie professionnelle, essentiellement dans le service public, personne n’a jamais mis en cause mon intégrité, ni mon souci des deniers publics et de la simplicité. Qu’est-ce qui justifie aujourd’hui une telle attaque purement personnelle, et sans aucun fondement ?
L’article aurait dû commencer par préciser que l’ensemble de ces déplacements correspond aux obligations européennes et internationales fortes de la Banque de France. La Banque de France via son gouverneur est membre du Conseil de la BCE ; du G7, du G20 et des assemblées du FMI ; et je suis président de la Banque des Règlements Internationaux (BRI). Dans chacune de ces réunions se prennent des décisions clés pour l’économie française et nos concitoyens, afin notamment de combattre l’inflation, éviter la propagation de la crise bancaire américaine de mars 2023, coordonner la réponse aux chocs sur l’économie mondiale… Il est essentiel que la voix de la France y soit exprimée et écoutée, et cette voix est effectivement aujourd’hui reconnue.
***
Venons-en aux faits et aux chiffres, tels que nous les avions transmis, et qui sont systématiquement biaisés par l’article. Les frais de mission se décomposent de la façon suivante :
- 27 479 € de frais d’avion. C’est la plus grosse part, tenant pour l’essentiel à trois déplacements long courrier (17 478 €) : pour le G20 en Inde en février, pour les assemblées annuelles du FMI aux États-Unis en avril, et pour le G7 au Japon en mai. Ces déplacements se font effectivement en classe affaires (mais jamais en première classe) comme le prévoit traditionnellement la politique de voyage de la Banque de France, et comme c’est le cas pour les dirigeants publics en France et dans les pays étrangers, pour des raisons de travail, de sécurité et de confidentialité. Ceci vaut aussi pour les quelques déplacements en avion en Europe, tous liés aux réunions européennes de la BCE ou de l’Ecofin informel, et moins coûteux.
- 7 202 € de train. Ce moyen de transport plus écologique est quasi systématique en France, ainsi que pour les déplacements à Francfort hors contraintes d’agenda exceptionnelles, sur ma décision depuis 2019. J’ai dû aller neuf fois en 2023 au siège de la BCE, lieu essentiel de décision.
- 9 882 € de frais d’hôtel, pour 35 nuitées. C’est là que l’article concentre l’essentiel de ses allégations, en suggérant que je privilégie systématiquement « des hôtels quatre et cinq étoiles ». C’est faux. À Francfort, j’ai choisi personnellement depuis mai 2023 de séjourner dans un hôtel de moindre budget que celui traditionnellement négocié à la BCE, à 134 € la nuit. En France, l’article cite une nuit à Marseille pour 273 € – nous avions précisé au journaliste que ce tarif majoré correspondait à une veille de match de la coupe du monde de rugby – ; pourquoi ne pas citer la chambre d’hôtel à Grenoble à 88 € ? De même, l’article cite l’hôtel à Bengalore (Inde) à 368 € la nuit : le choix en était imposé par la localisation du G20 et les organisateurs eux-mêmes ; mais l’article ne cite pas l’hôtel au Maroc pour le FMI à 144 € la nuit. Reste enfin le cas particulier d’une nuit à Davos, pour le forum économique, à 862 € : ceci correspond malheureusement au tarif très élevé en Suisse lors de cette semaine spécifique ; mais l’article omet de préciser que j’ai du coup limité au minimum la durée de mon séjour : une seule nuit pour trois interventions publiques de la Banque de France ; et que je me suis rendu à Davos en train depuis Paris. Au total, hors le cas particulier de Davos, le coût moyen par nuitée est de 265€, ce qui est un budget maîtrisé au regard des grandes villes de destination.
- L’article aurait dû enfin dire que l’arrêté d’avril 2021 ne s’applique explicitement pas à la Banque de France, même si les règles de celle-ci sont très proches pour les membres de délégation ministérielle.
***
Voilà pour les faits, en pleine transparence. J’en reviens donc à la question initiale : qu’est-ce qui justifie une telle attaque personnelle et sans fondement ? Est-ce la volonté de nuire à la Banque de France, et de l’empêcher de réaliser ses missions européennes et internationales ? Est-ce pour faire taire une des voix indépendantes, qui éclaire effectivement – sans jamais polémiquer – sur notre situation de finances publiques ? Est-ce pour bloquer, sous pression notamment d’une organisation syndicale en particulier que vous citez dans l’article, la transformation du grand service public qu’est la Banque de France, dont les 9 000 hommes et femmes sont attachés à rendre aux Français des services encore meilleurs au meilleur coût ? Est-ce pour céder à une tentation populiste que votre journal dénonce souvent par ailleurs ?
Je redis avoir mes limites comme chacun. Mais je crois, avec les hommes et les femmes de la Banque de France, servir mon pays avec loyauté. Dans le débat démocratique légitime, chacun d’entre nous, responsables publics comme presse, a des devoirs de vérité et de responsabilité. C’est dans cet esprit que je vous demande de porter par les mêmes moyens à la connaissance des lecteurs en ligne du Monde, l’intégralité de cette réponse.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président du directoire, Monsieur le directeur, à l’assurance de ma considération distinguée,
François Villeroy de Galhau
Télécharger l'intégralité de la publication
Nous contacter
Mise à jour le 25 Juillet 2024