Note : De gauche à droite la valeur des PD en transition ordonnée et retardée, pour la première, deuxième et troisième entreprise la plus touchée (avec l’écart le plus important entre les PD dans les deux scenarios de transition en 2050).
En examinant plus spécifiquement certaines entreprises individuelles (les trois entreprises les plus impactées pour chaque secteur), le graphique 3 met en évidence que certaines entreprises peuvent atteindre un niveau de PD insoutenable en 2050, passant de 0,6% dans un scénario de transition ordonnée à plus de 9% dans un scénario de transition retardée. Parmi les conséquences très défavorables de cette détérioration de la qualité de crédit pour les entreprises et les établissements de crédit, on peut rappeler que les créances privées qui sont admises en garantie pour les opérations de refinancement doivent avoir une PD inférieure à 0,4% dans le cadre permanent de la politique monétaire et une PD inférieure à 1,5% s’il s’agit de créances privées supplémentaires (additional credit claims, ACC). Une créance privée avec une PD supérieure à 1,5% est considérée comme non-éligible pour les opérations de politique monétaire, et les PDs supérieures à 5 % correspondent à l’échelon le plus défavorable de qualité de crédit.
Spreads de crédit entreprise et prix d’actifs financiers
Le changement climatique est un phénomène qui peut avoir des effets très importants sur les secteurs économiques, les acteurs financiers et la stabilité financière (NGFS). Pour ces raisons, nous nous focalisons ici sur l’impact des scenarios de transition sur des variables financières clés comme les spreads de crédit et les prix d’actifs financiers. Les spreads de crédit des entreprises non-financières françaises, et leurs projections, ont été déterminés à partir des probabilités de défaut fournies par le Risk Management Institute de la National University of Singapore et les projections calculées, pour chaque scénario d’intérêt, par le modèle de cotation de la Banque de France. À partir des PDs sur chaque horizon et secteur économique d’intérêt, les spreads de crédit associés ont été déterminés à l’aide de la formule de Merton (1974) et Black et Cox (1976). Une fois constituée la base de données des spreads, les projections sont réalisées, pour chaque scénario de transition, à l’aide d’un modèle VAR Gaussien dont les variables sont les spreads de crédit, deux variables macroéconomiques (taux de croissance du PIB et taux d’inflation) et la courbe des taux sans risque.
Afin d’étudier l’impact de chaque scénario alternatif, par rapport à une transition ordonnée, on peut comparer deux secteurs économiques : le secteur "consommation non-cyclique" (CNC ; agriculture, fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac, industrie pharmaceutique et activités pour la santé humaine) et le secteur "énergie fossile" (EF ; mines et carrières, cokéfaction et raffinage).
En écart au scénario de référence, et en ligne avec les projections des PDs présentées dans le graphique 1, nous observons que : a) le secteur énergétique montre des variations anticipées des spreads de crédit plus importantes que celle du secteur CNC et cela pour chaque scénario alternatif ; b) les variations anticipées du secteur CNC sont marginalement affectées par les deux scénarios alternatifs (10bps et 15bps, respectivement); c) dans la transition retardée, les variations anticipées des spreads de crédit du secteur EF sont légèrement négatives jusqu’en 2035 pour devenir ensuite positives et atteindre des valeurs proches de 25bps en 2050 ; d) dans le cas de transition soudaine, les variations des spreads du secteur EF sont négligeables jusqu’en 2030 et atteignent ensuite près de 30bps en 2050.
Les prix des actifs boursiers sont eux déterminés à l’aide d’un modèle reposant sur la somme des flux actualisés des dividendes futurs anticipés (Dividend Discount Model). Ces dividendes sont dérivés des projections de valeurs ajoutées (VA) déterminées selon la méthodologie mentionnée dans le billet de blog n°255. Le taux d’actualisation est déterminé à partir de l’indice boursier du pays considéré, augmenté par une composante de prime de risque identifiée, pour chaque secteur et scénario, par le spread de crédit associé. Étant donné un prix d’actif pour chaque secteur et scénario, la variation relative (en pourcentage) du prix dans un scénario alternatif par rapport au scénario de base détermine l’élasticité de l’actif en question. Le graphique 4 montre ainsi que, si les investisseurs découvraient subitement en 2020 que la valeur future des dividendes du secteur pétrolier n’était pas celle du scénario de référence mais celle associée à une transition désordonnée (retardée ou soudaine), alors les cours boursiers de ce secteur apparaitraient -par rapport au scénario de référence- surévalués de l’ordre de 41% dans le premier cas et de 54% dans le second.