Une démarche précoce d’identification des risques liés au changement climatique par le superviseur
Les travaux de l’ACPR sur le risque climatique ont débuté en 2015 dans le contexte de la mise en œuvre de la loi sur la transition écologique et la croissance verte, imposant aux investisseurs institutionnels un cadre exigeant de publication des informations extra-financières. Suite à la publication de deux premiers rapports en 2019 sur les expositions des banques et des assurances au risque climatique, deux groupes de travail ont été mis en place avec l’industrie sur les thèmes de la gouvernance du risque climatique et de l’analyse des scénarios, donnant lieu à la publication de deux guides des bonnes pratiques en matière de gouvernance et de gestion du risque climatique pour les banques (2020) et les assurances (2022). Le travail sur les scénarios a permis la préparation de l’exercice pilote, premier exercice de cette nature et de cette ampleur, conduit sur les deux secteurs et s’appuyant notamment sur les premiers scénarios publiés par le NGFS.
Suites de l’exercice pilote climatique
En 2020, l’ACPR a lancé un exercice pilote climatique, c’est-à-dire un test de résistance aux risques financiers liés au changement climatique à horizon 2050, dont les résultats ont été publiés en mai 2021. Le superviseur a organisé avec 9 groupes bancaires et 15 organismes d’assurance, représentant respectivement 85 % et 75 % du marché français, un exercice complet et exigeant d’évaluation des risques associés au changement climatique. Cet exercice illustre le rôle moteur joué par les autorités et la place financière de Paris et les progrès accomplis dans la lutte contre le dérèglement climatique depuis 2015.
Si l’exercice pilote révèle une exposition globalement « modérée » des banques et des assurances françaises aux risques liés au changement climatique, il apparaît que des efforts importants restent à fournir en vue de contribuer à réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon de 2050 et à contenir ainsi la dynamique des températures d’ici la fin du siècle.
Son caractère novateur repose notamment sur son application aux deux secteurs de la banque et de l’assurance, en cherchant en outre à évaluer les interactions via les mécanismes de transfert de risque, son degré de granularité géographique et sectoriel, son hypothèse de bilan dynamique permettant d’évaluer les stratégies des établissements. C’est à ce jour le seul exercice à intégrer également le risque santé lié au réchauffement climatique. Cet exercice a joué un rôle de catalyseur pour les institutions financières françaises et a fortement influencé les travaux d’autres superviseurs dont la BCE.
Les innovations de l'exercice pilote climatique ACPR :
Horizon d’évaluation des risques de court terme, moyen terme et long terme | Méthodologies inédites (analyse de scénarios déclinés au niveau des secteurs économiques) | Hypothèses innovantes (notamment de bilan dynamique) | Couverture des risques physiques et de transition | Hypothèses communes d’évaluation des risques pour les institutions participantes |
Au-delà des enseignements méthodologiques, deux enseignements principaux sur les risques :
- Les vulnérabilités associées au risque physique sont loin d’être négligeables : sur la base des éléments remis par les assureurs, le coût des sinistres pourrait être multiplié par 5 à 6 dans certains départements français entre 2020 et 2050 ;
- Les institutions financières ont pu évaluer des actions correctives (sortie de certains secteurs par exemple) et ont pris conscience de nouveaux risques : hiatus potentiel entre stratégies de sortie de certaines activités émettrices de gaz à effet de serre et objectif de maintien des parts de marché, volonté de financer l’économie ou de préserver une relation client d’où résulte potentiellement une exposition plus durable que prévu aux risques de transition ou physiques.
Des exercices de tests de résistance à l’échelle européenne
En janvier 2022, la BCE a annoncé le lancement d’un test de résistance prudentiel portant sur les risques climatiques, afin d’évaluer l’état de préparation des banques face aux chocs financiers et économiques que ces risques sont susceptibles de provoquer. La Banque de France et l’ACPR ont contribué de façon importante à l’élaboration de cet exercice européen mettant à disposition du Mécanisme de supervision unique l’expérience acquise au niveau national. |
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Rapport conjoint ACPR-AMF sur le suivi et l’évaluation des engagements climatiques des acteurs de la place
L’ACPR et l’AMF, à partir des travaux de leurs Commissions climat et finance durable respectives, ont publié 3 rapports conjoints, en 2020, 2021 et 2022, sur la base des informations publiques disponibles et de questionnaires envoyés aux principaux acteurs de la Place, complétés par de nombreux échanges bilatéraux et des analyses réalisées à partir de données internes aux deux autorités.
Concernant l’exposition des institutions financières aux énergies fossiles, les autorités considèrent que ces institutions se doivent d’intensifier leurs travaux afin de prendre en compte de façon plus robuste, plus transparente et plus homogène leurs expositions aux énergies fossiles, ces efforts devant en premier lieu porter sur la prise en compte de l’intégralité de la chaîne de valeur ainsi que celle du périmètre d’affaires le plus large possible.
Par ailleurs, les autorités ont relevé que les politiques d’accompagnement de la clientèle ou d’engagement actionnarial des institutions financières méritaient d’être davantage formalisées, et l’impact des formations des collaborateurs mieux précisé ou évalué.
Le dernier rapport conjoint, publié fin octobre 2022, fait en outre apparaitre que les efforts observés précédemment marquent le pas. Les Autorités appellent donc les institutions financières à combler au plus vite l’écart entre le degré de transparence actuellement observé sur les engagements volontaires et les exigences qui découlent des réglementations en cours d’application et à venir.