Désormais, la poursuite de la remontée des taux longs japonais reste dépendante des anticipations de marché sur la capacité de la BoJ à normaliser sa politique monétaire. La sortie du taux directeur négatif (alors fixé à -0.1%) est finalement intervenue en mars 2024 mais n’augure pas nécessairement d’une séquence d’autres hausses de taux compte tenu des incertitudes entourant le régime d’inflation future du Japon.
Outre ce paramètre de l’évolution du taux directeur de la BoJ, la poursuite de remontée des taux longs japonais qui s’est accélérée sur l’ensemble de la courbe depuis le début de l’année devrait rester cependant contenue :
• la fin du programme d’assouplissement quantitatif et qualitatif (Quantitative and Qualitative Easing ou QQE) c’est-à-dire des opérations d’achat de titres souveraines japonais (rinban) par la banque centrale devrait accentuer la remontée des taux, mais la BoJ devrait chercher à conserver la maîtrise des taux longs avec un taux 10 ans qui ne devrait pas excéder significativement 1% à court-moyen terme ;
• au demeurant, la réduction de la taille du bilan de la BoJ qui, à l’instar des autres banques centrales, a beaucoup cru en raison des achats massifs de titres publics, n’a pas encore été évoquée et ne devrait pas intervenir avant 2025-26, après la fin du QQE.
• après avoir atteint un sommet fin 2023, la décrue progressive des taux américains, en lien avec le reflux de l’inflation, devrait freiner la hausse des taux japonais en raison du rôle directeur du marché américain ;
• les rapatriements de capitaux de la part des investisseurs domestiques japonais, attirés par la remontée des taux longs japonais est de nature à contenir l’ampleur de cette remontée.
Même si les taux japonais continuaient de se redresser, le mouvement de rapatriement des capitaux aurait un impact limité sur les marchés de taux étrangers, mais devrait favoriser un renforcement du yen. En effet, il existe toujours des facteurs en faveur d’investissements sur les marchés obligataires étrangers:
• l’économie japonaise demeure structurellement exportatrice de capitaux : la taille de la position nette extérieure du Japon, qui dépasse 70% du PIB sans équivalent au sein des pays développés, induit un excédent persistant de sa balance des transactions courantes du fait des revenus perçus sur ces placements étrangers ;
• une normalisation des courbes de taux Euro et Dollar sous forme de repentification (taux courts redevenant inférieurs aux taux longs) pourrait accroître l’attrait pour les placements de taux étrangers, alors que les rendements japonais pourraient rester durablement inférieurs à ceux des marchés étrangers en raison d’une croissance et d’une inflation tendancielle plus faibles au Japon ;
• pour limiter leur risque de bilan, les assureurs-vie japonais ont promu l’essor de polices d’assurance libellées en devises étrangères, notamment en dollars, créant une demande naturelle pour des produits de taux libellés en devises étrangères.