Document de travail

Structure de l'endettement des entreprises et transmission hétérogène de la politique monétaire

Mise en ligne le 19 Décembre 2023
Auteurs : Marie Alder, Nuno Coimbra, Urszula Szczerbowicz

Document de travail n°933. En utilisant les données de bilan des entreprises françaises, nous montrons que la structure de la dette des entreprises joue un rôle important dans la transmission de la politique monétaire de la BCE. Outre la politique de taux d'intérêt, nous analysons l'impact d'un nouveau choc de spread souverain induit par la BCE lié au risque de crédit et à la liquidité et nous montrons que les deux types de resserrement de politique monétaire diminuent l'investissement des entreprises françaises. La transmission des chocs de politique monétaire conventionnelle est plus forte pour les entreprises ayant une part plus importante de dette bancaire. Inversement, les chocs contractionelles de spreads obligataires réduisent d’avantage l'investissement des entreprises dont la part d'obligations dans la dette totale est plus élevée. Le resserrement de la liquidité des obligations et du risque de crédit entraîne une augmentation des écarts entre les taux d'intérêt des obligations et des prêts bancaires et une diminution de l'émission d'obligations.

Image wp933
Average response of investment to CMP (left panel) and BSP (right panel) shocks (years on x-axis)

Dans cet article, nous analysons la transmission de la politique monétaire à l'investissement et au crédit des entreprises françaises. 

En plus des chocs de politique monétaire conventionnels (CMP), nous mettons en évidence un nouveau choc de politique monétaire qui consiste en des mouvements dans les spreads souverains franco-allemands autour des annonces de la BCE. Nous montrons ensuite que ce choc sur les spreads obligataires (BSP) est corrélé avec la liquidité et le risque de crédit sur les marchés obligataires, et qu'il a également un impact sur l'investissement (Figure 1) et le crédit des entreprises.

En utilisant un large panel d'entreprises françaises, nous montrons ensuite que les deux types de politique diminuent l'investissement et le crédit des entreprises françaises après des chocs de resserrement monétaire. Cependant, la force de l'impact dépend de la structure de la dette de chaque entreprise (figure 2). 

Les entreprises qui dépendent davantage du crédit bancaire comme source de financement sont relativement plus touchées par les chocs de politique monétaire conventionnelle. En revanche, les entreprises qui dépendent davantage de la dette obligataire ont tendance à être plus sensibles aux chocs de spreads obligataires, qui affectent la liquidité des obligations.

Nous montrons également qu'il existe une substitution importante, mais imparfaite, entre les deux types de sources de financement. Après un choc conventionnel, il y a une augmentation de l'émission de dette obligataire qui compense partiellement la baisse des nouveaux prêts bancaires. D'autre part, après un choc sur la liquidité des obligations, on observe une augmentation des prêts bancaires qui compense en partie la baisse des émissions d'obligations d'entreprises.

Conformément à l'interprétation selon laquelle la politique monétaire conventionnelle a un impact plus direct sur le canal des prêts bancaires que les chocs de spreads obligataires (et vice-versa), nous constatons que les taux bancaires augmentent davantage que les rendements obligataires après un resserrement de politique monétaire conventionnelle, alors que l'inverse se produit après un choc sur les spreads obligataires.

Mots-clés : Transmission de la politique monétaire, Structure de la dette des entreprises, Investissement
Codes : E22, E43, E44, E52

Mise à jour le 27 Mai 2025