Document de travail

Transition verte et finances publiques

Mise en ligne le 29 Mai 2024
Auteurs : Caterina Seghini, Stéphane Dees

Document de travail n°949. Alors que le monde est confronté à une hausse des températures, à des phénomènes météorologiques extrêmes et à des perturbations environnementales, l'impératif d'atténuer le changement climatique n'a jamais été aussi pressant. Pourtant, la poursuite d'une atténuation efficace pourrait menacer la viabilité de la dette publique en raison des coûts budgétaires potentiellement énormes des politiques associées. Cet article utilise une approche d'équilibre général dynamique qui prend en compte les implications macroéconomiques de la transition verte et ses conséquences pour les finances publiques. Il montre que lorsque le gouvernement s'appuie trop fortement sur des mesures basées sur les dépenses, il menace la viabilité de la dette publique en augmentant la probabilité de défaut souverain, ce qui entraîne une hausse des taux d'intérêt sur les obligations d'État. Ce risque accru de défaillance de l'État a des répercussions potentiellement importantes sur les conditions de financement des investissements pour le secteur privé et augmente le coût de la transition vers une économie bas-carbone. D'autre part, les politiques de tarification du carbone rendent la transition plus viable pour les finances publiques, au prix de coûts économiques tout aussi élevés, tout en restant efficaces dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le dosage optimal des politiques qui maximise le bien-être aboutit à une approche équilibrée, où la part de l'effort d'atténuation entrepris par le secteur public varie de 25 % à 40 % entre 2030 et 2050.

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Optimal public over total abatement and GDP in France, Germany and Italy

Alors que le monde est confronté à une hausse des températures, à des phénomènes météorologiques extrêmes et à des perturbations environnementales, la nécessité d'atténuer le changement climatique n'a jamais été aussi urgente. Alors que les efforts mondiaux pour limiter le changement climatique s'intensifient, de plus en plus de pays se sont fixé des objectifs d'émissions nettes nulles. Toutefois, des questions subsistent quant au respect de ces engagements climatiques, car les politiques actuelles et annoncées sont insuffisantes pour atteindre l'objectif de température (1,5 °C) fixé dans l'Accord de Paris. Par conséquent, des efforts d'atténuation supplémentaires sont nécessaires pour répondre à cette contrainte environnementale et à cet engagement politique.
Ce document analyse les coûts économiques et budgétaires de ces efforts d'atténuation nécessaires, en fonction des différents instruments politiques disponibles pour les mettre en œuvre. L'une des politiques d'atténuation visant à encourager la transition consiste pour le gouvernement à faire payer aux agents privés la quantité de gaz à effet de serre proportionnellement à leur niveau de pollution. Cette politique est communément appelée "tarification du carbone". Étant donné que cette politique se heurte à des problèmes d'acceptabilité ou d'équité sociale - elle nécessite une réduction des dépenses des consommateurs - le gouvernement peut également soutenir la transition en prenant en charge une partie des coûts par le biais d'investissements publics dans les technologies de réduction ou en subventionnant le secteur privé dans ses propres efforts de réduction. Si les politiques de tarification du carbone génèrent des revenus pour le gouvernement, soutenir la transition par des mesures de dépenses publiques entraîne des coûts budgétaires importants qui peuvent rendre la dette publique insoutenable. L'augmentation de la dette publique entraîne à son tour une plus grande probabilité de défaillance et une augmentation de la prime de risque souverain. Cela peut encore augmenter le coût du financement de la transition verte, surtout si cela se répercute sur les conditions de financement du secteur privé.
Notre contribution se situe à l'intersection de deux courants de littérature. D'une part, nous nous appuyons sur un modèle réel macro-climatique qui nous permet d'analyser la dynamique de l'économie en présence de l'externalité liée aux émissions de gaz à effet de serre. D'autre part, nous exploitons la littérature qui intègre les questions de viabilité de la dette publique dans les modèles macroéconomiques. Par conséquent, l'approche d'équilibre général dynamique que nous développons prend en compte les implications macroéconomiques de la transition verte et ses conséquences pour les finances publiques. Dans le prolongement, nous considérons également les effets de débordement des questions de soutenabilité de la dette publique sur les conditions de financement du secteur privé, qui s'avèrent modifier les effets macroéconomiques et la performance des différentes mesures d'atténuation.
Nos résultats montrent que la dépendance excessive des gouvernements à l'égard des politiques fondées sur les dépenses menace la soutenabilité de la dette publique en augmentant la probabilité de défaillance de l'État, ce qui entraîne une hausse des taux d'intérêt sur les obligations d'État. D'autre part, les politiques de tarification du carbone rendent la transition plus soutenable pour les finances publiques au prix de coûts économiques plus élevés et de pertes de consommation plus importantes. Toutefois, lorsque les retombées sur les conditions de financement du secteur privé sont prises en compte, nous montrons que les politiques conduisant à des taux d'intérêt souverains plus élevés augmentent les coûts macroéconomiques (baisse du PIB et de la consommation) de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Ces retombées sont encore plus importantes lorsque le gouvernement est très endetté. En effet, nos résultats mettent clairement en évidence le rôle clé des conditions initiales d'endettement, expliquant que les pays fortement endettés sont les plus susceptibles de subir les répercussions négatives des politiques de transition sur les finances publiques. En revanche, les effets négatifs des politiques carbone sur le PIB et la consommation sont réduits parce qu'elles conduisent à un allègement général des coûts de financement, bénéficiant ainsi à la consolidation fiscale. L'analyse d'une combinaison de politiques maximisant le bien-être révèle l'optimalité d'une approche équilibrée, dans laquelle la part des efforts d'atténuation entrepris par le secteur public augmente progressivement entre 2030 et 2050 (de 25 % à 40 %) en raison des coûts d'atténuation plus élevés pour le secteur privé.
À la lumière des conclusions de ce document, les décideurs politiques sont invités à faire preuve de prudence dans l'élaboration des politiques de transition, en reconnaissant que leurs implications budgétaires vont bien au-delà des effets macroéconomiques immédiats. Une approche équilibrée qui protège les finances publiques, reconnaît les conditions initiales d’endettement et anticipe les retombées est essentielle pour assurer l'efficacité et la soutenabilité de la transition verte. L'impératif d'un avenir sobre en carbone ne doit pas nous faire oublier les conditions budgétaires complexes qui l'entoure, car un faux pas dans ce domaine pourrait compromettre les objectifs mêmes que nous cherchons à atteindre.
 

 

Mots-clés : changement climatique, politiques d'atténuation, taxes et subventions environnementales, finances publiques
JEL classification: D58, E63, H23, H63, Q54
 

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Mise à jour le 25 Juillet 2024