Note : La taille des points rouges reflète le poids des secteurs dans la VA et la largeur des traits bleus les montants des principaux échanges bilatéraux. Les flux avec l’étranger n’apparaissent pas ici pour faciliter la lecture mais sont pris en compte dans le modèle. APU : Administration publique. TIC : Technologies de l’information et de la communication.
L’impact de la taxe dépend fortement de la structure sectorielle de production
Par construction, dans notre simulation, les taux de taxe appliqués à chaque secteur dépendent de leurs émissions de GES. Un secteur sera d’autant moins affecté qu’il utilise des technologies moins intensives en carbone. Par exemple, le secteur de production d’électricité français fait face à un niveau de taxation inférieur de moitié à celui de son homologue du reste de l’UE grâce à la technologie nucléaire. Sa VA baisse ainsi seulement de 0,6%, contre 0,8% dans le reste de l’UE. On voit toutefois sur le graphique 1a, qui présente une décomposition sectorielle des impacts en France et dans le reste de l’UE, que sa contribution à l’impact agrégé est faible.
En revanche, par un effet de composition, des secteurs faiblement polluants mais dont la part dans la VA agrégée est importante figurent parmi les plus gros contributeurs dans les deux régions : les services financiers, légaux et immobiliers, le commerce, la santé et les administrations publiques, expliquent 40% de la baisse aussi bien en France que dans le reste de l’Europe. Sans surprise, le secteur manufacturier, plus polluant et dont le poids économique est important, en particulier dans le reste de l’UE, est le 2e contributeur à la baisse de la VA.
Au-delà de l’intensité carbone ou du poids des secteurs dans l’économie, l’impact de la taxe est déterminé de façon complexe par la manière dont elle se propage dans les réseaux de production nationaux et internationaux (cf. le graphique 2 pour un aperçu simplifié pour la France) : elle provoque d’un côté une hausse de prix qui se répercute en aval des chaînes de valeur, et de l’autre une baisse de la demande d’intrants intermédiaires qui se répercute en amont. L’ampleur de cette propagation dépend donc de la taille des secteurs, de leurs positions relatives et du volume des échanges bilatéraux intersectoriels. La structure sectorielle de l’économie affecte tout particulièrement les secteurs situés très en amont, qui font face à une baisse « en cascade » de la demande qui leur est adressée. L’extraction minière et le raffinage d’hydrocarbures – ce dernier étant de surcroît directement affecté par la taxe sur les achats de combustibles fossiles – figurent ainsi parmi les secteurs les plus touchés.
Un impact moins fort en France que dans le reste de l’Union européenne
La hausse du prix de carbone examinée réduirait la VA réelle française de 0,8%, contre 1.0% pour le reste de l’UE, soit un impact agrégé 20% moins fort pour la France.
En dépit des différences entre les deux régions en termes d’intensité carbone (plus élevée pour les ménages, mais plus faible en moyenne pour les entreprises en France que dans le reste de l’UE), cet écart traduit principalement des différences de structure sectorielle : même si les niveaux de taxation appliqués étaient les mêmes dans les deux pays, une différence de 0,2 point de pourcentage perdurerait entre l’impact agrégé en France et celui dans le reste de l’UE.
Par effet de composition, les secteurs « pétrole, charbon, extraction » et « manufacture » expliquent ainsi à eux seuls plus de la moitié de la différence d’impact entre les deux régions (voir graphique 1b). En effet, ils sont parmi les secteurs les plus affectés par la taxe et leur poids est plus important dans l’économie du reste de l’UE qu’en France. À l’inverse, certains secteurs contribuent davantage à la baisse de la VA en France que dans le reste de l’UE de par leur taille : agriculture, santé, APU et services administratifs. Il s’agit toutefois, en dehors de l’agriculture, de secteurs plutôt épargnés par la taxe.
Conclusion
L’analyse présentée dans ce billet illustre l’intérêt de recourir à une modélisation sectorielle pour étudier les effets d’une hausse du prix du carbone. Elle montre que, compte tenu de la structure de son économie, la France se situe dans une position légèrement plus favorable que le reste de l’UE pour entamer la transition climatique via cet instrument. En revanche, cette étude n’aborde notamment pas la question de l’hétérogénéité des impacts d’une taxe carbone selon les ménages et ne se prononce donc pas sur la nécessité d’un mécanisme de redistribution progressive de ses recettes.